Le personnage de Paul, tel un double de Stephen King, est un écrivain à gros tirage. Il est à un tournant de sa vie, souhaitant changer de registre, de style, de propos et mettre un terme à l’interminable saga à laquelle il doit son succès. Pour cela il vient de terminer un roman où il fait mourir son héroïne : Misery. Mais un accident de voiture le met à la merci d’Annie, une lectrice psychopathe qui l’admire plus que tout. Elle commence par le sauver, le recueillir, le soigner mais bientôt elle le séquestre avec une rare cruauté et l’oblige à réécrire son roman comme elle l’entend.
Voici un auteur qui, a priori, ne paraît pas devoir s’inscrire dans les préoccupations d’un théâtre public. Et cependant, Carrie, Christine, Shining, La Ligne Verte, Dôme, pour ne citer que quelques titres d’une impressionnante production, ont ravi ou fait trembler des lecteurs de tout âge et de toute catégorie culturelle ou sociale. Comment l’expliquer ? Que nous dit une telle adhésion ? Qu’est-ce qui permet au roman populaire d’aujourd’hui, tel que l’incarne Stephen King, d’éviter l’écueil de l’exclusion élitaire ? La grande maîtrise narrative n’explique pas toujours tout. Car si Stephen King choisit des sujets en prise directe avec un problème brûlant de notre société, témoignant des relations si complexes entre les hommes, il sait aller au-delà du réalisme jusqu’à atteindre une dimension symbolique, sinon archétypale. C’est bien le cas dans Misery, brillamment adapté au cinéma par Bob Reiner et que j’ai moi-même mis en scène et joué il y a quinze ans dans une autre adaptation. En effet, l’auteur y aborde un sujet qui lui est sans doute le plus personnel puisqu’il s’agit du rapport à la création artistique, et plus particulièrement à l’écriture. Tout se passe comme si, symboliquement, le couple Paul-Annie représentait l’histoire même de toute création artistique, reçue avec son cortège d’incompréhensions et de malentendus, le fossé qui se creuse fatalement entre le désir de l’artiste et les habitudes de son public. C’est donc cette double recherche consistant d’une part à vouloir percer à jour les ressorts de la narration populaire et d’autre part à élucider le con it entre l’artiste et son public, qui m’a conduit, avec Myriam Boyer encore auréolée de ses Molières de la meilleure comédienne, à relever une nouvelle fois le dé de Misery au théâtre. Daniel Benoin
Misery
de William Goldman
d’après le roman de Stephen King
adaptation française Viktor Lazlo
mise en scène Daniel Benoin
avec Myriam Boyer, Francis Lombrail
scénographie Jean-Pierre Laporte
costumes Nathalie Bérard-Benoin
lumières Daniel Benoin
vidéo Paulo Correira
assistante à la mise en scène Alice-Anne Filippi Monroché
coproduction DBP – Pascal Legros Productions
coréalisation anthéa, théâtre d’AntibesThéâtre Hebertot
À partir du 19 septembre 2018
Horaire Du mardi au samedi à 21h
Matinée dimanche à 15h
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