Créé sous confinement la saison dernière, le nouveau Faust de l’Opéra Bastille, mis en scène par Tobias Kratzer, trouve enfin son public qu’il embarque dans sa folle et intrépide traversée d’un Paris nocturne et contemporain.
Réputé sulfureux iconoclaste depuis son Tannhäuser présenté à Bayreuth, l’artiste allemand Tobias Kratzer démontre une nouvelle fois son incontestable capacité à propulser les œuvres lyriques dans un présent immédiat et explosif tout en échappant à la simple anecdote. C’est même avec intelligence et virtuosité qu’il met les langages scéniques d’aujourd’hui, et notamment la vidéo, au service d’une dramaturgie qui, sans dénaturer le sens de l’ouvrage, lui confère une évidente modernité. Ainsi, son Faust, moins avide de connaissances qu’assoiffé de vie et de volupté, retrouve la jeunesse qui l’obsède pour mieux séduire, étonner, captiver.
D’abord représenté comme un jouisseur vieillissant ayant recours au sexe tarifé, Faust retrouve sa fraîcheur arrogante et sa fonceuse vitalité en pactisant avec un diable inopinément débarqué. Sautant le balcon d’un chic appartement, ces deux-là s’élancent aveuglément sous le ciel parisien. Planant dans les airs ou chevauchant deux montures volées, ils s’engouffrent et s’encanaillent dans les abîmes d’une nuit éternelle follement agitée. Du centre haussmannien à la sinistre grisaille d’une cité bétonnée où la passion côtoie assurément le danger, une scénographie formidablement spectaculaire fait se succéder un terrain de basket où s’ébrouent Valentin et ses potes, la piste d’une boîte de nuit où Faust rencontrera l’ingénue Marguerite, une rame de métro désertée, un Pigalle débridé et Notre-Dame incendiée.
Le bonheur haletant que suscite le spectacle tient davantage à sa réalisation scénique qu’à la direction musicale excessivement épaisse et étirée. En fosse, Lorenzo Viotti qui réalisait un travail absolument galvanisant laisse place au baroqueux Thomas Hengelbrock qui rend bien moins justice à l’hétéroclicité comme à la généreuse théâtralité de la partition. Seule la nuit de Walpurgis prend des accents furieux. Le reste a tendance à s’éterniser et plomber un peu.
On peut en revanche compter sur la splendeur d’une distribution rayonnante. Dans le rôle-titre, Benjamin Bernheim proche de l’idéal est aussi conquérant que touchant lorsqu’il entonne à la façon d’un adolescent rêveur et timoré un suave « Salut demeure chaste et pure » au seuil de l’immeuble de banlieue où habite sa bien-aimée, Marguerite, rôle dans lequel Angel Blue succède somptueusement à l’idoine Ermonela Jaho. Tragédienne sans douter moins expansive, elle ravit néanmoins en affirmant une belle présence et des moyens vocaux radieusement ambrés. Christian Van Horn fait un Méphistophélès sombre et charismatique. Emily D’Angelo se révèle en fidèle Siebel, irrésistible puceau à lunettes doté d’une belle sensibilité. Sylvie Brunet-Grupposo campe une Dame Marthe aussi touchante qu’éclatante. Guilhem Worms et Florian Sempey s’imposent en incarnant Valentin et Wagner de façon virile et convaincante. Tous les artistes, solistes et chœurs, véritables forces vives au plateau, servent avec une nette jubilation cette production diablement réussie du Faust de Gounod.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Équipe artistique
DIRECTION MUSICALE : Thomas Hengelbrock
MISE EN SCÈNE : Tobias Kratzer
DÉCORS, COSTUMES : Rainer Sellmaier
LUMIÈRES : Michael Bauer
VIDÉO : Manuel Braun
CHEFFE DES CHŒURS : Ching-Lien Wu
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
FAUST : Benjamin Bernheim
MÉPHISTOPHÉLÈS : Christian Van Horn
VALENTIN : Florian Sempey
WAGNER : Guilhem Worms
MARGUERITE : Angel Blue
SIEBEL : Emily D’Angelo
DAME MARTHE : Sylvie Brunet-Grupposo
FAUST ÂGÉ : Jean-Yves ChilotDurée : 3h50 avec 2 entractes
Opéra Bastille
du 28 juin au 13 juillet 2022
J’ai trouvé cette présentation presque abominable! Tout était laid sauf le vol au dessus de Paris. Les costumes, certains des décors — aucun plaisir à les regarder. Marguerite gigotait et minaudait sans arrêt…bref au bout du deuxième acte mon mari et moi n’en pouvions plus! Quelle déception et quel soulagement lorsque nous avons éteint la télévision!