Dostoïevski est d’abord un romancier. Pourquoi le retrouve-t-on si souvent – et si longuement – sur scène ?
Les Frères Karamazov, L’Idiot ou encore Crime et châtiment : des titres d’œuvres qu’on retrouve régulièrement, avec plus ou moins de succès, à l’affiche des théâtres. Les arguments sont aussi différents que les metteurs en scène qui abordent l’auteur. Sylvain Creuzevault y a exposé les siens la saison dernière en adaptant Les Démons et en soulignant la « mise en dialogue » à laquelle d’autres font référence dans les textes du romancier. Fidèle à sa volonté de montrer l’idée de contestation, Sylvain Creuzevault souligne la « plongée hallucinée dans les ténèbres intérieures » dans laquelle Dostoïevski peut nous projeter. Si l’on se remémore le Rêve d’un homme ridicule ou Le Double, cette remarque du metteur en scène sonne presque comme une évidence.
Alors pourquoi autant de gens de théâtres explorent les textes de Dostoïevski, alors même que celui-ci n’a jamais écrit pour la scène ? L’un de ses principaux traducteurs, André Marcowicz, exposera son analyse, largement partagée par ceux qui l’ont précédé, lors d’une conférence à l’Odéon en octobre. En avant-propos, Marcowicz relève « le génie polyphonique » du romancier.
Comme Sylvain Creuzevault a remarqué la singularité de chaque personnage, Mikhaïl Bakhtine avait souligné que chaque figure des romans de Dostoïevski avait une conscience unique et que cette conscience avait l’esprit des autres personnages comme objet. En d’autres mots : les personnages semblent avoir besoin les uns des autres pour exister, comme les personnages d’une pièce de théâtre par exemple…
Les russes eux-mêmes sont les premiers à avoir élevé sur les planches leur auteur phare. Au début du XXe siècle, Vladimir Némirovitch-Dantchenko, co-fondateur du Théâtre d’Art de Moscou avec Stanislavski, a porté Les Frères Karamazov à la scène en deux soirées. Durant l’ère communiste, dans les années 60 à 80, sur les scènes russes, à ce premier roman déjà monté s’ajoute Crime et châtiment. Tout comme L’Idiot qui fait fureur à St-Pétersbourg et à Moscou !
Les Démons, qui dans ses traductions précédentes s’appelait Les Possédés a intéressé la France dès les années 50, puisqu’Albert Camus ne cachait pas sa fascination pour Dostoïevski, et il est l’un des premiers à avoir adapté le roman à la scène au Théâtre Antoine en 1959.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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