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Marine Chartrain, autrice des lisières

À la une, Théâtre
Marine Chartrain
Marine Chartrain

Photo Jean-Louis Fernandez

Deux fois cette année, l’écriture de Marine Chartrain a éclaboussé les plateaux par sa capacité à saisir le monde et à s’en extraire en même temps. Lac artificiel et Le soleil brille pourtant dehors sont nerveux, concis et tendres. Toujours inquiétants aussi. Portrait.

« Tout va bien ? J’ai entendu un bruit / Moi ça va oui, mais une bête a percuté la fenêtre. Elle s’est pris la fenêtre en pleine face / Une bête ? / Oui en pleine face. Et regarde. Il y a du sang sur la vitre. / Tu devrais t’éloigner de cette fenêtre […] C’était quoi comme animal ? […] Un oiseau peut-être. / Non. Ce n’était pas un oiseau. C’était une bête assez grande, assez massive, assez… […] J’espère qu’elle n’est pas morte. / Tu es sûre que c’était un animal ? […] Il y a des gosses qui viennent là depuis quelques jours. Ils viennent, ils s’amusent à sonner à notre porte et ils lancent des choses par-dessus du grillage. / Pourquoi tu me parles de ces gosses, je te dis que c’était un animal. / Sans parler des journalistes. / C’était un animal, je te dis ».

À peine tronqué de quelques mots, Le soleil brille pourtant dehors commence comme cela, avec Samy et Adèle, après deux pages de didascalies pour situer visuellement cette pièce créée à Lyon, au Théâtre de l’Élysée dédié à l’émergence, en janvier 2025 – la pièce sera reprise aux dans la même ville, aux Célestins, en juin prochain. David Lynch vient de mourir en ce 16 janvier, nous l’apprenons une minute avant d’entrer dans la salle de cette séance matinale. Grand vertige. Car ce qui s’est déroulé sous nos yeux ressemble furieusement au transfert de son univers sur scène. Tout est étrange, pas nécessairement limpide tant il y a d’allers-retours entre les souvenirs et le réel. Et pourtant, le sujet est clair : un enfant a disparu et ses parents tentent de faire face.

C’est à l’ENSATT que Marine Chartrain a rencontré le trio qui a initié ce projet alors sans paroles : Louen Poppé, François Geslin et Mathilda Bouttau, formés en son pour les deux premiers, en lumière pour la troisième. Structurés en compagnie (Maison Vague), ils font appel à elle pour mettre des mots sur leur scénographie déjà très élaborée. « Je ne savais pas comment m’infiltrer, j’avais peur que le texte entre en conflit avec leur forme ». Mais tout est d’une cohérence épatante. Quelques mois plus tard, au printemps, c’est le premier des textes édités de Marine Chartrain qui est joué à Théâtre Ouvert, à Paris, Lac artificiel (Théâtre ouvert, coll. Tapuscrit, 2023), sous la direction de Céleste Germe du collectif Das Plateau. Maëlys Ricordeau endosse seule les rôles de deux jeunes filles. « Au début, j’étais circonspecte qu’il n’y ait qu’une seule actrice, mais ça fait vraiment sens ».

Entre fantastique et naturalisme

Autrice, Marine Chartrain l’est désormais pleinement, récompensée pendant ses études lyonnaises par une bourse d’écriture de l’association Beaumarchais-SACD. Il faut dire qu’elle a commencé tôt : « Je me rappelle que j’ai écrit mon premier petit conte à 8 ans et, entre mes 10 et 14 ans, je me suis lancée dans une trilogie plutôt fantastique, ça s’appelait Les Anneaux du temps, ou un truc comme ça (sic) », nous dit-elle avec un naturel désarmant. Elle a même essayé de le transformer en film.  Elle fait ça dans son coin, pas question qu’on lui fasse des retours. « Je détestais être lue ; j’avais toujours de mauvaises notes en expression écrite [durant ma scolarité] ! » 

Alors, celle qui est allée régulièrement au théâtre avec son père comptable et sa mère CPE dans leur ville de Sartrouville se tourne vers le jeu, enchaîne avec une licence de lettres et arts vivants en parallèle du Conservatoire de Cergy, puis intègre l’École Claude Mathieu sur les encouragements de son prof, Marc Schapira. « J’avais l’impression que l’écriture et le jeu au plateau s’alimenteraient. J’ai plus appris dans mon geste d’écriture en jouant qu’en écrivant ». Mais être comédienne suppose d’être dépendante du désir des autres – « finalement, écrire aussi », rit-elle en le racontant – et ça expose trop. Durant ces années, elle écrit Soleil jaune, projette de le monter avec sa promo d’école, mais le Covid passe par là, annule tout, et elle débarque à l’ENSATT en 2020, section écriture cette fois-ci, sous la houlette de Marion Aubert et Pauline Peyrade. « Ces trois ans se passent bien. Je me rends compte que ça fait du bien d’être accompagnée. L’expérience de groupe est heureuse ; j’ai des retours réguliers, ça me fait avancer, me donne confiance ». C’est là qu’elle écrit Lac artificiel.

