Montré en création française à l’Opéra-Comique, Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, mis en scène par Thomas Jolly, se présente comme une spectaculaire fantasmagorie du mal non exempte de grandiloquence.
Pour son huitième opéra, Pascal Dusapin démontre à nouveau son accointance avec les grands textes littéraires. Après Médée adaptée par Heiner Müller, Penthésilée de Kleist ou La Divine comédie de Dante, il se tourne, avec son librettiste l’écrivain et traducteur Frédéric Boyer, vers Shakespeare dont il porte à l’opéra une de ses plus illustres figures : Macbeth. Sa composition sait bien mettre en valeur les mots et leur portée dramatique, notamment grâce à un travail conséquent sur la prosodie. Mais elle ne porte pas une vision suffisamment éclairante et affranchie qui témoignerait du réel besoin de réécrire la pièce initiale légendaire.
Les huit tableaux reprennent, plus qu’ils réinventent, la trame narrative et les faits relatés par le dramaturge élisabéthain. Son point de départ est pourtant original : dans les limbes des Enfers où il siège désormais, le couple que forment Macbeth et Lady Macbeth revoit sous la forme d’hallucinations ses forfaits assassins et en est rongé de culpabilité. Chose étonnante, cette version montre moins la monstruosité de héros exaltés par le meurtre et le pouvoir que leur soif impossible de rédemption. Le très jeune chanteur Jarrett Ott (remarqué et déjà apprécié dans Breaking the waves) incarne le rôle-titre avec une fière allure et un timbre presque trop beau conférant au personnage une séduction qui s’écarte de l’inquiétante étrangeté naturellement imposée par Georg Nigl sur la scène de La Monnaie à Bruxelles où l’œuvre a d’abord été créée. Annoncée en méforme, Katarina Bradić apporte une part de lumière vibrante et passionnée qui semble là aussi vouloir racheter Lady Macbeth.
Pour plonger l’auditeur dans l’outre-monde lugubre et caverneux de son Macbeth, Pascal Dusapin a composé une ample et âpre partition aux lignes fluides et aux accents souvent rauques et rugueux dont il se dégage un insidieux lyrisme. D’opulente facture, l’orchestre dirigé par Franck Ollu rutile jusqu’à hurler d’horreur ou préfère se tapir dans des nappes étales de sons spectraux. Des stridences vocales et instrumentales, des grincements menaçants, des couleurs funèbres et ténébreuses, un orgue lourdement vibrionnant, des saillies de percussions infernales auxquelles vient s’ajouter le fracas de chaînes métalliques, tout participe à créer un climat expressionniste inspirant mais aussi appuyé voire cliché.
Sur un plateau tournant se dévoilent, entre ombre et lumière, une forêt digne d’un conte horrifique, celle de Birnam contre laquelle Macbeth cherche en vain à combattre son destin, ainsi que l’intérieur d’un manoir hanté jusque dans ses menus recoins. Derrière des portes dérobées : des escaliers en colimaçon où les amants terribles se retrouvent pour s’étreindre. Fidèle à son univers visuel au style gothico-fantastique très identifiable, Thomas Jolly fait s’accorder les effets lumineux qu’il adore et dont il est coutumier avec l’écriture musicale de Dusapin, et propose une imagerie illustrative foisonnante, offrant un large amalgame inspiré de films d’horreur comme de peintures de maître. En jouant la carte d’une esthétique de train-fantôme, il fait se multiplier les topoï du genre. Les Weird Sisters de Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert et Melissa Zgouridi font sensation en sorcières vitupérantes, dont la chevelure rousse évoque celle des femmes-vampire, qui se présentent alanguies sur les branches tortueuses d’arbres morts entrelacées, ou qui dansent la gigue au milieu d’un banquet de sabbat avec l’apparition d’un fantôme en bouquet final. La fantaisie et la noirceur de cet onirisme musical et scénique vont hanter tenacement l’Opéra-Comique qui devrait trouver un parfait contrepoint dans le retour du bouffon Fantasio d’Offenbach également mis en scène par Thomas Jolly le mois prochain.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Macbeth Underworld
de Pascal DusapinDirection Musicale
Franck OlluMise en scène
Thomas JollyCollaboration à la mise en scène
Alexandre DainDécors
Bruno de LavenèreCostumes
Sylvette DequestLumières
Antoine TravertAssistante mise en scène et dramaturge
Katja KrügerAssistant musical
Josep Planells SchiaffinoChef de chœur
Richard WilberforceChef de chant
Yoan HéreauLady Macbeth
Katarina BradićMacbeth
Jarrett OttWeird Sister
Maria Carla Pino Cury
Mélanie Boisvert
Melissa ZgouridiGhost
Hiroshi MatsuiPorter / Hecat
John Graham HallChild
Rachel Masclet*Musique de scène
Caroline Delume
Sabine Tavenard
Paul SerriFigurants
Adhal Bara / Geoffrey Boissy / Alexander Espinosa Correoso / Michael Guevara /Adrien Minder / Aurélien Piffaretti / Gabriel Soler / Kim TasselOrchestre de l’Opéra national de Lyon
Chœur accentusCommande du Théâtre royal de la Monnaie et de l’Opéra-Comique
Coproduction
Théâtre royal de la MonnaieCoproduction
Opéra-ComiqueCoproduction
Opéra de Rouen Normandie
*Maîtrise Populaire de l’Opéra-ComiqueDurée 1h50
Du 6 au 12 novembre 2023
Opéra-Comique
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