En 1977, répondant à l’invitation de Georges Lavaudant et Gabriel Monnet, alors codirecteurs du Centre dramatique national des Alpes, Daniel Mesguich mettait en scène à Grenoble sa première version de l’œuvre de Shakespeare. Depuis il y revient régulièrement. Le spectacle fut ensuite repris à Nanterre dans le cadre du Festival d’Automne en 1986 au Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis, il a présente une deuxième version de la pièce et joue le rôle titre.En 1996, une troisième version de Hamlet voit le jour à La Métaphore de Lille. Pour cette quatrième version c’est son fils William qui incarne le rôle titre.
Rencontre avec le metteur en scène en plein répétition à l’Épée de Bois.
Pourquoi cette envie de monter une nouvelle fois Hamlet ?
J’avais monté de façon un peu présomptueuse ce texte une première fois à la demande de Georges Lavaudant à Grenoble en 1977 et je croyais mettre en scène un grand classique de plus. Et je me suis rendu compte que c’est Hamlet qui me mettait en scène et pas l’inverse tellement ce texte est vertigineux. Et j’avais fait vœux à l’époque de le monter tous les dix ans. Voici la quatrième version, calculez mon âge !
Comment avez-vous procédé ? Est-ce que vous faites référence à vos précédentes mises en scène ?
Oui je pars de ce que j’ai déjà fait ou de ce que je crois avoir fait, car en fait j’ai oublié. Je ne me souviens pas de chaque moment, mais les choses reviennent petit à petit. Il n’y a pas de page blanche pour moi, la page est très souillée. Je pars de l’existant pour mieux m’en éloigner et je pense qu’à chaque fois c’est un peu différent. J’essaye de réveiller le petit sens possible que l’on ne verrait pas tout de suite lors d’une lecture hâtive de la pièce. Lévinas dit « II ne faut pas se demander ce que veut dire un dire, il faut se demander ce que peut dire un texte », donc je cherche ailleurs.
Qu’est-ce qu’il y a de magique dans ce texte ?
Hamlet, comme toutes les pièces de Shakespeare, c’est toujours du théâtre dans le théâtre. C’est une histoire incroyable de vengeance, d’un prince mélancolique et un peu fou, violent avec sa mère, qui veut tuer l’imposteur, on dirait du « cape et d’épée », c’est Alexandre Dumas. Mais quand on se penche sur chacune des phrases c’est un abime qui s’ouvre. Chaque phrase est double, triple, quadruple. Toutes les lectures sont possibles. On peut faire une lecture psychanalytique, une lecture politique, une lecture philosophique. Tout est possible. Hamlet est comme un trou noir qui est une terre d’accueil en réalité. Prenez la phrase « être ou ne pas être », elle ne veut rien dire. Elle est vide. Et tout ce que vous pouvez penser, elle l’accepte. Allez-y, entrez. Et c’est ce qui fait que c’est un vertige. C’est du théâtre qui est aussi sa propre théorie.
Quelle est la scène la plus difficile à appréhender ?
C’est le spectre le problème. Le spectre est la condition essentielle de tout spectacle. Il est là, on le voit et en fait il n’est plus, il est mort. Il est les deux à la fois. Dites-moi comment vous montez le spectre et je vous dirais ce que je pense de la pièce. Il y a deux Hamlet quand on joue la pièce. Autrement dit je ne fais pas venir un fantôme, j’essaye qu’il y ait deux fois Horatio, deux fois Marcellus, deux fois Bernardo sur les remparts, et il y a deux fois Hamlet. Et c’est cela l’effet spectre.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Hamlet De William Shakespeare
Mise en scène : Daniel Mesguich
Traduction et adaptation : Daniel Mesguich (texte publié chez Albin Michel)
Assistante mise en scène : Sarah Gabrielle
Avec William Mesguich, Anne de Broca, Philippe Maymat, Sarah Gabrielle, Zbigniew Horoks, Rebecca Stella, Yan Richard, Eric Bergeonneau, Marie Frémont, Florent Ferrier, Tristan Willmott
Régie générale et lumière : Mathieu Courtaillier
Régie Lumière : Angélique Bourcet
Régie son : Franck Berthoux, Laurent Dondon
Durée du spectacle : 3h avec entracte
Au Théâtre de l’Epée de Bois
Route du Champs de Manœuvre 75012 paris
Du 4 au 30 novembre 2014 du mardi au samedi à 20h30 dimanche à 16h
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