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« Hamlet » au pluriel par Serebrennikov

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre musical
Hamlet / Fantômes de Kirill Serebrennikov au Châtelet
Hamlet / Fantômes de Kirill Serebrennikov au Châtelet

Photo Vahid Amanpour

Excessif, ambitieux, passionnant, exténuant : tel est Hamlet/Fantômes de Kirill Serebrennikov présenté au Châtelet. Ce qui n’est pas une mise en scène de plus du chef-d’œuvre de Shakespeare se présente plutôt comme une réflexion sur son héros éponyme, démultiplié, réévalué et porté par des acteurs exceptionnels.

Ce n’est pas une mise en scène de plus de l’un des titres du répertoire théâtral sans doute les plus connus et représentés dans le monde. C’est une création originale qui, en faisant fi de sa trame narrative, du moins dans sa linéarité, propose une lecture très personnelle et fort distanciée de Hamlet. Elle se focalise sur le héros shakespearien auquel est consacrée une série de portraits, elle abonde en propositions et réflexions pour révéler les innombrables et diverses facettes du personnage plutôt que de laisser se perpétuer le cliché dans lequel il est encore parfois enfermé. Ce projet impose des partis pris nets et radicaux soutenus par une dramaturgie aussi retorse que touffue, abordée avec acuité, mais aussi, parfois, de façon un peu trop appuyée. Le spectacle se compose de dix chapitres successifs prenant en charge un thème – le père, l’amour, la violence… – et autant de longues prises de paroles dissertantes et divagantes, et autant de points de vue sur le personnage démultiplié par une distribution cosmopolite.

Venus d’horizons différents, dix interprètes prêtent leurs corps, leurs voix, leurs langues à un aspect particulier du personnage tendu entre l’impuissance et la combativité. Hamlet est vigoureusement bouffon, se met à poil et fait des blagues dans la prestation très physique du comédien français Bertrand de Roffignac. Il est grave, hanté et torturé dans celle de l’acteur allemand August Diehl. En imperméable noir, démuni et habité, celui-ci déclare ne pas pouvoir être Hamlet, mais fait à lui seul dialoguer le personnage avec la voix effrayante du fantôme de son père assassiné qui surgit de lui-même. Nikita Kukushkin opte quant à lui pour l’outrance et la dérision. Pas avare en mots, Hamlet peut aussi prendre les traits muets du jeune danseur tchèque Kristian Mensa, agile et agité, comme ceux de la drag queen Shalva Nikvashvili quand elle ne dédouble pas Ophélie. Ces multiples Hamlet prennent possession d’un grand appartement nu, car apparemment inhabité. Ce superbe décor au style aristocratique décati transpire l’usure du temps passé avec ses murs blancs effrités et son plafond éventré. L’espace ouvert assure la seule unité de la représentation et devient pour Hamlet son propre mausolée. La mort n’attend pas et tout commence par celle du héros empoisonné, cloué au sol, le teint livide et la bouche vermeille qui crache du sang. De tableau en tableau, Hamlet se confronte à lui-même, à sa folie, comme à l’abîme.

Le texte abondant peut faire mouche comme parfois s’effilocher. Il y a beaucoup à assimiler, d’autant qu’il est dit en plusieurs langues et inégalement surtitré. L’utilisation de l’image et de la vidéo est toujours très pertinente chez Serebrennikov, même dans sa grandiloquence, mais c’est surtout l’intensité et la liberté du jeu, allant de l’intériorité introspective au débordement le plus exacerbé, qui soufflent le spectateur. Une création musicale de Blaise Ubaldini accompagne la représentation. Défendue par l’Ensemble Intercontemporain sous la direction de Pierre Bleuse, elle se fait volontiers caverneuse et cacophonique pour matérialiser jusqu’à l’envahissement le chaos ambiant à force d’à-coups percussifs et de grincements constants. Hamlet se démultiplie, mais d’autres figures sont également convoquées. C’est le cas de Chostakovitch à qui Meyerhold avait proposé une commande sur la pièce de Shakespeare, mais celle-ci fut interdite par la censure soviétique et déplaisait à Staline. Le compositeur est magnifiquement incarné par l’acteur russe Filipp Avdeev, un fidèle de Serebrennikov vu, entre autres, dans Le Moine Noir ou Der Wij. Tout en intranquille frayeur dans l’un des rares moments de total dépouillement, accompagné des notes teintées de clair de lune de la Sonate no 2 en si mineur qu’égrène au piano Daniil Orlov, il figure l’artiste paria, proscrit, dans une société totalitaire.

Dans cette version originale, il ne sera pas question de La Souricière et de sa troupe de comédiens. Pourtant, le théâtre est aussi au centre du propos, et notamment la nécessaire subversion de l’art, son inhérent danger, face à la tyrannie du pouvoir et de la bienséance. On retiendra l’évocation d’Artaud et son théâtre de la cruauté, celle de Sarah Bernhardt que campe telle une vamp ductile Judith Chemla, qui joue aussi une véhémente Ophélie, loin de son innocence virginale, mais inhabituellement crue, rebelle, déchaînée, réglant ses comptes avec Hamlet pour rétablir sa vérité de femme bafouée. Réinterroger Hamlet comme le fait Serebrennikov, c’est aussi passer par une inévitable déconstruction du mythe.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Hamlet/Fantômes
d’après William Shakespeare
Mise en scène, texte, scénographie, costumes Kirill Serebrennikov
Musique (commande du Théâtre du Châtelet) Blaise Ubaldini
Direction musicale Pierre Bleuse, Yalda Zamani
Avec Filipp Avdeev, Odin Lund Biron, Judith Chemla, August Diehl, Nikita Kukushkin, Kristian Mensa, Shalva Nikvashvili, Bertrand de Roffignac
Orchestre Ensemble Intercontemporain
Co-création costumes et masques Shalva Nikvashvili
Chorégraphie Konstantin Koval
Lumières Daniil Moskovich
Vidéo Ilya Shagalov
Sound design Julien Aléonard
Dramaturgie Anna Shalashova
Dramaturgie musicale Daniil Orlov
Collaboration artistique à la scénographie Olga Pavluk
Cadreur Frol Podlesnyi

Production Théâtre du Châtelet
Coproduction Kirill & Friends Company

Durée : 3h10 (entracte compris)

Théâtre du Châtelet, Paris
du 7 au 19 octobre 2025

10 octobre 2025/par Christophe Candoni
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