C’est au Théâtre La Flèche à Paris que l’on découvre ce solo pop et doux-amer porté avec un sacré cran par Louise Belmas, révélation de ce show hybride réjouissant. Une écriture qui claque, une présence dense et une bonne dose de musique live dynamisante.
Jolie découverte que cet ovni qui faisait sa première à la Flèche. Titre énigmatique, forme hybride et insolite, propos tout aussi incongru voire totalement farfelu, I.R. (Impulse Response) révèle une artiste au caractère trempé dans l’autodérision, l’humour pince sans rire et la mélancolie douce. Louise Belmas, seule en scène, est à l’origine de ce spectacle à la beauté bizarre, entre théâtre, concert et stand up. Capital originalité maximal. Cette fille est hilarante quand elle nous cueille à l’orée de la représentation par un préambule réjouissant en adresse directe, entre consignes de sécurité, instauration d’un cadre de confiance et de bienveillance définissant des rapports conviviaux et non jugeant, le tout assaisonné de sauge blanche brûlée. L’ambiance est posée. Le climat est à la dérision. Sans virer vers la parodie en bonne et due forme de notre obsession sécuritaire et des tendances yogi / bien être / relaxation, cette entrée en matière pose un ton, décalé, inédit, qui jamais ne laisse présager de la suite. Impossible de déceler où Louise Belmas veut nous mener. Et ce saut dans l’inconnu a des vertus dépaysantes oxygénantes.
I.R. (Impulse Response) est donc un show totalement inclassable. Qui brouille les styles et les pistes avec un sens de la déroute saisissant. Un show minimaliste avec gilet à paillettes et boule à facette, une séance de visionnage de diapositives de famille mais sans la famille, un concert polymorphe qui passe au shaker et tous azimuts, variété, pop, électro et rap des années 2000, une imposture qui s’avoue comme telle mais baisse les yeux quand même, un monologue éclaté qui se mord la queue, à moins que ce ne soit une narration sans queue ni tête, un jeu d’équilibriste entre le vrai et le faux, une fiction au divers degrés de réalité… et bien d’autres choses encore. Avec des coups de fil intempestifs d’une mère encombrante, des parenthèses de danse contemporaine non homologuée, une séquence télévisée de l’Eurovision, une scène de dissociation onirique rocambolesque, un air entêtant à la flûte à bec, l’épopée d’une migration sous le signe du cirque, une vedette coincée dans la télé, une usurpation d’identité, un plagiat qui n’en est pas… I.R. c’est un peu tout ça à la fois et si l’on peut tourner autour avec des mots pour tenter d’en rendre compte, impossible néanmoins de le synthétiser aisément. Inutile de préciser qu’on ne sait jamais sur quel pied y danser et ce léger vertige a quelque chose d’assez jubilatoire.
L’air de rien, en composant ce personnage pas sûr de lui évoluant dans une réalité évanescente, s’évanouissant dans les filaments de récits contradictoires pris en flagrant délit de fiction, Louise Belmas impose une personnalité scénique atypique et moderne et balaye d’un revers de main bien senti nos sacro saintes identités forcenées. Accompagnée à la composition musicale et aux arrangements par Julie Roué dont on aime tant les B.O cinématographiques, depuis Jeune Femme de Léonor Serraille au récent La Fille de son père d’Erwan Le Duc en passant par Perdrix du même réalisateur, cette femme androgyne déploie au plateau un univers cocasse et plaisant, une écriture singulière et dynamique, toute en ruptures de rythme, une présence solide et attachante, une imagination savoureuse. Sa puissance comique est évidente mais c’est sa mélancolie qui nous touche, et cet entre-deux délicat et tendre qu’elle instaure. Car en creux et au-delà du divertissement, Louise Belmas s’invente des vies possibles, elle joue du mensonge comme une ouverture à la fiction, et de la fiction comme la possibilité d’appréhender sa propre histoire, réconcilie musique savante et populaire, humour et mélancolie, le rêve et la mort. Au fil de ce spectacle étonnant, elle glisse des indices pour prendre de la hauteur, en décrypter les enjeux sous-jacents, toucher du doigt la liberté qu’elle s’offre, déjouer les projections encombrantes, les déceptions inévitables et l’enfance qui nous colle à la peau. En résumé, elle joue du faux pour mieux exprimer sa propre complexité, chapeau !
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
I.R. (Impulse Response)
TEXTE & JEU : Louise Belmas
MISE EN SCÈNE Louise Belmas assistée d’Antoine Formica
COLLABORATION ARTISTIQUE Joël Maillard
LUMIÈRES Ivan San Miguel
MUSIQUES Louise Belmas & Julie Roué
REMERCIEMENTS Anaïs Allais Benbouali, Karima El Kharraze, Béatrice Houplain
AVEC LE SOUTIEN DE Le CENTQUATRE-PARIS, Compagnie SNAUT, Compagnie La Grange aux Belles, MC93, Théâtre de l’Echangeur, Théâtre de la Bastille
Durée 1h15Du 11 janvier au 14 mars 2024
Les jeudis à 19h
Au Théâtre La Flèche – Paris
77 Rue de Charonne – 11ème
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !