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Gabriel Dahmani, se souvenir d’où l’on vient pour savoir où l’on va

À la une, Théâtre
Gabriel Dahmani
Gabriel Dahmani

Photo Jean-Louis Fernandez

À 28 ans seulement, Gabriel Dahmani a, cette année, foulé pour la seconde fois les planches du Théâtre de l’Odéon, toujours sous la direction de Sylvain Creuzevault, où, après avoir brillé dans L’Esthétique de la résistance, il a excellé dans le sublime Pétrole. Portrait d’un jeune comédien qui, s’il n’était pas prédestiné au théâtre, y a découvert un endroit éminemment fécond.

Lorsque nous rencontrons Gabriel Dahmani en ce matin de décembre dans un petit bistrot du 18e arrondissement de Paris autour de deux cafés noirs, le jeune comédien a le sourire jusqu’aux oreilles autant que les traits tirés. Voilà plusieurs jours que chaque soir, ou presque, il parcourt de cour à jardin, et inversement, le plateau du Théâtre de l’Odéon sous la direction forcément engagée et engageante de Sylvain Creuzevault, qui reprend sa fascinante adaptation de Pétrole de Pier Paolo Pasolini, quelques semaines après sa création à Bonlieu, la Scène nationale d’Annecy. Comme l’immense majorité de ses partenaires de jeu, l’acteur ne se contente pas d’un seul et unique rôle, mais doit jongler entre la rigueur professionnelle d’un agent de l’aéroport de Rome-Fiumicino, l’emprise calculée du machiavélique Guido Casalegno, la docilité duale du serveur Carmelo et, surtout, avec le caractère éminemment sulfureux de Carlo II, la face sombre et violemment désirante de Carlo Valletti, qui sert de pilier narratif à la somme pasolinienne. Un rôle clef, donc, que Gabriel Dahmani investit avec un appétit palpable et une aisance déconcertante, et qui lui permet notamment de se mesurer à l’un des plus beaux passages de la littérature du XXe siècle, le Terrain vague de la via Catilina. « Lorsque j’ai recroisé ce texte que j’avais lu une première fois en 2020 pendant le Covid, et qui m’avait, déjà à l’époque, provoqué un vrai choc, je me suis dit que je n’allais pas réussir à le porter, qu’il allait être compliqué de rentrer dedans de plein fouet », raconte le comédien. Avec le sens de la formule et du théâtre qu’on lui connaît, Sylvain Creuzevault contribue alors à le rassurer : « La pensée va plus vite que ce qu’on pense, il te suffit de la suivre ». Rasséréné, « protégé par la pensée », Gabriel Dahmani choisit alors de se laisser « posséder » par ce texte  – qui ne demandait que ça –, et offre aux spectatrices et spectateurs l’un des moments théâtraux parmi les plus intenses de l’année 2025. Ni plus ni moins.

Du haut de ses 28 ans, l’acteur a un côté Janus, avec un visage plein d’aplomb, mais sans aucune arrogance, tourné vers un avenir prometteur, et un autre, hérité de son passé, marqué par la fraîcheur de celles et ceux qui n’étaient pas prédestinés au théâtre. Fils d’un père algérien et ambulancier et d’une mère portugaise et fonctionnaire au conseil régional des Hauts-de-France, qui, tous les deux, sont arrivés enfants dans l’Hexagone, cet Amiénois d’origine n’a pas franchement baigné dans le milieu artistique dès son plus jeune âge, même si son père cultivait un jardin où il nourrissait, en secret, une passion pour la poésie et le cinéma. Son truc à lui, c’était le foot qu’il a pratiqué au sein d’une classe spécialisée, avant d’intégrer un centre de formation et de se retrouver aux portes d’un contrat professionnel. Las, ce monde le dégoûte rapidement dans la façon qu’il a de « réclamer aux joueurs d’être forts et vaillants, et surtout d’éteindre toute forme de sensibilité ». En parallèle, Gabriel Dahmani sympathise avec un surveillant de son lycée qui, alors qu’il est inscrit au Cours Florent, dispense des ateliers théâtre dans un quartier d’Amiens. Cette rencontre a l’effet d’un déclic aux yeux de celui qui, en tant que provincial, se sentait invisibilisé lorsqu’il était petit et désirait être mis dans la lumière. « Pour satisfaire ce désir, j’aurais pu devenir super-héros, comme Spiderman que j’aimais beaucoup à l’époque, mais ce n’était pas possible, alors je me suis dit qu’acteur pouvait être une solution. » Au gré de ses échanges avec le surveillant-comédien, le jeune homme apprend l’existence de 1000 Visages, une association fondée en 2006 par Houda Benyamina « pour rendre accessibles les métiers du cinéma et de la série aux jeunes qui en sont éloigné·e·s pour des raisons sociales, économiques et/ou géographiques », précise son plaidoyer, et décide de l’intégrer.

