Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

Parloir : le huis très clos de Delphine Hecquet

A voir, Les critiques, Reims, Théâtre
Simon Gosselin

Photo Simon Gosselin

Delphine Hecquet met en scène les retrouvailles dans un parloir entre une fille et sa mère incarcérée pour avoir tué son mari violent. Cette pièce vue au Meta, le CDN Poitiers Nouvelle-Aquitaine dans le cadre des Rencontres du printemps, est une belle surprise.

C’est un décor glacial et minimaliste, aux allures d’œuvre d’art contemporaine. En fond de scène, un mur en béton domine le plateau de son immensité grisâtre. Au premier plan, on distingue une table nue et deux chaises spartiates, minuscules au pied de la construction inhumaine. L’atmosphère crispante qui règne en ces lieux ne prête pas au dialogue… Et pourtant, ironie du sort, nous nous trouvons dans un parloir justement, dans un centre pénitentiaire. On entend l’écho des verrous et les talons qui résonnent dans le couloir. Deux femmes rentrent en scène. Une mère, la soixantaine, emprisonnée ici depuis quatre ans. Sa fille, la vingtaine, lui rendant visite. Elles ont moins d’une heure pour se donner des nouvelles (la durée normale d’un entretien dans un parloir). Doucement, les langues se délient. Et fatalement, les raisons de l’incarcération de la mère sont évoquées. Celle-ci a tué son mari, qui la battait. Au procès, elle n’a pas réussi, ou plutôt « préféré ne pas » se défendre ; trop difficile… Aujourd’hui, elle est en prison. Mais elle se sent plus libre. Elle a choisi d’assumer, à raison. Pour la première fois, elle en parle à sa fille, qui la comprend et a besoin de l’entendre. Pour se retrouver, elles retraceront la généalogie de l’horreur ordinaire.

C’est une pièce dont la réussite tient à l’intelligence de son dispositif. La metteure en scène Delphine Hecquet est en train d’inventer le récit de parloir, à mille lieues des fictions de procès balisés par les codes narratifs du genre. C’est la deuxième fois qu’elle l’expérimente. Son premier spectacle, Balakat, présenté au festival Impatience en 2015, retraçait la rencontre entre une détenue et une journaliste. Moins spectaculaire que le procès, le récit de parloir a le double mérite de traiter autrement les sujets abordés – en l’occurrence, la question des violences conjugales – en produisant un théâtre d’une grande délicatesse. Exit, les démonstrations judiciaires et les brillantes joutes oratoires. Place à la parole qui se libère à l’abri des regards, à la vérité des faits qui surgit sans faux-semblant, aux individus qui se reconstruisent en marge de la société. On assiste presque gênés à ce moment d’intimité dérobé. L’empathie avec ces personnages est immédiate. Derrière ses airs d’ado dans le vent, c’est une jeune fille d’une grande maturité qui questionne sa mère. Derrière son allure de détenue vieillie par l’incarcération, c’est femme d’une étonnante lucidité qui revient sur son couple.

L’écriture est un brin scolaire ; voilà le seul reproche que l’on pourrait faire à Delphine Hecquet. Pour imaginer cette confrontation, l’artiste s’est rigoureusement documentée. Résultat, tout y est crédible, de la présentation des institutions judiciaires aux mécanismes psychologiques à l’œuvre dans les rapports d’emprise. Mais, peut-être par excès de prudence, l’autrice traite de façon un peu didactique la violence conjugale qui s’impose comme un sujet de société surplombant la pièce ; c’est comme si Delphine Hecquet cherchait à dire tout ce qu’il y a à dire sur la question, là où l’on aurait aimé en savoir davantage sur les personnages, sur le décalage de leur perception de ce père (ou mari) brutal, sur la singularité de leur relation, sur leur vécu commun. Cette (petite) faiblesse est nettement compensée par le talent des comédiennes, remarquablement dirigées. Sur le plateau, Marie Bunel (la mère) et Mathilde Viseux (la fille) sont d’une pudeur exemplaire. L’écoute bienveillante dont elles font preuve pour surmonter cette tragédie, hélas banale, est une leçon d’intelligence et de sensibilité. Au Méta, le CDN de Poitiers, où nous avons découvert la pièce à l’occasion des rencontres de printemps, le besoin des spectateurs de débattre de ces enjeux était palpable.

Igor Hansen-Love – Sceneweb.fr

Parloir

Texte et mise en scène Delphine Hecquet

Avec Marie Bunel, Mathilde Viseux

Écriture chorégraphique Thierry Thieû Niang

Scénographie-costumes Tim Northam

Lumières Jérémie Papin

Son Martin Hennart

Composition musicale Matthieu Bloch, Martin Hennart

Contrebasse Matthieu Bloch

Assistanat mise en scène Aurélien Hamard-Padis

Régie générale Jean-Philippe Bocquet

Régie lumières David Ménard

Régie son Kevin Grin, Gilles Gauvin

Production Compagnie Magique-Circonstancielle, compagnie conventionnée par la Drac Nouvelle-Aquitaine

Durée : 1h15

Coproduction La Comédie- CDN de Reims, la Scène nationale de Bayonne Sud Aquitain, Le Méta- CDN de Poitiers Nouvelle-Aquitaine, L’OARA Office Artistique Région Nouvelle-Aquitaine avec le soutien de La Région Nouvelle-Aquitaine, le dispositif d’insertion de l’école du Théâtre National de Bretagne.

La Comédie de Reims, CDN de Reims
Du mardi 15 au vendredi 18 mars 2022

Espaces pluriels, Pau
Le mardi 29 mars 2022

18 mars 2022/par Igor Hansen-Løve
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Marie Bunel
Gwendal Le FlemUne Opérette de première classe
Phia Ménard crée Fiction Friction avec l'Ecole du TNB Nicolas JoubardFiction Friction : Phia Ménard à l’aube d’un monde nouveau
Les Évaporés fictifs de Delphine Hecquet
Les Suppliques du Birgit Ensemble Le Birgit Ensemble ravive la mémoire des juifs de France sous Vichy
Delphine Hecquet crée Requiem pour les vivants « Requiem pour les vivants », le deuil en commun
Simon Gosselin“Nos solitudes” en famille
Ctibor BachratyEncyclopédie de la parole Suite n°1 (redux) de Joris Lacoste
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut