Pour fêter les 20 ans du Théâtre de Lorient, et saluer la fin du mandat d’Eric Vigner à la tête du CDDB, Christophe Honoré a créé « Fin de l’histoire » d’après une pièce inachevée de Witold Gombrowicz. Le spectacle de Christophe est opératique, politique, philosophique et poétique. C’est intelligent et divertissant. Rencontre avec le metteur en scène à l’issue de la première à Lorient.
Comment avez-vous travaillé avec les comédiens pour écrire cette pièce ?
On est parti d’un texte inachevé de Witold Gombrowicz qui s’appelle « L’histoire », ce sont des fragments de textes sur une famille qui se métamorphose en personnages historiques et dont le petit dernier Witold veut intervenir sur le cours de l’Histoire. Cela a été la base de travail, puis d’autres textes de Gombrowicz sont arrivés, des textes de philosophes qui ont travaillé sur la fin de l’histoire.
Et vous mélangez plusieurs styles
On est à la fois dans une pièce dramatique, historique, poétique et philosophique. Tous les styles sont mêlés. J’aime cela, c’est l’idée du drame romantique. Contrairement au cinéma, le théâtre est le lieu où l’on peut mêler le plus trivial au plus profond, des formes solennelles à des formes populaires. Et cela donne de l’énergie
Et aussi du sens, car dans votre spectacle on entend Marx, Engel, Derrida…
On a attaqué ces gros blocs là par la bêtise. C’est le principe de l’immaturité, très cher à Gombrowicz, l’idée de dire que la forme jeune viole la forme supérieure. On respecte les pensées. Quand Egel parle de la Fin de l’Histoire, ce sont ses écrits. Mais par cet art du montage qui me vient du cinéma, le discours est entouré d’éléments qui peuvent paraître incongrus pour le mettre en valeur.
Ces moments « incongrus » ce sont les moments où les personnages parlent de la variété française, de Patricia Kaas, de Françis Cabrel…
C’est ce qui est agréable avec l’écriture de plateau par rapport au texte écrit. Le jour où l’on a décidé que Marlène Saldana allait jouer le rôle de Staline, elle a mis la moustache et on trouvait tous qu’elle ressemblait à Cabrel, dont elle a fait Staline-Cabrel. C’est bien de ne pas avoir une logique de parent d’élèves et de gommer ces choses-là. Je suis dans une logique de cancre et je me dis qu’il a raison. Et dans les chansons de Cabrel, il y a des textes qui parlent des destins nationaux. Mais par ailleurs nous avons aussi travaillé avec des historiens en se renseignant sur la place de l’URSS à la veille de la 2ème guerre mondiale au moment du pacte de non agression avec Hitler et tout ce qu’elle dit s’appuie sur des faits vérifiés. Ce mélange nous permet d’être libres.
Où vous situez-vous dans le théâtre français ?
Je me sens à part. Je me sens comme dit Gombrowicz « un homme isolé ». J’aime faire du théâtre parce que je me sens innocent. Je m’affranchis plus que d’autres de certaines conventions. Je peux faire là ce que je ne peux pas faire sur les plateaux de cinéma. C’est un lieu où la pression économique est de plus en plus forte et c’est difficile d’inventer des formes libres et joyeuses. Alors j’en profite !
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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