Dans la salle du petit théâtre de la Colline, à Paris, Anaïs Allais Benbouali signe un spectacle terne autour de trois femmes réunies dans une maison en bord de mer.
La mer est source inépuisable de méditation, de rêverie, de voyage mais aussi de renoncements, de naufrages, ou de malheurs. Avec sa nouvelle pièce jouée dans le petit théâtre de la Colline (Paris 20e), Anaïs Allais Benbouali (Au milieu de l’hiver j’ai découvert un invincible été) nous plonge dans les méandres de cette frontière naturelle charriant, pour beaucoup de familles, de multiples souvenirs qu’il est parfois bon de laisser au passé.
A travers la mer (ou la mère), l’autrice ravive une mémoire enfouie dans les replis de trois personnages : Houda, Max et Assia. Trois femmes de générations et d’origines différentes reliées par une maison bordant le littoral. Max (Gaëlle Clérivet), la cinquantaine, vient d’en faire l’acquisition auprès de Houda (Louise Belmas), âgée d’une trentaine d’années, fille de la propriétaire disparue, lorsqu’Assia (Asmaa Samlali), à peine 20 ans, frappe à la porte. La jeune femme, marocaine, a traversé la Méditerranée pour venir jusqu’ici, guidée par une mystérieuse femme lui ayant donné l’adresse de la maison. Dehors, un orage déverse des pluies torrentielles, omniprésentes dans la pièce, et pousse Max à accueillir cette inconnue chez elle.
L’eau – de pluie, de mer ou de larmes tues – forme l’autre personnage de ce spectacle ambitieux. Dans la maison de Max, les gouttes pleuvent des plafonds d’où la pluie s’infiltre jusqu’à remplir quantité de récipients disposés dans chaque pièce. Ces fuites distendent le rapport au temps des personnages, noyées chacune dans une existence vacillante. Enfermées dans une sorte de huis-clos, les trois femmes naviguent entre les quatre murs de la maison, un abribus situé non loin et un passé qu’aucune ne souhaite ressusciter. Et c’est tout le problème de cette pièce.
Les nombreuses facilités auxquelles cède Anaïs Allais Benbouali entravent le récit. Evoquant vaguement la question de l’identité, l’autrice interroge surtout les relations mère-fille. Mais l’artificialité des liens entre les personnages rend vaine toute tentative. Comme Houda, ancienne championne régionale d’apnée en proie à des crises d’asphyxie, Par la mer [quitte à être noyées] suffoque.
De brèves conversations téléphoniques entre Max et sa fille Prune dévoilent les rapports compliqués qu’entretiennent les deux femmes. Au fil de la pièce, Houda aussi avoue avoir pris ses distances avec sa mère jusqu’au décès de cette dernière. Enfin, Assia, qui a fui le Maroc et son carcan patriarcal, débarque en France alors âgée de 20 ans, tout comme Lounia, la mère d’Houda, lorsque voilà cinquante ans, elle quitta l’Algérie. Ces coïncidences entretiennent une intrigue dont les situations paraissent trop peu vraisemblables pour susciter un sentiment d’identification.
La forme, aux accents fabuleux, ajoute à cette impression illusoire. La scénographie très travaillée – signée Lise Abbadie – teinte la salle d’un bleu sourd comme celui des profondeurs de l’océan. Des créatures coiffées d’une tête de poissons font et défont le décor entre les scènes, rappelant la présence de la mer et avec elle, de Lounia, la mère d’Houda. Après sa mort, ses cendres ont été dispersée dans l’océan. Son souvenir s’invite dans le spectacle, surgissant, par moments, de la voix off.
Ces dispositifs scéniques participent de la poésie déployée par Anaïs Allais Benbouali. L’autrice et metteuse en scène a puisé dans sa propre histoire et celle d’Asmaa Samlali, arrivée en France à 17 ans, pour écrire la pièce. L’intention est belle mais ne suffit pas à faire tenir debout un spectacle trop terne pour s’y jeter à corps perdu.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Par la mer (Quitte à être noyées)
texte et mise en scène Anaïs Allais Benboualiavec Louise Belmas, Gaëlle Clérivet, Asmaa Samlali
et la voix de Majida Ghomaricollaboration artistique Guillaume Lavenant
dramaturgie Charlotte Farcet
scénographie et vidéo Lise Abbadie
création sonore Benjamin Thomas
musique originale Julie Roué
création lumières Julien Jaunet
création vidéo Marie Giraudet
regard chorégraphique Sofian Jouini
costumes Tiphaine Pottier
construction du décor Florentin Guesdon
regard complice Élise Vigier et Cécile Favereau
production et administration Marine Charles et Cécile Favereau
diffusion EPOC productions / Emmanuelle Ossenaproduction
La Grange aux Belles
coproduction La Colline – théâtre national, Le Grand T – Théâtre de Loire-Atlantique, La Comédie de Caen – CDN
avec le soutien de la DRAC Pays de la Loire, du Conseil Régional des Pays de la Loire, du Conseil Départemental de Loire-Atlantique, de la Ville de Nantes et de la Spedidam
La Grange aux Belles est conventionnée par la DRAC Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-AtlantiqueDurée 1h30
La Colline – théâtre national
du 23 mai au 18 juin 2023 au Petit Théâtre
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
relâche le dimanche 28 mai
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