Blessée durant la représentation de Giselle, le soir de ses adieux le 13 juillet 2022, l’étoile de l’Opéra de Paris, Alice Renavand, se prépare pour deux représentations du Boléro les 24 et 28 mai à l’Opéra Bastille pour enfin saluer le public.
A l’instant de votre blessure, après le début du second acte de Giselle, à quoi avez-vous pensé ?
Sur le moment, j’ai compris que je ne pouvais pas finir la représentation avec un genou qui « rentre » et qui « sort ». Mais j’ai surtout eu une pensée pour les gens dans la salle, pas tant pour moi ! J’étais sidérée, je ne pensais pas à revenir. Paradoxalement, les détails pratiques se sont bousculés dans ma tête comme ces 92 bouteilles de champagne achetées pour la réception après, ce DJ invité, ces confettis également ! Fallait-il que je revienne saluer ?
Comment rebondir ?
Je n’ai pas extériorisé ma peine sur l’instant. Bien vite, je me suis dit qu’il fallait que je pense à la suite, si non j’étais bonne pour 10 ans de psychanalyse ! J’ai discuté avec Aurélie Dupont, alors directrice de la danse, et Alexander Neef le directeur de l’Opéra de Paris. Pour avancer.
Le jour d’après ?
Je faisais mes adieux le 13 juillet dernier, et le lendemain, le 14, je passais un IRM à 8 heure du matin ! Le ménisque était fissuré, je savais que j’en avais pour 9 mois. Il n’était pas seulement question de re-danser mais de préserver mon corps. Il a fallu ensuite se décider pour une opération. On ne pense plus alors à la retraite d’étoile, on ne se demande pas si la compagnie va vous manquer. Tout cela passe à côté.
Le Boléro de Maurice Béjart que vous vous préparez à danser, c’est une bonne rééducation ?
En effet, c’est une rééducation géniale ! Je travaille la cuisse droite, le genou comme lorsque je fais mes exercices de rééducation. Ce qui est dur après une opération, ce sont les torsions, de ce point de vue le Boléro ne demande pas trop. Et puis je peux le répéter seule, à mon rythme, je n’ai pas de partenaire.
Qu’est-ce qui vous fascine dans ce court ballet ?
Sa progression. Et je pense qu’il faut le danser avec ce que l’on est sur le moment, son âge, sa vulnérabilité, sa force. Il suffit de regarder les images de Maïa Plissetskaïa pour le comprendre. Sans oublier de ressentir la musique. Je me suis demandée si j’étais légitime dans ce rôle. J’en ai parlé avec Nicolas Le Riche qui a fait ses adieux sur le Boléro. Il m’a dit : « fais confiance à la pièce, c’est elle qui te portera ». Voilà, c’est exactement cela la puissance des chefs d’œuvres
Vous avez un projet pour la suite ?
Une compagnie sur le modèle du NDT 3, la compagnie « sénior » que Jiri Kylian avait imaginée en son temps. Cela prendrait la forme d’une association, avec des danseurs de l’Opéra de Paris. On se lancera sur des projets avec des musiciens, des plasticiens pour une poignée de dates à Paris puis en région. Il y a certains interprètes qui ne dansent plus depuis leur « retraite », je veux les remettre au-devant de la scène. Il ne s’agit pas de se bloquer sur la technicité, mais de montrer tout ce que l’on peut faire avec la maturité.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Alice Renavand dansera le Boléro dans le programme Béjart les 24 et 28 mai, Opéra Bastille
www.operadeparis.fr
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