La bonne idée que de déployer la vie de Colette au plateau dans une esthétique de Music-Hall ! Malheureusement, le résultat, mis en scène par Léna Bréban, avec Cléo Sénia (en co-écriture avec Alexandre Zambeaux) seule en scène, déçoit et nous laisse sur notre faim. De beaux numéros en vue mais l’ensemble passe un peu à côté de son sujet.
Il y a des spectacles, on y va le cœur léger, confiant, avec l’espoir d’être transporté dans une histoire et l’envie sincère d’adorer. Music-Hall Colette avait tous les atouts pour nous plaire, s’adresser à notre âme littéraire, à notre indécrottable goût du cabaret qui porte en lui tout le sel du spectacle vivant, la musique et la danse réunies, la dimension caustique, politique, cathartique en plus et quand la magie opère, la poésie. Colette, un sujet en or, une personnalité puissante, une inénarrable touche-à-tout qui ne s’interdisait rien, une aventurière de la vie et une vie qui force le respect, guidée, avant tout, par la liberté. A la mise en scène, Léna Bréban, metteuse en scène solide et talentueuse, qui a développé, au fil de ses spectacles, un ton enjoué, une dynamique de jeu, un appétit pour l’humour assez réjouissant. Malheureusement. Si le spectacle a de réelles qualités, porté par la belle énergie de Cléo Sénia, à l’origine du projet, s’il fédère une équipe entraînante liant les différents éléments scéniques en jeu, danse, musique, vidéo, l’ensemble peine à prendre corps et surtout, à nous raconter Colette. Certes, on y apprend bien des détails sur sa vie mais la ligne dramaturgique laisse un peu songeur. A l’écriture en binôme avec Alexandre Zambeaux ainsi qu’au plateau, Cléo Sénia se démène seule en scène, tout terrain tourbillonnante, nature espiègle et joviale, alternant les numéros avec un savoir-faire indéniable, danse et chant à part égale, mais l’on regrette que l’interaction avec le public soit si rare car lorsqu’elle a lieu, le lien fonctionne et brise à bon escient un quatrième mur un peu trop imposant (pour du music-hall, s’entend).
Quant au texte, ambivalent, il ne parvient pas vraiment à lier les trois niveaux de fiction qu’il propose, à savoir Colette – son existence, son œuvre, son époque -, Claudine – son personnage romanesque – et Cléo, comédienne d’aujourd’hui. Le dialogue aurait pu être intéressant et soulever des enjeux passionnants mais l’idée n’est pas exploitée jusqu’au bout et demeure en conséquence quelque peu anecdotique. Les prises de parole de Claudine sur un mur d’écrans diffractés apportent une spontanéité bienvenue autant qu’elles alourdissent le dispositif. Certaines références frôlent le mauvais goût et certaines répétitions du texte finissent par lasser. Ce qui est fort dommage car le spectacle n’est pas dépourvu de belles scènes et d’éclats émouvants. La tirade sur la vie des acteurs et actrices en tournée est non seulement sensible mais elle apporte un éclairage rarement évoqué sur le métier. La danse des éventails, sensuelle et rythmée, en met plein les yeux, la danse en miroir est de toute beauté, ainsi que la chorégraphie finale inspirée de la « danse serpentine » inventée par Loïe Fuller. Les costumes signés Alice Touvet plongent habilement dans l’époque et dessinent des silhouettes superbes – mention spéciale à la tenue mi-homme mi-femme qui perturbe à juste titre les sens. Quant à la composition musicale, elle offre de belles immersions dans ce XXème siècle débutant, captant le style d’antan tout en raccrochant les wagons avec maintenant.
Le spectacle s’ouvre sur les funérailles nationales de l’écrivain, images d’archives projetées sur un rideau de lianes et se clôt (presque) avec l’émouvant visage vieilli de Colette. Entre les deux, on aura traversé à cent à l’heure la vie sulfureuse et effrontée d’une grande femme qui aura apporté sa patte à la littérature autant qu’à la scène, modèle de frondeuse dans un patriarcat bétonné. Une vie survolée, racontée à vitesse grand V, avec un certain brio certes mais il nous aura manqué clarté et complexité pour être tout à fait conquis par le procédé.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Music-Hall Colette
Écriture Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux
Adaptation et mise en scène Léna Bréban
Interprétation Cléo Sénia
Assistanat à la mise en scène Ambre Reynaud
Scénographie Marie Hervé
Chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq
Chansons Hervé Devolder
Musique et création sonore Victor Belin et Raphaël Aucler
Création lumière Denis Koransky assisté de Sébastien Sivade
Création costumes Alice Touvet
Perruquière Julie Poulain
Création vidéo et réalisation Julien Dubois
Voix off Martine Schambacher et François Chattot
Mapping vidéo Jean-Christophe CharlesDurée 1h15
A partir du 26 janvier 2024
Au Théâtre Tristan Bernard
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