Au théâtre 71 de Malakoff, Sara Llorca monte des Bacchantes où se substitue au rite bachique un concert de rock indépendant. Malgré le déchaînement sonore, sa mise en scène demeure résolument austère et amoindrit l’hybris propre au culte de Dionysos.
Des bacchantes étonnamment cristallisées autour d’une seule et même interprète, représentées sans jouissance, dépourvues de délire extatique, sans excès d’érotisme, pas plus de sauvagerie terrifiante… Sara Llora propose une bien sage adaptation de la tragédie d’Euripide par ailleurs rarement montée. Un espace simple et indéfini, enveloppé d’une brume diffuse et éclairé d’un crépuscule d’aurore ou de nuit infinie, une piste de danse où une seule maigre grappe de raisin, une bouteille de piquette et un lopin de terre, s’offrent comme évocation pour le moins elliptique des furieuses bacchanales sur le mont Cithéron. Cela manque de force et d’invention. Seule la musique (Benoît Lugué et Martin Wangermée) qui accompagne en direct toute la représentation installe un climat de mystère déchaîné. Dans la pure convention antique, s’alternent les épisodes théâtraux et leurs commentaires chantés, ici soutenus par d’épais riffs de guitare rugissante et les battements sourds d’une batterie.
Alors que la pièce d’Euripide, comme plus généralement le théâtre grec, abonde en troubles identitaires et sexuels, le travestissement est au cœur du spectacle. Dionysos, revenu incognito dans sa ville natale pour y introduire son ordre bafoué et proscrit par son cousin Penthée, apparaît campé par une femme. Kitschement vêtu tout de blanc et portant des lunettes de soleil, Anne Alvaro fait un Dieu sournois et félin, très singulier mais aussi maniéré. Elle interprétera aussi un sautillant Tirésias et enfin la déchirante infanticide Agavé. On ne saisit pas tout ce que joue, pourtant finement, l’actrice polymorphe. A l’opposé, le jeu trop appuyé des autres comédiens confine parfois au grotesque.
Convaincu de devoir féminiser ses traits pour épier les Bacchantes à l’œuvre de la dépossession d’elles-mêmes, Penthée finira pourchassé et dépecé comme une bête des mains de sa propre mère délirante et éplorée dans sa tunique bleu de Sainte-Marie noiraude. Les costumes sont dans l’ensemble peu gracieux. Sans doute le geste contient une part de dérision mais dont le sens échappe. Cette nouvelle version des Bacchantes paraît loin du renversement de l’ordre et de la libération chaotiques des passions attendus.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Bacchantes
d’après Euripide
d’après les traductions de Jean et Mayotte Bollack et Henri Berguin
mise en scène et adaptation Sara Llorca
accompagnement à la réécriture Charlotte Farcet
dramaturgie Guillaume Clayssen
musique Benoît Lugué Martin Wangermée
scénographie Mathieu Lorry-Dupuy
lumière Léo Thévenon
son Axel Pfirrmann (Studio Sextan-La Fonderie)
costumes Mariette Niquet-Rioux
assistanat mise en scène Lou Henry
avec
Anne Alvaro
Ulrich N’Toyo
Jocelyn Lagarrigue
Sara Llorca
Benoît Lugué
Martin Wangermée
coproduction Théâtre 71 – Scène nationale de Malakoff, La Manufacture – Centre dramatique national de Nancy Lorraine, La Halle aux Grains – Scène nationale de Blois, La Filature – Scène nationale de Mulhouse, Théâtre Montansier – Versailles
avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France et le soutien d’ARCADI
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
remerciements Charles Vitez, DeLaVallet Bidiefono et Dieudonné Niangouna
Durée : 1h35du 7 au 17 novembre 17 à Malakoff
Les 21 et 22 novembre au Bateau Feu -SN de Dunkerque
Du 30 novembre au 4 décembre au Théâtre Montansier de Versailles
Le 8 décembre au centre culturel de La Norville
Les 12 et 13 décembre au Lieu Unique à Nantes
Le 15 décembre au Carré de Cesson-Sévigné
Du 18 au 21 décembre au CDN Nancy-Lorraine où Sara Llorca sera artiste associée à la saison 17-18
Les 9 et 10 janvier à La Halle aux grains -SN de Blois
Du 16 au 18 janvier à L’Espace Malraux -SN de Chambéry
Le 20 janvier au Théâtre Jacques Coeur de Lattes
Du 23 au 27 janvier au CDR de Tours
Du 30 janvier au 1er février à La Filature -SN de Mulhouse
Le 6 février au théâtre Grand Narbonne -SN
Le 8 février à L’Avant-Scène, théâtre de Colombes
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