Après Ainsi parlait…, Étienne Lepage, auteur prolifique, et Frédérick Gravel, chorégraphe électrique, signent leur deuxième spectacle en commun : un condensé d’histoires à peine croyables au cours desquelles une multitude de personnages sont guettés par le pire… pour le meilleur.
Déjà montrée au Festival TransAmérique en 2016, la pièce met en scène de manière fragmentaire des accidents domestiques, des rencontres hasardeuses et honteuses, des coups de folie, des envies de saccage portés à un point paroxystique comme pour illustrer la thèse du français Clément Rosset qui interroge la possibilité d’une philosophie tragique à dissoudre l’ordre apparent et affronter le chaos. Il ne faut craindre l’intellectualisme d’une pareille note d’intention tant, sur scène, la drôlerie et la vitalité prennent le pas.
Avec un mélange tordant de détachement et d’entrain passionné, cinq acteurs prennent chacun leur tour la parole, pour s’adresser, soit à un interlocuteur sur le plateau, soit directement au public. Chacun fait du temps qui lui est imparti un joli moment de confidence ou un fiévreux happening. Sans pudeur ni faux-semblants, à travers une suite de discours monologués qui rappellent un peu ceux de Falk Richter, ils racontent une multitude d’identités qui se livrent, amusées ou désabusées, toutes bien en prise avec le présent et ses heurts, ses inquiétudes, ses limites à dépasser, à transgresser. Comment s’échapper, se réaliser ?
La jeune bande canadienne réjouit par son style hyper cool. Une complicité opère immédiatement entre la scène et la salle très réactive aux anecdotes proposées. Ce spectacle générationnel explore la vie actuelle, ses existences pas passionnantes émaillées de petits riens qui deviennent pourtant des sujets de théâtre fort drôles et efficaces car ils révèlent tout d’un coup qui on est ou qui on voudrait être. Les témoignages dépourvus de tout héroïsme trouvent même un intérêt grandissant, parce qu’ils sont narrés avec un naturel, une simplicité, une chaleur à la fois évidente et émouvante.
Ce qui captive est moins la forme assez sommaire (un plateau vide bien occupé, une console, des câbles, des lumières changeantes comme l’univers sonore) mais le ton tonique et excentrique. Ce sont davantage les corps et les mots qui font corps pour dire drôlement, crûment, la vie simple et complexe. Quelques mouvements chorégraphiques intégrés à la performance soulignent les états émotionnels exprimés. Les mots et gestes exutoires du duo Lepage / Gravel s’offrent comme une bouffée d’oxygène d’une totale impertinence et plein de bienveillance.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
LOGIQUE DU PIRE
Texte Étienne Lepage Mise en scène Étienne Lepage et Frédérick Gravel Lumières Alexandre Pilon-Guay Régie Caroline Nadeau Musique Robert M. Lepage et Frédérick Gravel
La pièce Stronger Everyday, a été écrite et composée par Stéphane Boucher pour le spectacle Cirque Eloize Cirkopolis
Production Étienne Lepage Production déléguée Daniel Léveillé Danse (Montréal) Développement Marie-Andrée Gougeon et George Skalkogiannis Coproduction Festival TransAmériques et Théâtre de l’Ancre (Charleroi) Résidence de création Place des Arts Avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada Cette production bénéficie d’un soutien à l’administration et au développement de Daniel Léveillé Danse dans le cadre de son programme de parrainage
Avec Philippe Boutin, Yannick Chapdelaine, Gabrielle Côté, Renaud Lacelle-Bourdon et Marilyn Perreault
Durée : 1h10Théâtre de la Bastille
04 > 14 OCT 2017
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