Thomas Lebrun s’essaye à une rencontre avec le fantôme de Marguerite Duras dans L’envahissement de l’être (danser avec Duras). A travers un dialogue sensible, tantôt proche, tantôt lointain où la voix de la romancière se confronte aux gestes du chorégraphe-danseur, Thomas Lebrun esquisse la possibilité d’un duo, qui réactive cette figure emblématique de la littérature française.
Dans la salle de Micadanse, il y a Thomas Lebrun, vêtu de noir, presque plongé dans l’obscurité. Il déambule, dessine des chemins variant les textures de mouvements parfois articulées, parfois fluides et denses. En même temps, une voix résonne dans la salle, celle de Marguerite Duras, son bagou, sa finesse et son humour. Ponte de la scène contemporaine française et directeur du Centre chorégraphe de Tours depuis 2012, Thomas Lebrun se laisser bercer dans des heures d’interviews radiophoniques de la célèbre écrivaine recueillis par l’INA. De cette écoute intime s’est construite une relation entre le chorégraphe et l’écrivaine, dont il déploie la multiplicité à travers moult métamorphoses dans L’envahissement de l’être (danser avec Duras).
En plusieurs tableaux liés les uns aux autres, Thomas Lebrun expérimente différentes relations à l’écrivaine défunte. Il transperce la densité de son timbre, qui hante l’espace, grâce à ses mouvements glissés, gracieux, émanant de son imposante corpulence. Dans une intimité préservée par l’obscurité sur le plateau, chacun chuchote, parle à l’oreille de l’autre, sans jamais dialoguer directement. La voix de Duras et les gestes de Lebrun, se toisent, se frôlent, se croisent à peine. Une rencontre plutôt distante où jamais ces deux là ne se rencontrent vraiment, il se tiennent côte à côte deux monuments, chacun dans leur genre, qui s’amusent de leur suffisance.
Avec un flegme assez comique, Thomas Lebrun devient conteur, ou peut-être documentaliste d’un théâtre autour de la vie de l’autrice, de son enfance dans l’ancienne colonie de “l’Indochine française”, ses engagements politiques, ses romans. Comme s’il était à son service, il apporte au fur et à mesure d’anciennes affiches de Cannes ou de Saïgon, qui sont autant d’évocations littérales d’endroits évoqués dans les interviews diffusées. Puis il se travestit, bougeant en coin ses lèvres façon lipsync au gré des extraits audio de ses films, en grande robe noire et talons, transformiste élégant et cocasse. Ultime imitation : il devient la Duras iconique, plus âgée, grosses lunettes, col roulé, veste et verre de whisky posé à côté d’elle. Bien plus qu’un hommage, Thomas Lebrun tente des modalités d’approche de cette légende de la littérature, avec recul et facétie, dont la sensibilité confère une lecture très vivante.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
L’envahissement de l’être (danser avec Duras)
Conception chorégraphie et interprétation : Thomas Lebrun
Création lumières : Françoise Michel
Création sonore : Maxime Fabre
Création costumes : Kite Vollard
Musiques envisagées et textes : Le ravissement de la parole / Marguerite Duras / INA, JS Bach, Carlos d’Alessio, Gabriel Yared, Jeanne Moreau, Schubert…
Régie générale : Gérald Bouvet
Production : Centre chorégraphique national de ToursFaits d’hiver, Micadanse,
Du 9 au 11 février 2023Gymnase CDCN, Roubaix.
Les 9 et 10 mars 2023Atelier Anna Weill à Poitiers
Le 18 mars 2023
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