D’Amiens à Strasbourg, en passant par Bobigny

Surnommé « Amiens » par ses camarades, parmi lesquels l’acteur Raphaël Quenard, celui qui se décrit comme « la première personne de province dans ce cursus » profite de cours d’une « qualité énorme » et se voit mis en relation avec des directeurs de casting et des metteurs en scène. Entre deux allers-retours à Amiens, il passe quelques auditions, décroche de « petits rôles », mais bute sur un plafond de verre lorsque « des grands rôles qui imposent d’être formés » sont en jeu. Loin d’en rester là, Gabriel Dahmani décide alors de tenter sa chance aux auditions de la Prépa’Théâtre de la MC93, une classe « égalité des chances » qui prépare aux concours des écoles nationales d’art dramatique. C’est là qu’il croise la route de l’intervenante artistique principale de cette formation, Valentina Fago, qui, lors du premier cours, alors que l’aspirant comédien se collette un passage de Héraclès 2 ou l’Hydre d’Heiner Müller, le coupe brusquement. « Elle m’a simplement fait remarquer que je ne savais pas… parler, ce qui était tout à fait vrai, et m’a donné les coordonnées d’une orthophoniste, Véronique Pinna, qui, elle aussi, a changé ma vie en m’apprenant à articuler correctement ».

Tandis que le jeune homme découvre l’un de ses tout premiers spectacles à travers Un ennemi du peuple d’Ibsen mis en scène par Jean-François Sivadier, avec un Nicolas Bouchaud « affolant d’engagement » dans le fameux rôle du Docteur Stockmann, il apprend à convoquer d’autres désirs que ceux véhiculés par le milieu « un peu solitaire et compétitif » du cinéma. « Je me suis rendu compte que le théâtre pouvait permettre d’extérioriser des sentiments, de raconter des choses politiques et reposait sur la volonté, éminemment humble, de toucher au moins une personne chaque soir dans une salle ». Autant de sources qu’il transforme en leviers pour se préparer aux concours d’entrée du Conservatoire, de l’École de la Comédie de Saint-Étienne et de celle du Théâtre national de Strasbourg (TnS), qu’il avait, sur les conseils de Valentina Fago, plus que les deux autres dans son viseur, et à laquelle il a finalement été reçu. « Je me rappelle d’un moment d’audition très impressionnant, même si j’avais encore beaucoup d’insouciance. Par rapport aux candidates et candidats qui avaient déjà fait six ou sept ans de théâtre, qui étaient mortifiés à l’idée de jouer devant Stanislas Nordey [le directeur d’alors, NDLR] que, pour ma part, je n’avais vu que sur une photo où il avait l’air sympa, et qui avaient l’impression de jouer leur vie, moi, je voyais cela comme du bonus. Finalement, cela m’a servi de venir d’un milieu où je n’étais pas prédestiné à une carrière artistique. Je suis arrivé plus détendu et j’ai pu profiter d’une forme de lâcher-prise. Je me disais toujours qu’après tout, ce n’était que du théâtre. »

