Avec S’assurer de ses propres murmures donnée sur l’île Piot à Avignon, le Collectif Petit Travers nous fait entrer dans l’intimité des relations entre jonglage et musique qu’il creuse depuis près de vingt ans. L’idylle est toujours vive.
Alors qu’il s’apprête à créer à la Biennale de la Danse de Lyon en septembre prochain une grande forme réunissant dix jongleurs et le Quatuor Debussy, c’est avec une pièce très intimiste que le Collectif Petit Travers est programmé sur l’île Piot par Occitanie fait son cirque en Avignon. Dernier en date des petits formats au répertoire de la compagnie fondée en 2004 par Julien Clément et Nicolas Mathis, S’assurer de ses propres murmures met en scène à travers un duo les relations entre jonglage et musique qui n’ont cessé d’évoluer depuis la première création du groupe. Soit Pan-Pot ou modérément chantant, toujours en tournée et considérée aujourd’hui comme une pièce majeure de leur discipline, où trois jongleurs revisitent avec un pianiste le répertoire pour piano depuis Jean-Sébastien Bach jusqu’à des compositeurs de notre temps. L’ambition de la pièce présentée aujourd’hui à Avignon est toute autre : plutôt que dans la durée, c’est dans la profondeur que Julien Clément oriente sa nouvelle recherche.
Sur un plateau aux allures de salon chaleureux, propice à la détente et à la musique, le co-fondateur du collectif retrouve un musicien très familier de la démarche du Petit Travers pour l’avoir à plusieurs reprises expérimentée avec lui : le batteur Pierre Pollet. La complicité entre Julien Clément et le musicien est d’emblée évidente. Ils l’ont déjà éprouvée dans un court duo, Formule (2017), où ils proposaient une métaphore de l’orchestre de cirque. Comme son titre – emprunté au début de La Scie rêveuse de René Char : « S’assurer de ses propres murmures et mener l’action jusqu’à son verbe en fleur » – l’indique, c’est à un objet moins tonitruant que s’intéresse ici le duo. En mêlant de nouveau les langages de l’objet, du geste et du son, les deux artistes cherchent en effet à produire une « poésie presque littéraire ».
Accompagnés à la mise en scène par Nicolas Mathis, Julien Clément et Pierre Pollet mettent pour cela au point un dialogue jonglé et sonore d’une grande précision, qui de séquences minuscules, très simples, va vers un mouvement vif et complexe. Sans un mot, cette évolution qu’ils décrivent en mettant en commun leurs vocabulaires personnels évoque celle de l’amitié : le temps, au cœur de la réflexion du Petit Travers, charge la relation d’histoires, de références qui la transforment, l’intensifient. Quittant la danse initiale du jongleur avec balle unique, sur le son des percussions sur table basse par le musicien, S’assurer de ses propres murmures prend tout doucement de l’ampleur. Une, puis deux, puis d’autres balles encore rejoignent la première entre les mains de Julien Clément, tandis que la batterie qui trône sur la piste se fait entendre de plus en plus fort, de plus en plus souvent.
Ce crescendo a beau être virtuose, ce n’est pas là l’objectif premier des deux artistes, qui se mettent en scène en train de chercher un mode de communication, de fusion de leurs arts, avant de partager leurs trouvailles. Chaque passage d’un tableau à l’autre, chaque changement de rythme est le résultat d’une quête d’équilibre, de mise en parallèle des langages du jonglage et de la batterie qui nous sont données à voir par les artistes. Leurs regards, les chuchotements de Pierre à l’oreille de Julien, tous les signes de l’écoute qu’ils s’accordent mutuellement forment le cœur battant de la pièce. Les images et les sons, tous de très belle facture, qui naissent de cette attention à l’autre donnent aux interprètes, autant qu’aux spectateurs, la joie particulière qu’offre le jonglage par son étrange héroïsme. Jouissif autant que cérébral, S’assurer de ses propres murmures prouve qu’entre jonglage et musique, l’idylle est toujours vive chez le Petit Travers. Et qu’elle est prête encore à de beaux développements.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
S’assurer de ses propres murmures
de et par Julien Clément (jonglage) et Pierre Pollet (batterie)
Mise en scène Nicolas Mathis
Lumière Thibault Thelleire
Scénographie Olivier Filipucci, Thibault Thelleire
Costumes Sigolène Petey
Dispositif sonore Olivier Filipucci
Logistique Audrey Paquereau
Regards extérieurs Rémi Luchez, Marie Papon, Alix VeillonProduction Collectif Petit Travers
Coproduction et résidence de création Le Vellein – scènes de la CAPI ; Théâtre Molière – Sète, scène nationale archipel de Thau ; CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble dans le cadre de l’Accueil-Studio La Cascade – Pôle National Cirque-Ardèche Auvergne-Rhône-Alpes
Soutien financier et accueil en résidence Plateforme 2 Pôles Cirques en Normandie I La Brèche à Cherbourg ; Cirque Théâtre d’Elbeuf ; Théâtre de Cusset – Ville de Cusset ; Les SUBS, lieu vivant d’expériences artistiques ; DÔME Théâtre
Avec le soutien de la SPEDIDAM et de la Ville de VilleurbanneLe Collectif Petit Travers est conventionné par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes.
Durée : 50 minutes
Festival Off d’Avignon 2022 dans le cadre de Occitanie fait son cirque en Avignon
Île Piot
du 9 au 21 juillet 2022 à 15h (relâches les 12 et 17 juillet)
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