Ce premier Temps Nu Avec Texte ne concerne donc que ce seul spectacle, mis en scène par Claude Degliame et moi-même, qui avons décidé d’essuyer les plâtres de ce concept aussi ridicule que dangereux. On appelle ça Phèdre/Brisures parce qu’il s’agit d’une version écourtée, environ la moitié des vers. Nous écourtons pour mieux faire entendre les sublimes rescapés. La langue « impossible » de Racine est le véritable sujet du spectacle. Le dispositif scénique mettra les acteurs et les spectateurs dans une très grande proximité pour que la langue leur soit aussi inévitable que les corps.
Claude et moi-même avons une longue histoire avec Racine, et Phèdre en particulier. Notre premier spectacle ensemble, avec moi à la mise en scène et Claude sur le plateau, était Iphigénie, puis j’ai mis Phèdre en scène avec Claude dans le rôle de Phèdre, puis Claude a mis elle-même Phèdre en scène, dans lequel elle interprétait tous les rôles.
Nous y revenons une fois encore. Avec le bonheur – et la peur inhérente – de nous confronter à deux impossibles : le vers racinien ET la nudité des corps. Voici quelques mots écrits à quatre mains, pour tenter d’éclaircir :
– Comment vêtir le corps de Phèdre ? Avec quel costume ? Tout est réducteur, on le voit bien.
– C’est Chéreau disant de son Phèdre : « on ne doit pas voir les costumes ». On prend Chéreau au pied de la lettre.
– Phèdre, le personnage, n’est pas un ensemble de rapports sociaux, c’est un corps écartelé par deux mâchoires de fer, celles d’Éros et de Thanatos.
– Phèdre n’est pas un personnage, c’est un corps qui profère la plus extraordinaire construction poétique de la langue française, l’alexandrin.
– Seule l’âme du texte nous intéresse, et on sait, on le sait de source sûre, que ce qui montre l’âme, au théâtre, c’est le corps.
– L’âme totalement offerte du comédien c’est son corps totalement nu.
– Pourquoi vêtir ces corps tragiques, puisqu’ils sont en train de mourir ? Comment vêtir des torturés ?
– Un texte parlé sans le corps entier de l’acteur pour l’exhaler, on ne l’entend pas, c’est tout.
– Le corps entier, ça veut dire le tressaillement de la poitrine de Thésée quand il voit la trahison dans les yeux de son épouse, ou bien sa poitrine qui double de volume quand il maudit son fils. Ça veut dire l’haleine de Phèdre mourante, « elle expire, Seigneur ».
– C’est le même mot, expirer et expirer : quand on expire on expire le dernier souffle de ses poumons. Pour que Phèdre expire il faut que la poitrine de l’actrice se soulève et retombe une dernière fois pour expirer le dernier alexandrin. Cette fois tout cela, cette physiologie poétique, on le verra à nu.
Claude Degliame & Jean Michel Rabeux
Ce projet nécessite des acteurs uniques, pour nous uniques, ils sont consubstantiels du spectacle.
Les voici :
Claude Degliame dispose des vers de Phèdre et d’Oenone, Nicolas Martel de ceux de Théramène et d’Hippolyte, Sandrine Nicolas de ceux d’Aricie et de Théramène dans le récit qu’il fait de la mort d’Hippolyte, et enfin Eram Sobhani de ceux de Thésée.
TEMPS NU AVEC TEXTE [1]
TEMPS FORT IMAGINÉ
PAR CLAUDE DEGLIAME ET JEAN-MICHEL RABEUXPHÈDRE (BRISURES)
de Jean Racinespectacle mis en scène par
Claude Degliame et Jean-Michel Rabeux,Du lundi 3 au samedi 22 juin 2019
à 20h
Relâche les dimanches
Au LOKal
À Saint-Denis
3 rue Gabriel Péri ( Métro ligne 13 : station Saint-Denis / Porte de Paris)
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !