Danseurs en situation de handicap mis en valeur tels des « étoiles » par leurs homologues valides : la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Paris, mercredi 28 août, a cherché à promouvoir, dans un geste poétique et politique, les corps dans toute leur diversité.
« J’espère instruire, faire réfléchir, déclencher des débats, faire voir les choses d’une nouvelle perspective », expliquait il y a quelques jours Alexander Ekman, le chorégraphe du show de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Paris intitulé Paradoxe, de la discorde à la concorde. Ce mercredi 28 août, sur une large scène entourant le célèbre obélisque égyptien de la place de la Concorde, le geste chorégraphique se veut politique. Il se traduit par un premier tableau opposant deux groupes.
D’un côté, 140 danseurs valides – costumes noirs, lunettes de soleil, enfermés dans des mouvements répétitifs et saccadés, comme rigides au changement. D’un autre, une grosse quinzaine d’artistes en situation de handicap, habillés de bleu, blanc, rouge ou doré, en béquilles ou fauteuil, qui forment une joyeuse bande dansant de manière ample et libérée. « Qu’est-ce qui ne va pas avec mon corps ? Ne suis-je pas suffisant ? », interroge le trentenaire Lucky Love, en interprétant sa chanson My ability (« Ma capacité »), une performance à la fin de laquelle il jette sa veste pour montrer son bras gauche manquant.
Plus tard, les deux groupes de danseurs se réunissent et inventent de nouveaux jeux, qui ne sont ni olympiques ni paralympiques. Sous des « hey » lancés à plein poumon, les corps se mêlent sans distinction de costumes et la chorégraphie devient unique. Les danseurs valides empoignent des béquilles, tous dans un même élan, et mettent en avant le solo touchant du Sud-Africain Musa Motha, 28 ans, qui survécu à un cancer diagnostiqué à l’âge de 11 ans mais a dû être amputé d’une jambe. Ce dernier a ému avec son adage interprété avec une ou deux béquilles, tandis que le reste de la troupe rame avec ces supports – clin d’oeil à l’aviron – sur fond d’images fortes projetées au pied de l’obélisque.
Autres images coups de poing : ces danseurs en fauteuil soulevés à bout de bras, comme dans un pas de deux de ballet classique. Ou encore chacun d’eux brandissant une flamme sur le Boléro de Ravel. Et cette scène finale de célébration où les roues des fauteuils viennent colorer le sol de peinture, référence au travail de l’artiste anglaise Sue Austin.
« Normaliser les corps »
Pour cette cérémonie, son chorégraphe suédois de 40 ans, connu pour ses scénographies aux visuels imposants, a auditionné 2.000 danseurs et mené des recherches à travers le monde pour dénicher les meilleurs talents parmi les personnes vivant avec différents types de handicaps. Ont répondu à l’invitation seize performeurs, souvent multiprimés, venus de la danse contemporaine, du hip hop, de la danse sportive, évoluant au sol, en béquilles ou en fauteuil. On peut citer, parmi d’autres, la championne d’Europe et vice-championne du monde de « danse fauteuil », l’Israélienne Tomer Margalit, ou la Belge Angelina Bruno, qui a joué l’arbitre de jeu.
Alexander Ekman a fait de la diversité de cette grande troupe la force de son écriture chorégraphique, s’attachant à ne pas différencier les interprètes pour les « faire évoluer ensemble dans une même équipe ». Une cérémonie qui a permis, espère-t-il, de « normaliser les corps ».
Un processus salué par le breakdancer canadien Luca « Lazylegz » Patuelli, qui figure parmi les danseurs en situation de handicap. Ces derniers « sont totalement intégrés avec les autres », a-t-il assuré à l’AFP peu avant le début du spectacle. En outre, selon lui, « Alexander est ouvert aux propositions, ce qui assure un bon compromis pour tous, sans briser l’essence artistique » de ce qui fait son style habituel – des tableaux frappants avec des mouvements synchronisés.
« Alexander a travaillé à créer une chorégraphie d’ensemble et, en même temps, à mettre en avant la différence et l’identité de chacun », a souligné auprès de l’AFP Maud Le Pladec, directrice de la danse des quatre cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques. D’après elle, « il réussit ainsi le pari de constituer comme un corps de ballet, dans lequel les performeurs en situation de handicap peuvent être considérés comme les danseurs étoiles » d’un ballet classique.
Karine Perret © Agence France-Presse
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