En paroles et en musique, Sébastien Barrier et Nicolas Lafourest dressent le portrait d’un animal à la noirceur toute féline au Théâtre de la Colline. Un duo aussi atypique qu’attachant.
Gus est un chat qui n’a, a priori, rien pour plaire. Plus noir que du charbon – les superstitions ont la vie dure – un brin loucheur et très chétif, il ne correspond pas aux canons de beauté féline. Dernier d’une portée de neuf chatons, il a été abandonné à l’âge d’un mois et demi dans une poubelle, non loin de l’Utopia, un cinéma d’art et d’essai de la périphérie toulousaine. C’est là que Nicolas Lafourest, le guitariste de la bande, l’a trouvé et l’a opportunément transformé en cadeau pour l’anniversaire de sa compagne. A l’époque, il n’imaginait sans doute pas qu’avec son comparse Sébastien Barrier, ils transformeraient l’histoire de Gus en épopée théâtrale.
Le duo est au moins aussi atypique que l’animal qu’il décrit, aussi rebelle et retors que ce chat qui dévore les perroquets pour apprendre le langage des hommes, terrorise son « humaine » pour la pousser dehors, protège les souris pour qu’elles se multiplient. Et surtout aussi attachant que cet orphelin qui ne s’est jamais remis de la séparation maternelle et envoie des lettres à sa mère pour lui raconter son quotidien. Spectacle tout public à partir de 10 ans, Gus n’en garde pas moins une vraie part d’ombre, celle qui fait de lui un chat pas tout à fait comme les autres et le rend intéressant pour tous.
Son portrait, les deux artistes l’esquissent en musique, en paroles et en dessins, signés Benoît Bonnemaison-Fitte. Dans une scénographie d’une sombre élégance, ils impriment un univers joliment déglingué et quelque peu balafré. Tantôt au banjo, tantôt à la guitare électrique, affublé d’un déguisement de Grosminet bon marché, Nicolas Lafourest vient agréablement et simplement colorer les mots écrits ou improvisés par Sébastien Charrier. Physiquement affaibli, le comédien conserve son aisance et son étrangeté scénique. Des imprévus – une jeune fille terrorisée par le bruit des ballons qui éclatent, une toux un peu trop tenace – il parvient même à s’emparer pour faire sourire.
Tout juste pourrait-on regretter qu’il manque, pour soutenir cette kyrielle de belles idées, une dramaturgie un peu plus musclée. Capable de transfigurer ce portrait animalier, de métamorphoser cette histoire en un conte initiatique, de faire de Gus un héros, ou un anti-héros, de la race féline. Ce chat en avait, semble-t-il, tous les moyens.
Gus
Un spectacle de et avec Sébastien Barrier (paroles) et Nicolas Lafourest (musique)
Création lumière Jérémie Cusenier
Régie générale (en alternance) Jérémie Cusenier, Alice Gilles Kahn
Son (en alternance) Félix Mirabel, Julien Le Vu, Jérôme Teurtrie
Dessins Benoît Bonnemaison-Fitte
Production Sébastien Barrier
Production déléguée CPPC – Centre de Production des Paroles Contemporaines, Saint-Jacques-de-la-Lande
Coproduction et soutien Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique, Nantes / La Colline, Théâtre National, Paris / Espace Malraux, Scène nationale de Chambéry et de la Savoie / Théâtre L’Aire Libre, Saint-Jacques de la Lande / Le Channel, Scène nationale de Calais.
Spectacle créé le 23 novembre 2017 au Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique, où Sébastien Barrier est artiste associé.
Durée : 1hMaison des Arts de Créteil
du 2 au 4 octobre 2019
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