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Identités complexes

A voir, Avignon, Caen, Dijon, Les critiques, Paris, Théâtre
Virginie Meigné

crédit Virginie Meigné

Le comédien Jean-Christophe Folly compose dans Salade, tomate, oignons un seul en scène saisissant créé à la Comédie de Caen. 

Depuis son arrivée à la tête de la Comédie de Caen en 2015, le metteur en scène et comédien Marcial Di Fonzo Bo a initié les « portraits ». Soit des invitations lancées à des artistes pour concevoir des formes courtes, modestes formellement, réunissant un ou deux acteurs en scène et centrées sur la vie d’une personne. Après plusieurs portraits portant sur des figures célèbres et réelles (le dramaturge Bernard Marie Koltès, le sociologue Pierre Bourdieu, le philosophe Michel Foucault, la chanteuse Nina Simone, etc.), les portraits plus récemment créés se dédient à des personnes fictives ou à des anonymes. Des « existences particulières du quotidien ». Se coltinant à l’exercice, Jean-Christophe Folly – comédien jouant, entre autres, dans les spectacles d’Elise Chatauret, Irène Bonnaud ou, encore, Jean Bellorini – signe avec Salade, tomate, oignons – Portrait d’Amakoé de Souza un portrait émouvant et mouvant, où un personnage passe en trois temps d’un corps et d’une pensée à l’autre.

Lorsque la lumière se fait sur le plateau quasi nu, Jean-Christophe Folly s’y tient face à nous, vêtu d’un costume noir, les éléments intrigants de sa tenue étant ses gants blancs et son chapeau melon. Deux accessoires qui n’ont rien d’anodin, en ce qu’ils renvoient aux costumes en vigueur dans les spectacles de ménestrels. Soit un théâtre (initialement uniquement interprété par des comédiens blancs qui représentaient en ayant recours au blackface de manière caricaturale des personnes noires) prolongeant les stéréotypes raciaux – donc racistes – ancrés dans la culture américaine. Dans sa première partie, Salade, tomate, oignons va volontairement jouer avec les codes de ce type de divertissement, que ce soit par les artifices scéniques relevant du music-hall (rampes de néons situées au sol), ou par l’interprétation. Car cet homme semblant venir de très loin et racontant pêle-mêle sa commande de nuggets dans un kebab et son inquiétude pour sa bouilloire, s’exprime avec un accent africain marqué. Son discours lui-même est étrange, et se déploie dans une longue phrase ininterrompue. Si cette volubilité ajoutée à cette syntaxe particulière accentue la solitude du personnage et son urgence à l’exprimer, un décalage s’instaure entre lui et nous et le désespoir dont il témoigne peut alors prêter à sourire.

Mais déjà l’homme quitte son costume pour endosser un autre personnage, celui d’une femme vêtue d’un justaucorps rouge, d’un pantalon sobre et de hauts talons. Exit l’accent et la logorrhée interminable. Quoique plus désinvolte et maniant l’ironie, cette femme n’en est pas moins seule que celui qui l’a précédée. Son adresse aux spectateurs va s’appuyer sur l’aveu de son isolement, sur sa désillusion quant à ceux qui l’entourent comme sur ses questionnements concernant les concepts d’identité, d’appartenance ou de race. Enfin, elle cède la place à une troisième et ultime figure. Vêtu d’une veste et tenant la valise qui a trôné durant tout le spectacle en fond de scène, cet homme semble le plus apaisé des trois. Le plus mélancolique, aussi. Comme s’il désirait quitter sa solitude pour tenter un rapprochement avec son interlocuteur (comme avec les spectateurs), ainsi qu’il le signifie dans son adresse finale « On fait quoi, maintenant ? On fait quoi ? »

Aussi économe qu’efficace formellement, Salade, tomate, oignons déplie trois figures et à travers elles trois corps, trois langues, trois tempéraments et trois modes d’adresse distincts, joués dans un espace à chaque fois reconfiguré par la création lumières. Si ces personnages sont reliés par certaines de leurs obsédantes questions – sur leurs origines, sur ce que serait l’identité, sur ce à quoi on semble les assigner – comme par le lieu dans lequel ils se croisent (un kebab), un mouvement a lieu. Et du premier au dernier un déplacement s’opère, fruit, peut-être, de la rencontre avec l’autre. Par sa plasticité et sa capacité à aller d’un personnage à l’autre, le texte pourrait évoquer Providence d’Olivier Cadiot (P.O.L., 2015). Dans ce roman, chaque personnage bute sur un problème, une idée, ou une sensation ressentis par un autre personnage et d’un autre point de vue. Mais Salade, tomate, oignons révèle surtout le travail d’auteur de Jean-Christophe Folly. Déjà reconnu dans son parcours d’acteur, le comédien – accompagné par Emmanuelle Ramu à la collaboration artistique – livre ici un texte riche par sa liberté formelle et par sa capacité à ne pas se laisser rabattre sur des clichés de son sujet. Un texte dense, traversé de doutes, auquel Folly donne toute sa puissance par son interprétation rigoureuse et maîtrisée.

Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

Salade, tomate, oignons
Avec Jean-Christophe Folly

Production Comédie de Caen-CDN de Normandie
Coproduction Compagnie Chajar & Cham’s, Théâtre Dijon Bourgogne
Avec le soutien de la Maison Jacques Copeau, Pernand-Vergelesses, Les Plateaux Sauvages – Paris
Avec l’aide de la Fondation Beaumarchais-SACD.

Durée : 1 h

Festival Off d’Avignon 2024
Présence Pasteur

du 3 au 20 juillet (sauf les 9 et 16), à 20h15

5 décembre 2019/par Caroline Chatelet
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