Douze aveugles en pleine nature attendent le retour d’un prêtre qui les a guidé jusque là. Mais ce prêtre est mort parmi eux. Il est absent d’être mort. Le dénouement est donné d’emblée au spectateur voyant, à l’insu des protagonistes aveugles : ils sont perdus, ils ne le savent pas encore.
Dans ce poème visionnaire et très simple, presque immobile, la seule action réside dans la lente découverte, par un groupe disparate de personnes traversées par les mêmes sensations, de leur solitude dans un monde qu’ils ne comprennent pas, et de l’imminence de leur disparition.
Agissant comme un piège pour l’imagination, la pièce produit l’effet d’un attentat, d’un acte brut : d’un coup, la mise à nu d’une vérité ultime, obscène, et pas de réponse. Un geste contemporain, indéfiniment contemporain de tout vivant.
« Tu vas mourir. » C’est tout.
De quoi regarder ce qui nous entoure autrement, et reconsidérer le prix de chaque chose. De quoi, peut-être, repenser la communauté.
Le texte est un entrelacs complexe de motifs simples, une partition précise de silences et de mots, de répétitions, de cris confus et de respirations. Il ne raconte rien, mais il produit de l’espace, du froid, du temps, un monde de visions affectant les sens.
Il appelle une mise en œuvre chorale de la parole, avec une attention particulière aux questions du son, de la spatialité des voix, des tessitures. Plus qu’une scénographie, il exige la constitution d’un véritable paysage de la voix, à travers l’expérience d’une perception de l’espace qui ne passe plus exclusivement par le visible.
Il demande aussi de réunir une communauté d’humains, à la fois non différenciés et solitaires, sans nom mais solidement incarnés, sans visages mais tous singuliers. Pas des acteurs, mais des personnes, c’est pour cela que nous avons proposé à Jean-Louis Coulloc’h, Benoît Résillot et Solène Arbel de nous rejoindre ; c’est pour cela que nous avons proposé à certains des amateurs qui fréquentent les ateliers du Studio-Théâtre de nous rejoindre également.
Sur scène, les seuls moyens à la disposition des interprètes résideront dans leur capacité d’imagination : pratiquement aucun geste, aucun déplacement, aucune interprétation. Pas de mise en scène, pas de jeu d’acteur, mais une grande force psychique, un cerveau actif et à l’affût, tirant de chaque mot, de chaque silence et du rythme commun, la faculté de produire de la réalité.
Note d’intention de Daniel Jeanneteau, octobre 2012
Les Aveugles
de Maurice Maeterlinck
mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau
collaboration artistique Jean-Louis Coulloc’h
création musicale et sonore Alain Mahé
lumière Anne Vaglio
ingénierie sonore et informatique musicale Ircam Sylvain Cadars
assistant Jérémy Tourneur
régie générale Pierre-Damien Crosson
avec
Ina Anastazya
Solène Arbel
Stéphanie Béghain
Pierrick Blondelet
Jean-Louis Coulloc’h
Geneviève de Buzelet
Estelle Gapp
Charles Poitevin
Gaëtan Sataghen
Benoît Résillot
Azzedine Salhi
Anne-Marie Simons
production Studio-Théâtre de Vitry,
coproduction Ircam-Centre Pompidou
avec l’aide à la production d’Arcadi
création au Studio-Théâtre de Vitry du 23 janvier au 3 février 2014,
représentations à 20h30 tous les jours et les dimanches à 16h
au CENTQUATRE à Paris du 8 au 16 février 2014, à 20h30 tous les jours et les dimanches à 16h
à La Scène Watteau scène conventionnée de Nogent-sur-Marne les 14 et 15 mars 2014 à 20h30
au T2G
du 16 au 25 septembre 1967
lundi, jeudi et vendredi à 20h,
samedi à 18h, dimanche à 16h
avec l’Ircam
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