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Le Lac d’argent, un étourdissement théâtral et musical

A voir, Les critiques, Nancy, Opéra

© Jean-Louis Fernandez

Dans une esthétique bariolée et avec une inventivité follement débridée, le metteur en scène allemand Erson Mondtag réinvente Le Lac d’argent de Kurt Weill en fable libératrice à l’Opéra national de Lorraine.

Après le succès de L’Opéra de quat’sous, fleuron de sa collaboration avec Bertolt Brecht, Kurt Weill se lance dans la composition de Der Silbersee, sur un texte de Georg Kaiser, un autre dramaturge allemand davantage tombé dans l’oubli. Il signe alors une œuvre toujours inclassable, car influencée par les musiques populaires, du jazz au cabaret, et sans doute encore plus proche du théâtre musical que de l’opéra. Née en 1933, au moment même où Hitler devient chancelier, elle a été qualifiée de “bâtard musical” par le régime nazi, puis aussitôt interdite et détruite. Au moyen d’une habile mise en abyme, Erson Mondtag en monte une version délibérément actuelle, mais qui sait faire écho au contexte troublé de sa création comme à l’exil de Weill qui surviendra juste après. Une troupe de chanteurs, acteurs, danseurs monte aujourd’hui, à Nancy, Le Lac d’argent, et comme l’époque n’est pas sans craindre de voir arriver l’extrême droite au pouvoir, leur travail est lui aussi aussi chahuté que menacé. Sans davantage insister sur la virulente dimension politique de l’ouvrage, la mise en scène propose quelques allusions à l’oppression du peuple et aux violences policières. Le spectacle prend surtout le parti de rire et de subvertir, se faisant moins le lanceur d’alerte d’une éminente et effroyable dystopie que l’artisan d’un art qui coute que coute s’affaire à exister et résister.

C’est un spectacle total, foisonnant, débordant et même parfois outrageant, qui prend forme sur scène. Dès ses premières mesures fiévreuses, la partition de Weill se fait vraiment grisante. Elle éclate brillamment de son abattage maitrisé mais dévoile aussi les charmes de ses mélodies soyeuses au lyrisme émouvant. Fort bien conduit par le jeune chef Gaetano Lo Coco, défenseur remarquable de cette musique composite, l’orchestre sonne avec verve mais n’en fait jamais trop. L’opulent univers scénique assume quant à lui bien des excès et se montre riche en références détournées, en images et en idées étonnantes car aussi hétéroclites qu’anachroniques. L’intrigue de la fable faussement absurde et finalement initiatique se dessine entre un sanctuaire égyptien revisité et un beau manoir hanté dans un kitsch parfait.

Dans un esprit néo expressionniste, la première scène jouée sous la forme d’un ballet de mutants présente un enterrement métaphorique, celui de la faim qui grogne. Car au centre de leur propos, Weill et Kaiser se font les empathiques portevoix de la révolte sociale. Pris en train de voler un ananas sur l’étalage de marchandes ambulantes, Severin est blessé d’un coup de feu tiré par l’agent de police Olim. Quand ce dernier gagne une grosse somme d’argent au jeu, et devient le propriétaire d’un luxueux château, il se rachète une conscience en recueillant sa victime qu’il loge et nourrit à satiété. Si dans la pièce originale, les deux hommes finissent par se nouer d’amitié, ils entretiennent dans cette nouvelle version, une relation ambiguë proche de la romance bdsm gay. Le couple est campé non sans exubérance par l’acteur Benny Claessens, génial séquestrateur acariâtre et survolté, et le baryton Joël Terrin, son minet enchaîné qui prend l’aspect d’un martyr biblique en voie de délivrance. Cette lecture fortement distanciée du Lac d’argent joue volontiers avec le principe de métathéâtralité comme avec la notion de wokisme qui agite tant les esprits rances dans notre société. Au diapason, c’est une troupe d’artistes au grand complet qui porte avec plaisir et conviction une œuvre émancipatrice.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Le Lac d’argent
Der Silbersee (Le Lac d’argent), faux opéra
Créé à Leipzig, Magdebourg et Erfurt, le 18 février 1933

Livret Georg Kaiser Musique Kurt Weill

ORCHESTRE ET CHŒUR DE L’OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE
Direction musicale
Gaetano Lo Coco

Chef de chœur
Guillaume Fauchère

Assistant à la direction musicale
William Le Sage

Mise en scène, scénographie
Ersan Mondtag

Reprise de la mise en scène
Fanny Gilbert-Collet

Costumes
Josa Marx

Lumières
Rainer Casper

Dramaturgie
Till Briegleb, Piet De Volder

Traduction du texte parlé
Ruth Orthmann

Assistanat à la mise en scène
Alixe Durand Saint-Guillain

Severin
Joël Terrin

Olim
Benny Claessens

L’agent de la loterie, le baron Laur
James Kryshak

Fennimore, la première femme de chambre
Ava Dodd

Madame von Luber
Nicola Beller Carbone

Des vendeuses
Inna Jeskova, Séverine Maquaire

Des jeunes hommes
Benjamin Colin, Wook Kang, Yong Kim, Ill Ju Lee

Le docteur, le gros gendarme, le directeur artistique
Yanis Bouferrache

Production Opera Ballet Vlaanderen Coproduction Opéra national de Lorraine

Durée : 3h

Opéra national de Lorraine
du 14 au 20 avril 2024

17 avril 2024/par Christophe Candoni
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