À l’École du TnS, Gabriel Dahmani vit une expérience qu’il qualifie, tout à la fois, d’« étrange » et de « magnifique ». « Étrange », car il se retrouve propulsé dans un grand bain où, contrairement à la Prépa’Théâtre, il n’est plus franchement tenu par la main et mis face à certains artistes qui, à l’image de Stanislas Nordey, demande aux élèves de « jouer des textes très profonds, où il faut être très en soi » ; « magnifique », car, dans le même temps, il découvre les valeurs d’une troupe et apprécie particulièrement le compagnonnage avec celles et ceux qui se destinent aux métiers dits « de l’ombre » en se formant dans les sections « Régie – Création » et « Scénographie – Costumes ». Ébloui par Les Frères Karamazov revu et corrigé par Sylvain Creuzevault et par Le Passé tricoté par Julien Gosselin, qu’il découvre, le soir venu, à l’occasion de représentations strasbourgeoises, le jeune comédien est aussi marqué par sa rencontre avec Alain Françon qui, dit-il, lui « a appris le métier de manière clinique ». « Cette façon de nous indiquer le moindre déplacement ou la façon de jouer le plus modeste point-virgule m’a paradoxalement donné un sentiment de liberté énorme. » Alors que la maladie, puis le décès, de sa petite soeur lui impose d’être régulièrement à l’extérieur des murs de l’École et l’empêche d’être « à 3 milliards de pour cent à l’intérieur du TnS » – ce qui, analyse-t-il aujourd’hui, l’a préservé de la déconnexion qu’une telle institution peut parfois opérer –, Gabriel Dahmani fait la connaissance décisive de Sylvain Creuzevault. « Dès qu’il est arrivé dans la salle en commençant par nous checker un par un alors qu’il ne nous avait jamais vus, il a affiché une attitude beaucoup moins distante que de nombreux autres intervenants. Surtout, il avait cette faculté à rendre simple, presque familier, un savoir pourtant extrême que j’ai trouvé fascinante. »

Le « maître » Creuzevault

Sous la houlette du metteur en scène, les élèves-comédiennes et comédiens du TnS commencent à élaborer ce qui deviendra l’un des spectacles les plus marquants de la saison 2022-2023 : L’Esthétique de la résistance d’après Peter Weiss. Pour cela, Sylvain Creuzevault les embarque dans sa méthode de travail, leur demande de mettre au point des « conspirations » en s’emparant de tel ou tel fragment du roman de leur choix, les fait passer par le mime – hérité de l’École Jacques Lecoq où il a lui-même été formé – et l’improvisation, les met au contact de ses comédiens fétiches, comme Vladislav Galard et Arthur Igual, qui leur montrent la voie pour parvenir à cette distance si particulière entre l’acteur et son personnage qui fait sa marque de fabrique. « En plus de nous faire gagner des mois et des mois et de nous permettre de sortir du TnS avec un savoir énorme sur l’art du comédien, nous avons toutes et tous réappris au sein de la promo à nous connaître grâce à lui », assure Gabriel Dahmani à qui le metteur en scène – qui a décidément le nez creux – choisit de confier le rôle clef du Narrateur. « Je me souviens très précisément de ce moment où, alors que je suis à l’hôpital au chevet de ma soeur qui vit ses dernières semaines, je reçois un appel de Sylvain. D’abord, il me demande de mes nouvelles ; puis, si je me sens capable, malgré la situation très compliquée, d’endosser le rôle du Narrateur. Je me suis alors senti écouté et épaulé avec beaucoup de bienveillance. […] À cet endroit aussi, Sylvain est, pour moi, un maître, dans la manière très particulière qu’il a de dévoiler ses émotions. Au fil des mois, puis des années, il m’a fait découvrir l’importance de se protéger, d’avoir une carapace assez solide, mais aussi d’être capable de défaire le malheur et la dureté par un simple éclat de rire ou un éclair de malice dans les yeux. »

Cet « éclair de malice », le jeune acteur le garde dans un coin de l’oeil pour ouvrir le bal du voyage initiatique imaginé par Peter Weiss, où il incarne avec brio un personnage issu d’un milieu populaire qui – tient donc – se lance dans une quête esthétique et politique. Conçu d’abord comme un « simple » spectacle « d’entrée dans la vie professionnelle », L’Esthétique de la résistance, auréolé par un double succès critique et public, permet finalement aux jeunes comédiennes et comédiens désormais diplômés du TnS de partir sur les routes de France, et même d’atterrir sous les ors du Théâtre de l’Odéon. « Une fois mon syndrome de l’imposteur dépassé, j’ai pris conscience que Sylvain avait construit derrière nous une mise en scène pilier qui agissait comme un filet de sécurité et nous permettait d’avoir plus de joie et de liberté dans notre préhension du plateau », souligne Gabriel Dahmani. De cette expérience, à laquelle se combine bientôt celle de Pétrole, le comédien ressort, tout à la fois, transcendé et transformé. « Évidemment que, au vu de mon âge, j’ai envie de rencontrer d’autres choses, mais je crois avoir trouvé avec Sylvain Creuzevault la façon de faire du théâtre qui me parle, mon endroit de théâtre. » Et, on ne peut que l’espérer, une place de choix, pour au moins quelques années, au sein de la compagnie Le Singe.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

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29 décembre 2025/par Vincent Bouquet
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