Pierre Meunier retrouve Hervé Pierre et L’homme de plein vent plus de 25 ans après sa création. L’univers d’un artiste à part qui au théâtre mêle le cirque, les sciences, l’humour, la poésie offre une véritable parenthèse artistique.
Pierre Meunier aime travailler sur les éléments et les phénomènes de notre monde physique. Certainement parce qu’ils façonnent notre condition humaine, on a trop souvent tendance à l’oublier. Le Tas en 2002, La Vase en 2017, et, déjà en 1996, cette pesanteur à laquelle il s’attaque dans L’homme de plein vent ont par exemple constitué pour lui des objets d’étude et de création à part entière. Le poids des ans, la gravité de l’existence, mais aussi tout ce qui nous tasse, nous rapetisse, nous empêche de nous élever, nous ramène à terre, la pesanteur offre une thématique aux mille tiroirs qui lui permet de parler de l’humain.
Enfin parler, c’est une façon de le dire. Car les spectacles de Pierre Meunier sont presque sans paroles. Un poème d’amour par ci, un mot cru par là et quelques wörte d’allemand à l’effet comique incompréhensible mais irrésistible. Quoique. Il y a quand même la tête d’Hervé Pierre qui n’y entend rien pour expliquer ce rire. Car c’est avec ce même comparse et 50 ans de plus à eux deux additionnés que le duo se recompose, qui se balance en ce début de spectacle sur une drôle de machine, perché en altitude. Hervé Pierre paraît souffrir, fait mine de vouloir descendre. Pierre Meunier apprécie davantage cette hauteur de vue qui tel un romantique allemand le rendra si volontiers lyrique. Ils sont Kutsch et Flingenstein, mais peu importe leurs noms, les clowns vont souvent par deux, qui s’opposent autant qu’ils se complètent.
S’il est passé par des mines lorraines désaffectées et les bureaux du CNRS pour préparer son spectacle qui se joue dans un théâtre, Pierre Meunier est aussi un enfant du cirque qui philosophe sans se prendre au sérieux. Artiste polymorphe donc, il a conçu pour ce spectacle un ensemble de machines faites de bois, de cordes, de métaux rouillés, de poulies et de pierres taillées en guise de contrepoids, de mini boulets de canons ou d’un tas de vieux sommiers à ressorts… Tout un bric-à-brac artisanal et fait maison activé en direct par Jeff Perlicius. Un crochet surdimensionné traverse le plateau à hauteur de tête, un énorme ressort sort de sa malle tel un serpent, une voile rectangulaire peinte sert de suspensoir, s’élève, emporte les comparses telle une balançoire. Les numéros s’enchaînent sans tramer d’histoire au risque d’en perdre un peu le fil.
Il y a dans L’homme de plein vent une originalité et une finesse incontestables, le style à part de Pierre Meunier (et Marguerite Bordat) dépositaire d’un charme singulier. Hervé Pierre qui n’a plus à prouver, il joue le rustique à merveille face à son Don Quichotte éthéré. Dans l’absurde, les facéties, une inventivité scénique et spirituelle, une action en suspension, quelque peu répétitive, aux effets nuancés, quelque chose aussi qui vous tient à distance. Une poésie raffinée, au bel investissement physique, qu’on ne peut qu’apprécier, à défaut d’être emporté.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
L’Homme de plein vent
Création 1996 – Recréation 23 ans après, en 2019
De Pierre Meunier et Hervé Pierre, sous le regard de Marguerite BordatTexte
Pierre Meunier
Avec
Jeff Perlicius, Pierre Meunier, Hervé Pierre
Machine et machinerie
Jean-Pierre Girault (1996), Jean Lautrey (1996), Jean-Claude Mironnet (1996)
Son
Michel Maurer (1996), Hans Kunze (2019)
Lumière
Joël Perrin
Régie
Morgan Romagny ou Louis Sureau
Collaboration artistique
Claire-Ingrid Cottenceau (1996)
Production, diffusion
Céline Aguillon
Production, administration
Caroline Tigeot
Production : La Belle Meunière
Coproduction : Nouveau théâtre de Montreuil – CDNDurée : 1h30
Théâtre de la Bastille
du 9 au 26 mai 2023
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