Avec Le Petit Chaperon rouge, une fois n’est pas coutume, le collectif Das Plateau se confronte à la création jeune public et le résultat est une pépite d’une beauté esthétique bouleversante qui creuse aux racines du conte des frères Grimm pour mieux en extraire la vision optimiste et roborative.
Dans la Chapelle des Pénitents Blancs, écrin idéal au format présenté, nul rideau de théâtre traditionnel : un immense tissu rouge recouvre le sol et le fond de scène, croit-on à première vue, mais l’image scénique suivante nous invite à comprendre que le mur du fond est, en réalité, un miroir réfléchissant le sol. De ce jeu d’optique subtil et vertigineux, de ces photographies imprimées sur toiles et animées par un véritable concert de lumière qui vient donner l’illusion du mouvement, naissent des visions sublimes et pénétrantes, des perspectives bucoliques et des paysages champêtres, habillés d’une création musicale et sonore envoûtante. L’ADN de Das Plateau est là, rompu à une maîtrise aguerrie des nouvelles technologies, l’hybridation de la forme au rendez-vous.
Le conte des Frères Grimm, sur lequel s’appuie le spectacle, est ici narré autant que joué. Un procédé qui nous rapproche de la tradition orale tout en initiant le jeune public à un théâtre contemporain qui met à nu ses artifices. Le loup est une peau de bête endossée à vue, les personnages de la mère, du Petit Chaperon rouge et de la grand-mère sont pris en charge par Maëlys Ricordeau tandis que le loup est l’affaire d’Antoine Oppenheim. Tous les deux sont merveilleux, d’une justesse et d’une sobriété radieuse, avec une pointe d’espièglerie bienvenue. Ils nous entraînent aux racines du conte, dans la version des Frères Grimm, plus optimiste que celle de Perrault. En effet, l’arrivée du chasseur délivrant les victimes de la bête et le piège qu’elles tendent au prédateur pour avoir raison de lui offrent à Céleste Germe, à la mise en scène, les moyens narratifs d’ouvrir une brèche féministe réjouissante.
Tout, dans ce spectacle sombre et lumineux à la fois, est remarquable de délicatesse et d’intelligence. A commencer par les interprètes, sur le fil, jonglant entre dialogues et récit, brechtiens à leur manière. Une jupe nouée à la taille et la mère apparaît, avec son panier garni et ses recommandations, une cape de velours rouge surmontée d’un capuchon et le rôle éponyme prend corps, un fichu brodé sur la tête et c’est la grand-mère qui existe. Rien n’est appuyé, mais tout est là. Le travail sur le corps et la voix envoûte autant que l’aspect immersif de l’ensemble. Le vent dans les arbres, le chant des oiseaux, la composition musicale, tantôt légère et atmosphérique, tantôt majestueuse avec ses mélopées d’orgue, le tableau de la ferme, le sentier dans la forêt et ses modulations chromatiques, ce spectacle se regarde comme un livre d’images d’aujourd’hui qui sait avec virtuosité « sensualiser » le virtuel, notamment grâce à cette idée sensible d’animer les toiles via un travail de lumière remarquable. Rarement on a vu le numérique arborer tant de chaleur.
Le texte, épuré, distillé avec parcimonie sur un débit qui le laisse s’épanouir dans le dispositif scénique, intègre en son sein des fragments de Futur, ancien, fugitif de l’auteur contemporain Olivier Cadiot, et la prose de l’un se mêle en souplesse à celle des deux autres. Alternant incarnation au plateau et narration en bord de scène, les deux interprètes donnent pleinement à entendre cette histoire d’un autre temps, ce conte de jadis qui résonne encore aujourd’hui, traversant les siècles pour gommer son âge et s’épanouir devant nous en ce mois de juillet de l’an 2022 dans toute sa portée féministe et universelle.
Ni naïve, ni écervelée, le Petit Chaperon rouge est une petite fille curieuse et généreuse qui suit ses élans, ose s’éloigner du sentier battu et affronter ses peurs. Futée, en solidarité avec sa grand-mère, elle apprendra de ses erreurs. La fin ouvre la fiction sur un cycle de transmission qui enclenche un passage de relais bénéfique et libérateur. A l’aune de la révolution sociétale à l’œuvre, à l’heure où il est temps d’élever nos enfants en conscience, ce spectacle d’une beauté époustouflante invite à repenser les récits que l’on transmet et souffle un vent régénérant.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Le Petit Chaperon rouge
Textes Jacob et Wilhelm Grimm, traduction de Natacha Rimasson-Fertin et des extraits de Futur, ancien, fugitif d’Olivier Cadiot
Mise en scène Céleste Germe
Avec Antoine Oppenheim, Maëlys Ricordeau
Collaboration artistique Maëlys Ricordeau
Conseil dramaturgique Marion Stoufflet
Musique Jacob Stambach
Scénographie James Brandily
Lumière Sébastien Lefèvre
Images Flavie Trichet-Lespagnol
Son et vidéo Jérôme Tuncer
Costumes Sabine Schlemmer
Assistanat à la mise en scène Mathilde WindProduction Das Plateau
Coproduction Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, Le Grand R Scène nationale de la Roche-sur-Yon, Festival d’Avignon, Théâtre Nouvelle Génération centre dramatique national (Lyon), Nanterre-Amandiers centre dramatique national, La Comédie de Colmar centre dramatique national Grand Est Alsace, Comédie de Reims Centre dramatique national, Théâtre Brétigny scène conventionnée d’intérêt national arts et humanités, Théâtre Gérard Philippe Centre dramatique national de Saint-Denis, La Villette – Paris initiatives d’artistes, CRÉA – Festival Momix – Scène conventionnée d’Intérêt National « Art Enfance Jeunesse » (Kingersheim), Théâtre National de Bretagne (Rennes), Le Grand Bleu scène conventionnée d’intérêt national art, enfance et jeunesse (Lille)
Avec le soutien de la Drac Île-de-France – ministère de la Culture, de la Région Île-de-France, du Département de l’Essonne
Résidences Ferme du Buisson Scène nationale (Noisiel), Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, Le Grand R Scène nationale de la Roche-sur-YonDas Plateau est conventionné par la DRAC Île-de-France et soutenu par la Région Île-de-France au titre de l’aide à la permanence artistique culturelle, et par le département de l’Essonne au titre de l’aide à la résidence territorial.
Das Plateau est membre du collectif de compagnies 360.Durée : 40 min
La Comédie de Reims
du 8 au 10 juin 2023Théâtre de l’Atelier à Paris
du 4 au 8 juillet
à 19h et les mercredi et samedi à 15h et 19h/em>
Bonjour, pour information, il ne s’agit pas de videoprojection sur tissus, c’est le travail de lumières de l’eclairagiste Sébastien Lefèvre qui donne vie aux toiles imprimées.
J ai 12 ans, je suis venue avec mon cousin qui a 9 ans. Nous avons trouvé ça ennuyeux, très monotone et un décor très simple avec de beaux costumes. Je déconseille pour les plus de 6 ans.
Gna gna gna mais maintenant, il y a des enfants qui se rêvent critiques???? Mais quelle horreur.