Bernard Sobel, l’ancien directeur du théâtre de Gennevilliers est l’invité d’honneur du théâtre Les Déchargeurs en ce début de saison. Il présente deux pièces de deux auteurs différents Guan Hanqing, poète chinois du 13ème siècle et Richard Foreman, le new-yorkais. Ce grand metteur en scène qui aura 80 ans l’année prochaine est l’une des grandes figures de la scène française. Il a fondé l’ensemble théâtral de Gennevilliers en 1964. Grand spécialistes de Brecht, il a toujours soif de créer. Et il a conservé son esprit révolutionnaire. Rencontre avec l’un des grands metteurs en scène français.
Vous ouvrez la saison théâtrale avec une carte blanche au théâtre les Déchargeurs, c’est extraordinaire d’avoir cette liberté ?
Oui c’est aussi une manière de faire quelque chose d’impossible. C’est une réalité assez amère car il n’y a plus de moyen de faire des coproductions. Disons que ce projet a un caractère de protestation.
Il est difficile aujourd’hui de produire même quand on s’appelle Bernard Sobel ?
C’est très difficile aujourd’hui pour tout le monde d’entrer dans un cycle de coproduction qui permette de travailler avec huit comédiens. C’est impossible.
Est-ce que aujourd’hui de grands théâtres vous ferment des portes ?
Ils ne les ouvrent pas facilement. Stéphane Braunchweig a répondu, Pascal Rambert à Gennevilliers après six ans aussi, mais ce n’est pas évident.
C’est encore plus compliqué de créer aujourd’hui ?
Non ce n’est pas une question de liberté de créer. C’est une question de pouvoir se battre dans le monde dans lequel on vit. Le vieux poète Quan Hanqing au XXIIIème siècle en Chine dit qu’on aura toujours à se battre.
Pourquoi ce grand écart entre Quan Hanqing et Richard Foreman ?
C’est pour montrer le paysage de deux poètes dont je pense qu’ils sont encore utiles aujourd’hui. Quan Hanqing est aussi utile qu’Eschyle sur le problème de la justice, sur le sort des femmes. Les textes n’ont pas été changés et il n’y a pas un grain de poussière là-dessus. Le théâtre reste un outil de réflexion de l’être humain sur lui-même.
Dans les deux pièces de Quan Hanqing il y a ce sentiment de la justice très présent.
Oui c’est une question toujours ouverte aujourd’hui. Ce sont des choses qui ne sont pas naturelles. L’être humain invente pour pourvoir vivre car sa tâche est difficile. Et le théâtre est un outil qui aide à penser. Les gens ont besoin de cela car ce qui nous arrive est difficilement compréhensible, les injustices, l’austérité qui nous est demandée alors que l’on ne sait pas pourquoi l’on est coupable. Donc le théâtre aide à maitriser le désarroi et le questionnement du sort de l’espèce humaine.
Créer sur une petite scène vous contraint à l’épure, mais c’est aussi la simplicité et cela donne à entendre les textes des poètes.
Oui mais on peut monter Le roi Lear dans un mouchoir de poche ! Je suis très reconnaissant aux Déchargeurs que ma compagnie puisse présenter ces spectacles. Ce qui est important c’est de faire connaitre le paysage de deux poètes et notamment Quan Hanqing. Quand on va en Chine et que l’on demande « Connaissez-vous Molière ? » Les intellectuels vous disent oui car il y a des statues de Molière. Mais ici personne ne connait Quan Hanqing et c’est un signe de barbarie et de prétention. Je pense que «Le rêve du papillon » est une aussi grande pièce que « L’Orestie » d’Eschyle où l’on invente la loi sans vérité absolue. Il faut toujours trouver des compromis et travailler à l’invention des choses qui font que l’on a besoin d’absolu pour vivre ensemble dans des conditions relativement dignes mais il faut savoir négocier avec l’absolu.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Sauvée par une coquette
Le rêve du papillon
de Guan Hanqing
Textes français Evelyne Pieiller
Old-Fashioned Prostitutes
Idiot Savant
de Richard Foreman
Texte français Bernard Sobel et Michèle Raoul Davis
avec
Jérôme Cochet, Daniel Léocadie, Clémence Longy, Frédéric Losseroy,
Manon Payelleville, Zelda Perez, Noémie Rimbert, Théophile Sclavis
Théâtre Les Déchargeurs
Du 2 au 27 septembre 2014
Du mardi au samedi (relâches dimanche et lundi)
à 18h30 Sauvée par une coquette et Le Rêve du papillon
de Guan Hanqing
à 21h00
Idiot Savant et Old-Fashioned Prostitutes de Richard Foreman
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