Auguste de Villiers de l’Isle-Adam a écrit en 1870 un brûlot féministe qui lui a valu la censure. Marc Paquien en livre en lecture simple et épurée avec deux très grands comédiens: Anouk Grinberg et Hervé Briaux.
La pièce d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam a été un échec à sa création. Elle n’a tenu l’affiche que lors de cinq représentations au Théâtre du Vaudeville (qui est aujourd’hui le cinéma Gaumont-Opéra). En 2006 à l’Athénée la version de Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger a été controversée, jugée trop longue. Celle de Marc Paquien est tenue de bout en bout.
Cette révolte est celle d’une épouse, comptable de son mari banquier, qui décide un soir de tout plaquer, son statut d’épouse et de mère humiliée. Elle solde les comptes en quelque sort. « J’ai payé ma dette sociale » lui dit-elle. Anouk Grinberg se tient debout, le poing droit appuyé fermement au rebord d’un fauteuil et se lance dans un plaidoyer féministe éloquent. Elisabeth a du courage. Il faut se remettre dans l’époque de la fin du 19ème. Dans sa robe noire boutonnée jusqu’en haut elle crache ses vérités au nez de son mari qui ne voit en elle qu’une « brave petite femme« . « Vous n’avez que le néant à m’offrir à la place des rêves » lui répond-t-elle.
Lorsque Anouk Grinberg lance à Hervé Briaux d’un cri strident: « Je veux vivre« , on a envie d’applaudir. Cette femme qui pleure des « larmes de honte » choisit de quitter sa condition. On ne peut s’empêcher de penser que Henrik Ibsen a du lire cette pièce avant d’écrire en 1879 sa Maison de Poupée. Il y a beaucoup de Nora dans le personnage d’Élisabeth. Mais le personnage est plus fort et plus mature dans la pièce de Villiers de l’Isle-Adam. Sauf qu’ici Élisabeth revient dans la nuit.
La scénographie toute en clair-obscur de Marc Paquien est magnifique. Il a placé quelques meubles bourgeois sur le plateau des Bouffes du Nord (dont le sol a été repeint pour l’occasion en gris) et un énorme rideau de tissu drapé vert (10x14m) recouvre le mur de fond des Bouffes du Nord. Les lumières de Dominique Bruguière lui donnent des aspects moirés. C’est de toute beauté. Pendant l’absence d’Elisabeth, les heures sonnent. Les minutes s’écoulent. Le silence dans la demeure bourgeoise devient oppressant. Marc Paquien joue avec le temps, en finesse. Et puis Anouk Grinberg revient lentement avant de lancer une dernière réplique face au public: « Pauvre homme !« . C’est cinglant et poignant de bout en bout.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Révolte
D’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam
Mise en scène
Marc Paquien
Collaboration artistique
Blandine Masson
Scénographie
Gérard Didier
Costumes
Isabelle Deffin
Lumières
Dominique Bruguière
Son
Xavier Jacquot
Perruque et maquillage
Cécile Kretschmar
Avec
Anouk Grinberg et Hervé Briaux
Production C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction Théâtre Liberté ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
Durée: 1h15
Bouffes du Nord
Du 2 au 25 avril 2015
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