A l’espace Chapiteaux de la Villette, Balestra, le spectacle de sortie du CNAC déçoit et nous laisse sur notre faim. Marie Molliens peine à dépasser l’esthétique superbe qu’elle déploie pour que s’incarne sur la piste son univers et que la rencontre avec la 34ème promotion opère.
Janvier, le mois du CNAC à la Villette ! Chaque année, c’est le passage obligé, le Centre National des Arts du Cirque pose ses valises à l’espace Chapiteaux de la Villette, le temps d’un spectacle de fin d’études présenté au public. Après la proposition audacieuse et extrêmement contemporaine de Séverine Chavrier qui nous avait ravi l’année dernière (intitulée After All), le flambeau passe entre les mains de Marie Molliens, enfant de la balle, fildefériste et voltigeuse, pour mettre en piste la 34ème promotion sortante. A la tête de la Compagnie Rasposo, celle-ci frictionne son univers esthétique fortement imprégné de théâtre et des arts de la rue avec les disciplines de prédilection des circassiens en herbe. Malheureusement la rencontre opère difficilement. Et si le spectacle est un plaisir des yeux et comporte des scènes d’une beauté ahurissante, les tableaux composés peinent cependant à prendre corps et les images nous parviennent avec une distance regrettable. Vêtus en Pierrots lunaires échoués sur la planète cirque, les 14 interprètes forment au départ un ballet beckettien de créatures grimées se déplaçant en grappes tandis qu’au fur et à mesure se détachent des figures individuelles qui s’extraient du groupe pour s’exprimer dans leur agrès ou s’emparer d’instruments pour accompagner en direct leurs acolytes. Puis les tuniques blanches tombent dans une chorégraphie collective où les corps se dénudent en dansant, se libèrent de leurs oripeaux hérités d’une imagerie séculaire et enfantine pour mieux dévoiler la chair, la peau, les muscles et la jeunesse, vertu fascinante de cette distribution et ADN de ce rendez-vous saisonnier.
Balestra, qui emprunte son titre à une figure d’attaque en escrime censée provoquer un changement de rythme, ne manque pas d’idées et de singularité mais d’élan, de cohésion et de cohérence. Le spectacle met du temps à trouver sa vitesse de croisière, les transitions sont un peu poussives et son cheminement narratif assez obscur quand bien même la question du récit n’est pas essentielle pour apprécier l’onirisme poétique des scènes et certaines trouvailles percutantes. Les costumes sont d’une grande beauté, ce gigantesque projecteur aux allures de soucoupe volante, inaccessible étoile vers laquelle tendent leurs efforts, est un point de repère scénographique et dramaturgique, la chèvre apporte son lot d’humour tandis que le cerceau en flammes renvoie à l’univers forain et la ronde en tabliers aux tarentelles italiennes, faisant de ce spectacle un joyeux mélange de références, brassant prises de risque et exploits circassiens avec des réminiscences traditionnelles et folkloriques. Pourtant, l’atmosphère crépusculaire et la violence des cris et des rapports entre eux, créent un climat sombre et agressif qui tranche avec la solidarité à l’œuvre dans le cirque.
Les interprètes font de leur mieux mais ils ne parviennent pas totalement à créer ce grand corps collectif tandis qu’aucun ne s’individualise vraiment non plus. Leurs passages aux agrès sont un peu anecdotiques, que ce soit le mat chinois, la corde lisse, le tissu ou même le jonglage, on aimerait qu’ils aillent plus loin. Se détachent cependant deux numéros de roue Cyr gracieux et émouvants ainsi qu’une session de bascule coréenne à plusieurs qui vient enfin générer l’unité manquante et souder l’équipe. Peut-être avec un temps de rodage, Balestra trouvera son liant et son assise. Il est pour le moment encore fragile et désarticulé.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Balestra
Écriture, Mise en scène, Lumière Marie Molliens
Assistant.e.s à la mise en scène Robin Auneau, Fanny Molliens
Contributeur Guy Périlhou
Regard chorégraphique Milan Hérich
Conseiller artistique Jacques Allaire
Création musicale Eric Bijon
Création sonore Fabrice Laureau
Création costumes Solenne Capmas, assistée de Madeleine Davies
Assistant création lumière Théau Meyer
Régisseuses animalières Silène Martinez ou Aline Revilla
Régie générale Julien Mugica
Régie plateau Guillaume Bes
Régie lumière Vincent Griffaut ou Laura Molitor
Régie son Gregory Adoir
Interprétation Noa AUBRY (France) Roue allemande, Alice BINANDO (Italie) Corde lisse, Tomás DENIS (Venezuela) Acrodanse, Jef EVERAERT (Belgique) Roue Cyr, Yannis GILBERT (France) Acrodanse, Julien LADENBURGER (France) Jonglerie, Marisol LUCHT (Allemagne-Chili) Roue Cyr, Elena MENGONI (Belgique) Trapèze ballant, Carolina MOREIRA DOS SANTOS (Brésil) Tissus, Matiss NOURLY (France) Corde tendue, Pauline OLIVIER DE SARDAN (France) Mât chinois, Niels MERTENS (Belgique) Bascule coréenne,Thales PEETERMANS (Belgique) Bascule coréenne, Tiemen PRAATS (Belgique) Bascule coréenneDurée : 1h20
A partir de 7 ansDu 25 janvier au 19 février 2023
A l’Espace Chapiteaux de la VilletteCirque-Théâtre d’Elbeuf
Pôle National Cirque de Normandie
dans le cadre du festival Spring
7, 8, 9 avrilLe manège, scène nationale-Reims
21, 22, 23 avril
Parc de la Patte d’OieMontigny-lès-Metz
Cirk’Eole
dans le cadre des Nuits d’Eole »
12, 13, 14 maiCie Rasposo
Spectacle co-accueilli avec les Scènes nationales Espace des Arts-Chalon-sur-Saône, L’Arc-Le Creusot et Le Théâtre-Mâcon
30 juin, 1er, 2 juillet69- Lyon
Festival Utopistes (option à confirmer)
10, 11 juin
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