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Avec « Wonnangatta », Jacques Vincey se perd dans le bush

Décevant, Les critiques, Paris, Théâtre
Jacques Vincey monte Wonnangatta d'Angus Cerini aux Plateaux Sauvages
Jacques Vincey monte Wonnangatta d'Angus Cerini aux Plateaux Sauvages

Photo Christophe Raynaud de Lage

Pour son second spectacle après son départ de la direction du CDN de Tours, Jacques Vincey se confronte à la langue brute et rêche d’Angus Cerini, et vide la pièce du dramaturge australien de la totalité de sa substance.

Wonnangatta. Aux yeux et aux oreilles des Européens que nous sommes, le titre choisi par Angus Cerini installe un double cadre : étrangement mystérieux, voire exotique, avec ses sonorités peu communes sous nos latitudes, et territorial, dans sa façon de localiser précisément l’action à venir. Comme si, nous prévenait le dramaturge, l’espace géographique s’imposait, avant tout autre, comme le personnage central de la pièce qui s’ouvre. Ce milieu à l’hostile beauté hautement caractéristique, c’est le bush australien, cet arrière-pays bien loin des aires urbaines, où la Nature et ses éléments règnent en maître et imposent leur loi, où la très faible densité humaine, comme animale, ferait passer la « diagonale du vide » française pour un territoire surpeuplé. Lors du recensement de 2016, nous apprend Wikipédia, la population résidentielle de Wonnangatta, cette micro-localité de l’État de Victoria, était même de… 0. Symbole parmi les symboles de l’aspect fantomatique de cette ville, qui reste, malgré tout, célèbre dans l’esprit des Australiens pour la série de meurtres qu’elle a connus à la fin des années 1910.

Alors qu’il vient comme chaque mois lui apporter son courrier, Harry est surpris de ne pas trouver Jim chez lui, d’autant que l’inscription « Serai là ce soir » est griffonnée à la craie sur sa porte. Dans la version qu’Angus Cerini livre de cette histoire vraie, l’homme décide de passer la nuit sur place et, sans nouveau signe de vie de son ami, regagne ses pénates, avant de revenir 30 jours plus tard. Son inquiétude augmente alors d’un cran lorsqu’il découvre la maison dans un état strictement identique, le courrier non ouvert encore sur la table. En route vers Mansfield « pour signaler la chose », il croise une vieille connaissance, Riggall, qu’il embarque avec lui pour « ajouter un peu de cervelle à la besogne » et tenter d’éclaircir cette disparition. De retour chez Jim, les deux compères poussent plus avant leur exploration et découvrent un intérieur plus désordonné qu’à l’accoutumée : « lit défait, draps par terre », « vêtements de travail éparpillés par terre » et, surtout, un « fusil de chasse appuyé contre la commode ». Après avoir donné quelques tranches de bacon à Baron, le chien de Jim, dont les yeux leur apparaissent comme « deux lacs profonds brillants de faim et d’angoisse », Harry et Riggall suivent l’animal dans sa course folle, de la prairie jusqu’au bord de l’eau. C’est là qu’ils font une découverte pour le moins macabre et trouvent le corps de leur ami enterré dans le lit de la rivière, « la tête arrachée bouffée jusqu’à l’os » par ce qu’ils supposent être des chiens sauvages. Immédiatement, Harry soupçonne Bamford d’avoir fait le coup, ce cuisinier et valet de ferme que Jim avait récemment engagé, mais qui s’avère aujourd’hui curieusement introuvable. Les deux hommes vont alors se lancer dans une quête pour retrouver le meurtrier présumé, quitte, pour cela, à devoir affronter une Nature qui n’a aucun cadeau à leur faire.

