Malgré un Vincent Dedienne au top, la nouvelle production de Laurent Fréchuret, Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche est loin d’être convaincante. L’écriture décalée d’Hervé Blutsch est noyée dans une mise en scène qui tire en longueur.
Ervart est un homme rongé par la jalousie qui sombre dans la paranoïa. Vincent Dedienne se balade sur le plateau, pistolet à la main, avec l’envie de mettre la ville à feu et à sang. L’une des premières scènes du spectacle fait frémir quand l’on sait que tous les samedis du mois de décembre, à quelques mètres du Rond-Point contraint à la fermeture, des scènes d’émeutes urbaines se sont déroulées.
La plume d’Hervé Blutsch ne ressemble à aucune autre. Elle a donc toute sa place dans la programmation du Rond-Point. Ervart est un objet dada inclassable, à la fois conte, polar, vaudeville, comédie burlesque. “C’est un peu comme un Rubik’s Cube avec différentes facettes et différents univers ou un labyrinthe qui rend hommage à différents types de jeu et à différents codes théâtraux”, explique Vincent Dedienne. Ce spectacle lui va comme un gant, lui le comédien touche à touche, caméléon populaire, capable de jouer admirablement bien Marivaux, de toucher un public plus jeune à la télévision, et prendre des risques avec cette pièce déroutante. Un parcours d’artiste exemplaire qui aime brouiller les pistes. “En tant que spectateur, j’aime les acteurs et les artistes qui comptent sur ma curiosité.”
Dans le spectacle on croise pêle-mêle un psychiatre citationniste, un précepteur zoophile agent des services secrets tombant amoureux d’un cheval de Troie, des comédiens anglais perdus dans cette production française, Nietzsche jetant ses livres à la poubelle et un majordome qui tente de remettre un peu de cohérence dans ce foutoir. Quel plaisir de retrouver dans ce rôle le grand Jean-Claude Bolle-Redat, compagnon de route de tant de metteurs en scène de Jean-Luc Lagarce à Jean-Louis Martinelli en passant par Didier Bezace. Sans oublier la très grande Marie-Christine Orry dans le rôle désopilant de Anastazia Zilowski, comédienne fofolle et extravertie.
Mais voilà, la pièce tire en longueur, la deuxième heure poussive manque de rythme. Le texte s’enlise dans de longues séquences interminables. La folie retombe et devient pesante par manque de concision. La pièce perd de son efficacité et devient un long combat fatiguant pour le spectateur malgré tout le talent de Vincent Dedienne et de la troupe qui redoublent d’énergie jusqu’à la dernière minute pour maintenir le spectacle à flot.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
ERVART OU LES DERNIERS JOURS DE FRÉDÉRIC NIETZSCHE
de Hervé Blutsch | mise en scène Laurent Fréchuret | collaboration artistique Édouard Signolet | assistanat à la mise en scène Flore Simon | avec Stéphane Bernard*, Jean-Claude Bolle-Reddat, James Borniche, Maxime Dambrin, Vincent Dedienne*, Margaux Desailly*, Pauline Huruguen, Tommy Luminet*, Marie-Christine Orry | scénographie Alain Deroo et Laurent Fréchuret | lumière Laurent Castaingt | costumes Colombe Lauriot Prévost | maquillage et coiffure Françoise Chaumayrac | photo © Benjamin Chelly* issu.e.s de L’École de la Comédie
production Théâtre de l’Incendie
coproduction La Comédie de Saint-Étienne – CDN ; Théâtre du Rond-Point ; Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône | avec le soutien du DIESE # Auvergne-Rhône-Alpes, dispositif d’insertion de L’École de la Comédie de Saint-Étienneavec la participation artistique du Jeune théâtre national
Le Théâtre de l‘Incendie est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la Ville de Saint-Étienne et le Département de la Loire.Comédie de Saint-Etienne
mar. 2 au ven. 5 octobre 2018Théâtre du Rond-Point
9 JANVIER – 10 FÉVRIER 2019
SALLE : RENAUD-BARRAULT
HORAIRES : DU MARDI AU SAMEDI, 21H – DIMANCHE, 15H – RELÂCHE : LES LUNDIS ET LE 15 JANVIER
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