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« Nous, les héros », splendeurs et misères d’une vie de troupe

A voir, Caen, Les critiques, Nice, Paris, Théâtre
Clément Hervieu-Léger monte Nous, les héros de Jean-Luc Lagarce aux Bouffes du Nord
Clément Hervieu-Léger monte Nous, les héros de Jean-Luc Lagarce aux Bouffes du Nord

Photo Juliette Parisot

Aux commandes d’une distribution étincelante réunie sur le plateau des Bouffes du Nord, le metteur en scène Clément Hervieu-Léger exploite l’essentiel du potentiel de cette pièce, sans doute plus mineure que d’autres, de Jean-Luc Lagarce.

Dans le sillage du nom de Jean-Luc Lagarce, viennent immédiatement à l’esprit ses pièces-phares, Juste la fin du monde et Le Pays lointain, indubitablement son magnifique Journal, Derniers remords avant l’oubli et J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, sûrement Music-hall ou Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne – qui, toutes, ont connu des adaptations plus ou moins régulières au cours des dernières saisons –, mais beaucoup plus rarement Nous, les héros. Sept ans après avoir livré une sublime version du Pays lointain, c’est pourtant bien sur ce texte que, à l’occasion du 30e anniversaire de la mort du dramaturge, le nouvel administrateur de la Comédie-Française, par ailleurs cofondateur de la Compagnie des Petits Champs, Clément Hervieu-Léger, a jeté son dévolu, et plus précisément sur la première version de celui-ci, dite « avec le père ». Écrite en 1992 pendant l’exploitation de sa mise en scène du Malade Imaginaire pour éviter que les comédiennes et les comédiens de sa troupe ne s’ennuient durant la longue tournée qui les attendaient au cours de la saison 1993-1994, nous apprend le patron des Solitaires Intempestifs, François Berreur, dans sa note de l’éditeur, cette pièce, « qui reprenait la trame d’un précédent spectacle [Préparatifs d’une noce à la campagne, NDLR] adapté des oeuvres de Kafka et croisait avec humour les caractères de la troupe et ceux issus de Molière », a finalement eu les ailes brisées lorsque l’un des acteurs de la compagnie, Bernard Bloch, fut appelé sur une autre création. Et Lagarce de décider, alors, d’en écrire une seconde version, dite « sans le père », et de prendre contact avec une trentaine de théâtres afin de trouver quelques dates pour qu’elle soit représentée. Las, à cette époque, « Jean-Luc Lagarce n’était pas encore Lagarce, résume François Berreur, et cette grande pièce […] ne trouva personne pour l’accueillir », jusqu’à ce qu’Olivier Py s’en empare, en 1997, sur la scène de La Coursive, à La Rochelle.

Un peu en périphérie – sans en être totalement coupée – de la veine familiale de Juste la fin du monde, c’est bien dans la veine théâtrale de l’oeuvre de Lagarce que Nous, les héros s’inscrit pleinement. À l’inverse de Music-hall qui observe une chanteuse et ses deux « boys » sous les feux de la rampe, elle prend place dans les coulisses, non pas d’un théâtre en bonne et due forme, mais d’une « salle du comité des fêtes » d’une petite ville de province du centre de l’Europe, « une baraque à frites avec de la résonance », assène Max à sa sortie de scène. Le jeune comédien n’est pas le seul à avoir la moutarde qui lui monte au nez, et tous les membres de la troupe, exception faite de ses deux patrons, sont vexés par le piteux accueil qu’ils viennent de recevoir de la part du public, des « provinciaux prussiens, et sans goût et sans amour et sans intelligence », s’emporte Madame Tschissik, avant de retourner ses balles traçantes verbales contre Joséphine, « involontairement hilarante et ridicule ». Cette saillie n’est pas un épiphénomène ou le résultat d’un éphémère coup de sang, mais bien le symptôme du mal-être global, voire de la crise de foi, qui traverse la troupe. Dirigée par Le Père et par La Mère, qui ont entraîné leurs trois enfants, Joséphine, Eduardowa et Karl, dans l’aventure, et engagé un intime de la famille, Raban, et son meilleur ami, Max, ainsi qu’un couple de comédiens, Monsieur et Madame Tschissik, pour les soutenir, la compagnie vogue de bled en bled – à la manière de celle du Lagarce des débuts –, vivote comme elle peut et fait face à une précarité financière qui menace l’existence même du collectif, perclus de dissensions. Heureusement, un événement promet d’illuminer cette soirée bien mal embarquée : l’annonce des fiançailles de Joséphine et de Raban. Las, l’union ressemble surtout à une alliance de circonstances, poussée par les parents de la promise, pour qu’un nouveau couple leur succède, s’installe à la tête de la troupe et en assure la pérennité. Car Raban parait plus sensible aux charmes de Madame Tschissik, et à ceux de Karl, qu’aux yeux de sa fiancée.