De cet environnement qu’Harry et Riggall ne cessent, par touches impressionnistes, de décrire, pour mieux l’admirer ou le subir, Jacques Vincey a voulu visuellement faire table rase. Sur la scène des Plateaux Sauvages où son adaptation du texte d’Angus Cerini – son second spectacle, après Au coeur de l’Odyssée, depuis son départ de la direction du CDN de Tours – a vu le jour, ne subsiste qu’un espace nu, tout juste composé d’une immense collection de cubes – qui ne sont pas sans rappeler ceux du Rhinocéros de Bérangère Vantusso, la nouvelle patronne de l’institution tourangelle – que les deux compères vont se plaire, au fil de leur voyage, à « déterrer », pour mieux, parfois, les rassembler. Histoire de faire naître une atmosphère singulière, le metteur en scène s’en remet alors tout entier aux artifices du théâtre, à la création lumières de Caty Olive, portée par une série de néons qui alternent entre le blanc froid et le blanc chaud, à la création sonore d’Alexandre Meyer, où les fragments musicaux s’enchevêtrent avec des bruits provenant des espaces traversés, mais aussi à la fumée dont, dans les derniers instants du spectacle, il ne fait aucune économie. Assemblés, l’ensemble de ces éléments auraient pu constituer un support de projection auquel le texte aurait pu s’arrimer pour faire germer dans l’esprit des spectateurs les images qu’il ne cesse de convoquer. Las, et de façon curieuse, la Nature apparaît comme l’une des grandes absentes de ce Wonnangatta. Au lieu de voguer de lieu en lieu, de territoire en territoire, Harry et Riggall semblent, a contrario, y faire du surplace.

Loin d’être isolé, cet écueil est en réalité symptomatique du problème qui sous-tend toute la mise en scène de Jacques Vincey : sa préhension malhabile du texte d’Angus Cerini dont il n’a pas trouvé la clef, et qu’il vide, ce faisant, de sa substance. Comme nous avions déjà pu l’observer dans L’Arbre à sang, récemment mis en scène par Tommy Milliot, également aux Plateaux Sauvages, la langue du dramaturge australien n’est pas de celles qui se laissent facilement apprivoiser. Rêche, abrupte, économe en phrases grammaticalement étoffées, elle peut aussi se teinter d’un certain lyrisme, et même d’une forme d’humour, toujours noir, parfois glaçant. À l’image du bush de la région de Wonnangatta, elle renferme, derrière son hostilité et sa rudesse de façade, une beauté qu’il faut scruter pour la voir émerger. Malheureusement, Jacques Vincey l’appréhende de manière trop frontale, sage, littérale, et, dans sa direction d’acteurs, accentue ses rodomontades aux accents masculinistes. Figés de bout en bout dans une posture digne de cow-boys d’Épinal, aux prises avec un plafond de verre qui ne leur permet jamais de gagner en puissance de projection, Vincent Winterhalter et Serge Hazanavicius paraissent vouloir dominer le texte au lieu de se laisser traverser par lui, et ne donnent pas toute la subtilité qu’ils méritent aux personnages d’Harry et Riggall. À travers eux, les deux compères passent pour des êtres monochromes et monotones, loin, très loin, des tempêtes intérieures qui, en sous-main, les agitent, et qui n’ont d’égales que celles qu’ils endurent en chemin.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Wonnangatta
Texte Angus Cerini
Traduction Dominique Hollier
Mise en scène Jacques Vincey
Avec Serge Hazanavicius, Vincent Winterhalter
Collaboration artistique Céline Gaudier
Scénographie Caty Olive, Jacques Vincey
Création lumière Caty Olive
Création musicale Alexandre Meyer
Costumes Anaïs Romand
Regard chorégraphique Stefany Ganachaud
Régie générale Sébastien Mathé
Régie son Maël Fusillier
Régie lumière Thomas Cany

Production Compagnie Sirènes
Coproduction Centre dramatique national de Tours – Théâtre Olympia ; Halle aux grains – Scène nationale de Blois
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages
Le texte a reçu le soutien à la traduction de la Maison Antoine Vitez et d’Artcena.

La Compagnie Sirènes est conventionnée par le ministère de la Culture.
Jacques Vincey est artiste associé à la Maison de la Culture de Bourges.

Durée : 1h30

Les Plateaux Sauvages, Paris
du 12 au 24 mai 2025

14 mai 2025/par Vincent Bouquet
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