Sous la pression des réseaux sociaux, suite à un tweet de Pierre Oliver, maire Les Républicains du 2e arrondissement, le duo Lundy Grandpré annule ses représentations de Jardin Amour aux Subs. Un nouveau recul face à la violence venue de la droite et de l’extrême droite. Un épisode malheureux de manipulation politique dont deux jeunes artistes de 24 et 28 ans se retrouvent être les premières victimes.
Ça commence à faire beaucoup. Après, entre autres, en avril, un concert de Bilal Hassani à Metz, ou déjà à Lyon, un concert de DJ et rappeurs sur le toit de la Basilique Fourvière, c’est le duo formé par Lucile Genin et Akène Lenoir qui annule ses représentations de Jardin Amour aux Subs à Lyon. Pression politique et haines en tous genres venue des réseaux de la droite et de ses extrêmes sont encore une fois à l’origine de ce renoncement. Rappel des faits : mardi, dans un tweet reprenant une vidéo d’il y a deux ans, Pierre Oliver, le maire LR du 2e arrondissement, également élu au Conseil Régional Rhône-Alpes (proche de Laurent Wauquiez et membre du shadow cabinet d’Eric Ciotti) laisse croire que le duo Lundy Grandpré joue nu devant des enfants. Comme le précise très rapidement le journal Libération, c’est faux. L’édile, dans son tweet met également en rapport la subvention municipale allouée au duo et la réduction de 37 subventions allouées à des « acteurs historiques » de la ville de Lyon. Aucun rapport entre les deux, ni de cause à effet, ni de dimension puisque la subvention de la ville (à venir) pour le duo s’élève à 1500 euros…
Du bashing écolo peu inventif mais efficace puisqu’il déchaîne rapidement les réseaux sociaux puis s’attaque directement au duo. « Des insultes, des menaces qu’on a reçues sur notre Instagram, qu’on abasculé en mode privé. Puis sur nos mails ». Si bien que » le coeur n’y est plus « , explique Akène Lenoir, « Jardin amour est un travail joyeux, festif et collectif où l’on s’amuse avec le public ». Lucile Genin poursuivant : « On a reçu beaucoup de violence. C’est très dur de voir nos images détournées à des fins politiques ».
Sur le fond, les deux artistes expliquent à nouveau qu’ils ne sont pas nus dans la version jeune public. Que les images publiées par le maire LR et largement relayées ont été prises lors d’une sortie de résidence où les parents sont des proches, connaissant par avance le travail des artistes, venus en toute connaissance de cause, et repartis sans jamais se plaindre. Plutôt contents même. Surtout, insiste Stéphane Malfettes, directeur des Subs, structure qui accueille le duo depuis un an, que ces accusations « sont l’antithèse même du travail qu’ils essayent de développer. Comme souvent dans cette jeune génération, ce sont des artistes hyper sensibles à la notion de care et de safe du public auquel ils s’adressent ».
Caricature d’écolos illuminés, de wokes exhibitionnistes plantant des sextoys dans un jardin, d’hurluberlus qui veulent faire l’amour à la Terre et aux plantes, la presse a pas mal glosé sur l’écoféminisme et l’écosexualité à la source de ce travail, courants dont se réclament effectivement les artistes, et « mouvements de pensée très représentés dans l’art actuel », confirme Stéphane Malfettes. « Il n’y a aucune atteinte à quoi que ce soit, ils ont trois formules, dont une pour le jeune public, plus courte, pour que les enfants comprennent mieux, avec des jeux où les enfants découvrent les plantes, respirent la menthe, la sauge. Une autre tout public, et une dernière qualifiée pour adulte sur l’écoféminisme, et l’écosexualité mais pas du tout dans l’atteinte à la pudeur ». « L’idée de ces mouvements, c’est de repenser notre rapport au vivant en considérant la Terre comme une amante plutôt que comme une Terre nourricière, ce sont des mouvements joyeux, drôles et pleins de dérision » confirme le duo.
Comment faire comprendre une pensée, une démarche artistique dans une cyber-tempête causée par des manipulations politiques ? Impossible. « Le rôle de notre institution n’est pas de mettre à l’index les responsabilités de certains de nos élus qui ont des méthodes qui déclenchent du cyberharcèlement », poursuit Stéphane Malfettes dans une belle prétérition, « mais de réparer et de protéger ces artistes qui ont subi un préjudice ». Sautant sur l’occasion, le Rassemblement National, à Sens, a demandé la déprogrammation d’une autre performance du Lundy Grandpré, à laquelle s’est immédiatement opposée le maire Les Républicains, Paul-Antoine de Carville. Risquant d’être déprogrammé ou même juste associé à une image caricaturale véhiculée par certains médias ( où Le Parisien se distingue), les deux jeunes artistes (24 et 28 ans) sont à la fois « choqués » et « en colère ».
Les Subs souhaitaient maintenir la représentation – la sécurité n’était pas engagée – mais c’est leur état de « sidération » qui a prévalu dans cette annulation. Résultat d’une tempête énorme et inarrêtable comme seules les permettent les réseaux sociaux, qui oblige à se reconstruire un peu avant de repartir. Cela passera, il n’y a pas à dramatiser, peut-on penser. On pourra voir le duo au Carreau du Temple le 29 juin et on ne sait pas quand exactement de retour aux Subs. Mais il est temps aussi de trouver les moyens, comme y appelle une tribune publiée ce même jour dans Le Monde, de réduire le pouvoir de nuisance de tels agissements.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Cette horrible attitude d’un élu municipal, un parmi tant d’autres malheureusement, amène à réclamer un positionnement clair et public de l’association des maires de France contre la censure morale dans la création artistique. Après tout, la parole publique d’un maire, fut-il d’arrondissement, engage forcément l’attitude de la profession qu’il représente. Si les opinions sont libres, quelles qu’elles soient, le glissement progressif vers l’autocratie de certains responsables politiques vient frapper au cœur l’espérance démocratique.
Je suis écoeuré et révolté par cette violence, ce harcèlement et le projet politique de droite et d’extrême droite contre la culture. Le monde des arts de la scène ne doit pas se taire. Unissons nous et rappelons la force de nos idéaux de liberté d’expression !