Raphaël Pichon à la direction musicale et Satoshi Miyagi à la mise en scène présentent un Idomeneo de Mozart réduit à une quasi version de concert costumée. Dépourvu d’intensité, le spectacle procure un profond ennui.
Connu pour avoir monté au festival d’Avignon le Mahabharata en 2014 puis Antigone dans la Cour d’honneur du Palais des papes en 2017 – deux spectacles d’envergure et d’une indéniable beauté – le metteur en scène Satoshi Miyagi n’a de cesse de s’intéresser aux grands récits mythiques comme aux figures sacrificielles qu’il revisite dans un geste synthétisant archaïsme et modernité. L’Idomeneo de Mozart, qui narre le destin tragique du roi de Crète contraint à la suite d’un naufrage de voir mourir son fils pour adoucir le courroux divin, ne se départit pas de ces sujets de prédilection, ce qui s’annonçait de bon augure pour les premiers pas de l’artiste sur la scène lyrique européenne. Pourtant, au Théâtre de l’archevêché, se laisse découvrir un spectacle esthétisant sans véritable propos dramatique. Scéniquement absent, le théâtre ne gagne que partiellement la fosse où Raphaël Pichon dirige un ensemble Pygmalion aussi calme et étale qu’une mer d’huile, un comble pour une œuvre submergée par le déchaînement violent des éléments marins.
Face à une proposition scénique aussi uniforme et invariante, on espérerait presque que le drame n’atteigne son lieto fine. Que, plutôt que de s’estomper, la colère de Neptune et la tempête ravageuse redoublent d’effets pour vraiment chahuter ce plateau si bien ordonné où il ne se passe pas grand chose, qu’elles bousculent les héros mozartiens croulant sous les étoffes bouffantes de leurs costumes entre tunique antique et kimono japonais, perchés sur leur piédestal et prisonniers de leur pose statuaire.
Faute d’incarnation, les personnages peinent à trouver une consistance et une expressivité suffisantes. Seul le beau chant des interprètes, un chant tout en délicates nuances et en belle musicalité, un chant étonnamment plus introspectif qu’expansif, dit à lui seul la vérité et la profondeur des êtres. L’auguste Idoménée de Michael Spyres, dont le style mozartien est impérial, laisse se déployer les miraculeuses beauté et limpidité d’une ligne vocal qui va crescendo du murmure au fier éclat sonore. Sabine Devieilhe gratifie comme à son habitude sa princesse captive de subtils ornements. A la douce Ilia répond le jeune Idamante d’Anna Bonitatibus qui offre un timbre plus chaud et charnu. Pour autant, cela manque de vie, de chair, de passion, d’hybris. Seule Nicole Chevalier qui fait en Elettra ses débuts au festival se montre pleinement habitée dans un air de fureur hallucinant d’aplomb. Le chœur, en horde soldatesque aux danses ritualisées ferait écho au sort du peuple japonais au sortir de la Seconde Guerre. Mais la stylisation et l’abstraction froides du metteur en scène ne le rende pas suffisamment lisible.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Idoménée, roi de Crète de Mozart
OPÉRA SERIA EN TROIS ACTES
LIVRET EN ITALIEN DE GIAMBATTISTA VARESCO
CRÉÉ LE 29 JANVIER 1781 AU THÉÂTRE CUVILLIÉS DE MUNICH
Direction musicale
Raphaël Pichon*
Mise en scène
Satoshi Miyagi
Décors
Junpei Kiz
Costumes
Kayo Takahashi Deschene
Lumière
Yukiko Yoshimoto
Chorégraphie
Akiko Kitamura
Assistant à la direction musicale
Nicolas Ellis
Chef de chant
Alessandro Benigni
Assistante à la mise en scène et à la chorégraphie
Yu Otagaki
Assistant à la mise en scène et à la dramaturgie
François-Xavier Rouyer
Assistante aux décors
Yui Mitsuhashi
Assistante aux costumes
Elisabeth De Sauverzac
Interprète et traductrice
Hiromi Ishikawa
Idomeneo
Michael Spyres
Idamante
Anna Bonitatibus
Ilia
Sabine Devieilhe*
Elettra
Siobhan Stagg
Arbace
Linard Vrielink
Gran Sacerdote
Krešimir Špicer
Voce di Nettuno**
Alexandros Stavrakakis
Danseuses et danseurs
Sophie Blet, Idir Chatar, Apolline Di Fazio, Anaïs Michelin, Yumi Osanai
Chœur et Orchestre
Pygmalion
*Anciennes et ancien artistes de l’Académie
**Voix enregistrée
NOUVELLE PRODUCTION DU FESTIVAL D’AIX-EN-PROVENCE
EN COPRODUCTION AVEC LE THÉÂTRE DU CAPITOLE DE TOULOUSE— AVEC LE SOUTIEN DE MADAME ALINE FORIEL-DESTEZET, GRANDE DONATRICE D’EXCEPTION DU FESTIVAL D’AIX-EN-PROVENCE
Durée : 3h avec un entracte
Festival d’Art Lyrique d’Aix
THÉÂTRE DE L’ARCHEVÊCHÉ
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