Au travers de la radiographie de cette compagnie – qui, sans doute, présentait quelques similitudes avec la sienne –, Jean-Luc Lagarce révèle l’envers du décor d’une vie de théâtre, loin du cliché romantique des saltimbanques qui partent la fleur au fusil et le coeur en fête sur les routes. Le dramaturge s’attache à montrer la réalité et les conséquences d’une existence qui réclame tous les sacrifices et où, quand les affaires vont mal, la précarité est à ce point reine qu’elle menace le feu sacré qui anime les comédiennes et comédiens. Surtout, il expose en pleine lumière les forces d’attraction-répulsion qui, dans un même mouvement, unissent et désunissent les membres d’une troupe. Avec des motifs qui ne sont pas sans rappeler ceux de La Mouette de Tchekhov, il rejoue le conflit des egos – avec la vieille gloire Madame Tschissik qui malmène la jeune Joséphine, comme l’harpie Arkadina néglige la fragile Nina – et la lutte des générations – entre Le Père et La Mère, tenants d’un théâtre classique, et leurs enfants qui, à la manière du Konstantin tchékhovien, sont partisans de formes nouvelles –, mais lève aussi le voile sur ces faux-semblants qui servent de bien trop fragile ciment. Car si, à première vue, ils paraissent vivre et parler ensemble, l’essentiel des personnages sont, en réalité, dans une forme d’incommunicabilité – l’une des obsessions de Lagarce –, centrés sur eux-mêmes, et leurs petits intérêts, avant d’être ouverts aux autres, incapables de tenir une discussion de fond au-delà de l’enchaînement de saillies verbales, auteurs de répliques qui font souvent fi de celles d’autrui, et englués dans une troupe, et peut-être même une existence, dont ils sont plus prisonniers qu’acteurs – mais que, pour autant, ils ne parviennent pas à quitter. Activés par une langue qui, toujours, réussit à faire mouche, ces motifs, aussi dignes d’intérêt soient-ils, donnent malgré tout l’impression d’affleurer au lieu d’être réellement explorés, et cette première version de Nous, les héros apparaît alors, en regard des pièces qui suivront, comme une oeuvre plus mineure que d’autres dans la bibliographie lagarcienne.

D’autant que, dans la mise en scène qu’il en livre sur le plateau des Bouffes du Nord, Clément Hervieu-Léger la prive, en la décalant dans le temps, d’une profondeur historique qui lui apporterait une autre dimension. Vaisselle Duralex jaune sur la table et tubes pop entonnés à intervalles réguliers faisant foi – du I Am What I Am de Gloria Gaynor à 99 Luftballons de Nena, en passant par Les Voyages de Barbara –, le metteur en scène situe la pièce de Lagarce au tournant des années 1990 alors que tout indique dans le texte qu’elle se déroule juste avant la Première Guerre mondiale. Dès lors, l’omniprésence de la Prusse – ennemie historique de la France de l’époque, qui entend bien se venger de la défaite de 1870 –, où la troupe veut poursuivre sa route, et l’imminence d’une guerre particulièrement menaçante – ce qui, au tournant des années 1990, avec la chute de l’URSS et l’avènement de La Fin de l’histoire de Fukuyama est moins d’actualité que jamais – ne cessent de cogner avec ce parti-pris temporel, et apparaissent insuffisamment exploitées, alors qu’elles pourraient contribuer à expliquer l’intranquillité et le relativisme des individus en présence. Pour autant, Clément Hervieu-Léger met toute sa maîtrise du plateau et son habile direction d’actrices et d’acteurs au service de cette pièce afin de lui déposer un tigre dans le moteur. Particulièrement intenses, les comédiennes et les comédiens se montrent étincelants, et réussissent à caractériser précisément l’ensemble des personnages qu’ils incarnent, à commencer par Elsa Lepoivre, toujours aussi magistrale dans le rôle de Madame Tschissik, Vincent Dissez, drolatique dans la peau du passager clandestin Monsieur Tschissik, Daniel San Pedro – l’actuel directeur artistique de la Compagnie des Petits Champs – convaincant en Père sur les épaules de qui tout repose, et Olivier Debbasch qui campe un Karl tout en sensibilité. Chacune et chacun à leur endroit, ils parviennent alors à fournir au texte de Lagarce un élan qui en colmate largement les quelques imperfections, et à prouver que le théâtre est avant tout une histoire de souffle vital.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Nous, les héros
de Jean-Luc Lagarce
Mise en scène Clément Hervieu-Léger
Avec Aymeline Alix, Clémence Boué, Jean-Noël Brouté, Olivier Debbasch, Vincent Dissez, Thomas Gendronneau, Judith Henry, Juliette Léger, Elsa Lepoivre de la Comédie-Française, Guillaume Ravoire, Daniel San Pedro
Scénographie Camille Duchemin
Costumes Caroline de Vivaise
Lumières Alban Sauvé
Collaboration artistique Aurélien Hamard-Padis
Direction musicale et arrangements Thomas Gendronneau
Réalisation sonore Jean-Luc Ristord
Collaboration aux costumes Bernadette Villard
Maquillages et coiffures Agnès Dupoirier
Stagiaire à la mise en scène Hugo Thery

Production Centre International de Créations Théâtrales / Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction Théâtre de Lorient – Centre dramatique national ; Compagnie des Petits Champs ; Théâtre de Caen ; Théâtre National de Nice ; Théâtres de Compiègne
Avec le soutien du Cercle de l’Athénée et des Bouffes du Nord et de sa Fondation abritée à l’Académie des beaux-arts
Avec le soutien de la Spedidam

La Compagnie des Petits Champs est conventionnée par la Drac Normandie – ministère de la Culture et de la Communication, la Région Normandie, le Département de l’Eure, l’Intercom de Bernay-Terres de Normandie.

Durée : 2h

Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
du 16 octobre au 1er novembre 2025

Théâtre National de Nice, CDN Nice Côte d’Azur
les 5 et 6 novembre

Théâtre de Rungis
le 14 novembre

Espace Jean Legendre, Compiègne
le 18 novembre

Théâtre de Caen
les 3 et 4 décembre

18 octobre 2025/par Vincent Bouquet
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