Pour son programme de danse contemporaine, l’Opéra national de Paris met en avant les femmes, en dévoilant The Last Call la création pop et clubbing de Marion Motin et le conte onirique Horizon de Xie Xin, suivi de The Season’s Canon compositions organiques monumentales de Crystal Pite. Et l’écriture de cette dernière se démarque à côté des deux créations.
Trois chorégraphes ouvrent la saison de danse à l’Opéra de Paris. Elles sont de nationalités différentes et leurs esthétiques sont aux antipodes : clipesque pour la française Marion Motin, imprégnée de folklore chinois chez Xie Xin et forte de la puissance du groupe chez la Canadienne Crystal Pite. Elles déplient un voile nocturne sur le Palais Garnier, où se succèdent rave d’outre tombe avec The Last Call, rêverie fantastique avec Horizon, avant que l’aube se lève avec les paysages majestueux de The Season’s Canon. Avec ce programme, Le Ballet de l’Opéra de Paris déploie des lignées de femmes chorégraphes, où Pite reste la cheffe de file.
En guise d’introduction, The Last Call nous emporte dans une teuf techno où la sueur et les relents d’alcool suintent des costumes en latex colorés. Une cabine téléphonique dans la nuit, puis un appel qui transporte dans un autre monde : sombre, ardent et animé par la chaleur des corps dansants. Bien alignés, façon clip musical, les danseuses et danseurs du Ballet sont lancés dans un mouvement intense. Les jeux de lumière rouges, bleus puis verts subliment leurs gestes secs et puissants : coups de poings façon arts martiaux, bien campés dans le sol, les jambes écartées en fente. Puis, le paysage se transforme, devient un cabaret rétro, où des danses lascives sont exécutées en ligne. Une physicalité intense jaillit, écho à la technique hip-hop de Marion Motin, dans cette chorégraphie pop, efficace visuellement mais constellée d’airs de déjà-vu.
Toujours aussi onirique, Horizon transporte dans un conte de fée, où les interprètes devenus des créature magiques ondulent dans un paysage brumeux. En costumes translucides, ils évoluent en pas de deux, liquide, flottants, perdant leur matérialité. Leur danse fait écho au folklore chinois, mêlé à une esthétique abstraite. Faisant de manière lointaine écho aux willis, spectres en tutus blanc du Ballet Giselle, ces figures deviennent des fantômes emportées dans une romance poétique.
Mais cette fable de Xie Xin paraît pâle face au monumental Season’s Canon de Crystal Pite (2016). Sur les envolées lyriques de Max Richter, qui recompose les Quatre Saisons de Vivaldi, cinquante quatre danseuses et danseurs déploient une ode à la Nature. Comme animés par la puissance des éléments, ils se lancent dans une course effrénée, ponctuée de sauts acrobatiques. Au fil de cette frénésie, ils composent des créatures grandioses, monstres marins ou bêtes mythologiques colossales, qui se forment et se délitent de manière organique, créant des effets visuels qui laissant bouche bée. Flamboyant, il reste le point culminant de cette soirée. En voulant créer des lignées de chorégraphes femmes, encore très minoritaires dans le champ chorégraphique en France, le Ballet de l’Opéra de Paris rend surtout hommage à l’écriture étincelante de Crystal Pite.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
The last call
Création
Musiques enregistréesChorégraphie
Marion MotinMusique
Micka Luna
(1977)Décors
Marion MotinScénographie
Camille DugasCostumes
Arthur AvellanoLumières
Judith LerayHorizon
Création
Musiques enregistréesChorégraphie
Xie XinMusique
Jiang Shaofeng
(1987)Décors
Hu YanjunCostumes
Li KunLumières
Gao JieThe Seasons’ Canon
Chorégraphie
Crystal PiteMusique
Max Richter
Recomposed : Antonio Vivaldi The Four SeasonsDécors
Jay Gower TaylorCostumes
Nancy BryantLumières
Tom Visser
Palais Garnier
du 23 septembre au 12 octobre 2023
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