Son écriture garde des bribes du fantastique de son enfance, mais tend vers le naturalisme. La pièce se déroule dans un no man’s land. Deux amies marchent le long d’une route départementale l’été. Sans ponctuation, avec des dialogues courts et secs entre ces deux seuls personnages, Salomé et Laura, Marine Chartrain raconte la puissance de l’amitié, la béance d’une rupture et fait entendre les bruits du monde aux alentours de cette zone périurbaine, tranquille et potentiellement inquiétante. Cette atmosphère-là se retrouve dans Feu du ciel (Théâtre ouvert, coll. Tapuscrit, 2024), qui se déroule le long d’une ancienne ligne de chemin de fer. Une ado cherche son frère, épaulée par une amie dans la nuit et le calme, alors qu’une ville, à la fois loin et proche, s’embrase – les Gilets jaunes s’activent. Puis, donc, Le soleil brille pourtant dehors. Encore une fois, il est question d’un thème qu’elle fouille : la « lisière ». Des lieux, des sentiments. « Entre les phrases, j’essaie de développer un paysage d’une ville imaginaire qui ressemble à des endroits que je connais. À chaque fois, les personnages sont à côté de quelque chose ou quelqu’un ». Les zones de troubles irriguent ses textes. « Le théâtre permet ça : que des choses bizarres apparaissent, des gouffres ».

Cultiver l’intranquillité

Peu spectatrice de théâtre, elle se passionne pour la série Dark sur Netflix, « des voyages temporels, des boucles, ça me renverse le cerveau ». Et Lynch, évidemment, comment ne pas ? « Mulholland Drive, Lost Highway… J’aime les ambiances qu’il déploie, le travail sur l’identité, comment les personnages changent ». Marine Chartrain vient d’avoir 30 ans, dont dix passés à faire des études parce qu’écrire est un métier qui s’apprend. Elle cherche encore des heures pour assurer son intermittence. Et aimerait rejoindre des équipes comme dramaturge ou assistante à la mise en scène. Parallèlement, elle donne, comme tant d’artistes aujourd’hui – n’en déplaise à Ariane Mnouchkine, qui estimait dans une tribune publiée par Libération en 2024 que les artistes étaient déconnectés du monde réel –, des ateliers d’écriture dans des collèges, des lycées et en hôpital psychiatrique.

Feu du ciel devrait être monté par Charline Curtelin durant la saison 2026-2027. Et, en mai dernier, le metteur en scène Rémy Barché de la compagnie Tendre est la nuit a adapté au Cellier de Reims le texte qu’il lui avait commandé, Irréparables. Repris à Charleville-Mézières, il n’y a pour l’instant pas d’autres dates prévues. L’occasion de (re)lire ses deux livres édités, où il est question de grands flashs lumineux dans le ciel, des bruits non identifiables, de la mort et de l’amour, de « la neige qui a une odeur de cendres » (Feu du ciel). L’écriture de Marine Chartrain cultive, et c’est heureux, l’intranquillité.

Nadja Pobel – www.sceneweb.fr

Les coups de coeur (et plus encore) 2025 de Nadja Pobel (dans l’ordre chronologique de leur programmation)

Le soleil brille pourtant dehors de Marine Chartrain, mise en scène Collectif Maison Vague

Il Capitale de Kepler-452, mise en scène Enrico Baraldi et Nicola Borghesi

Et j’en suis là de mes rêveries d’après Rabalaïre d’Alain Guiraudie, mise en scène Maurin Ollès

The Brotherhood de Carolina Bianchi

Monde nouveau d’Olivier Saccomano, mise en scène Nathalie Garraud

(é)Mouvoir de Claire Petit et Sylvain Desplagnes

Annette de Clémentine Colpin

The Dog Days Are Over 2.0 de Jan Martens

Silence, ça tourne de Chrystèle Khodr, mise en sscène Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes

Nocturne (Parade) de Phia Ménard

Pétrole d’après Pier Paolo Pasolini, mise en scène Sylvain Creuzevault

22 décembre 2025/par Nadja Pobel
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