Avec ONE SONG, l’artiste belge flamande recrée l’une de ses premières œuvres, Sportband / Afgetrainde Klanken. Une performance à mi-chemin entre le sport et la musique. Une œuvre d’une originalité folle qui fait l’ouverture de la saison du Rond-Point à Paris.
Place à l’une des créations les plus originales du festival d’Avignon 2022. Quelque chose d’étrange entre la danse, le concert de rock et le théâtre ; quelque chose qui passe par le sport pour évoquer le deuil d’un frère suicidé. On en sort les oreilles bourdonnantes, mais pleines de mélodies. On en sort le corps fatigué, mais délassé. On en sort ravi d’avoir tant ri, mais éprouvé par des émotions contradictoires. La créatrice s’appelle Miet Warlop. Elle est belge flamande. Formée aux arts visuels, elle invente depuis plus de quinze ans des pièces inclassables à l’humour absurde et burlesque.
Au départ, ONE SONG est une commande du théâtre NTGent. L’institution belge propose, depuis quelques années, à des artistes de différente nationalité de créer une œuvre pour synthétiser leur travail. La série s’appelle Histoire(s) de théâtre. Milo Rau, Faustin Linyekula, Angélica Liddell ont relevé le défi. En 2020, Miet Warlop l’a accepté. Elle s’est mise en tête de reprendre l’une de ses premières pièces, Sportband / Afgetrainde Klanken composée en 2005. À l’époque, la jeune femme venait de perdre son frère. Elle a inventé ce travail pour traiter la question du deuil avec des musiciens qui jouent de leur instrument de façon (très) sportive. ONE SONG est en quelque sorte sa recréation.
Le plateau ressemble à un gymnase. À droite, il y a des athlètes en short, concentrés sur une ligne de départ. Dans le fond, sur les gradins, un groupe de supporters. Juste à côté, une commentatrice d’un certain âge avec un mégaphone… Et surtout trois jambes dans un jogging. Tout autour, un cheerleader qui va s’en donner à cœur joie pour haranguer le public. Top départ. La violoniste prend place sur une poutre, entonne une rengaine populaire. Le contrebassiste s’allonge sur un matelas et fait des abdos, jouant ses premières notes ; graves, profondes, puissantes. Le batteur court de gauche à droite pour taper sur ses fûts. Et le chanteur, qui passera toute la pièce sur un tapis roulant, déclame une ritournelle en anglais. Quelques mots seulement, difficilement audibles, mais diablement entêtants.
Pour créer une note, chacun doit faire un effort ; tel est le concept. La musique, répétée à l’infini, n’est pas plus longue qu’un refrain. Le rythme varie, un peu. Les arrangements changent, légèrement. Mais pendant plus d’une heure, c’est bien la même suite de cinq accords que l’on entendra en boucle. Et il se passe quelque chose, évidemment. Les musiciens se battent, s’épuisent, tombent, se remettent en selle. Jamais ils n’abandonnent. C’est un effort sublimé par une pulsion vitale, qui est aussi beau à écouter que beau à voir. Miet Warlop nous raconte que l’expérience du deuil est sans cesse recommencée. Elle nous montre que rien n’est jamais gagné. Il faut se battre. S’éprouver toujours. Parce que nous n’avons d’autre choix. Au travers de la répétition, la douleur (parfois) cède à la transe qui cède à l’extase. Au terme de cette expérience unique, le public était debout. Ce soir-là, larmes et sueur se sont mêlées, pour notre plus grand bonheur.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
ONE SONG, Histoire(s) du théâtre IV
Conception, mise en scène et scénographie Miet Warlop
Avec Simon Beeckaert, Kris Auman, Elisabeth Klinck, Willem Lenaerts, Milan Schudel, Melvin Slabbinck, Joppe Tanghe, Karin Tanghe, Wietse Tanghe
Avec la participation de Imran Alam, Stanislas Bruynseels, Judith Engelen, Flora Van Canneyt
Musique Maarten Van Cauwenberghe
Texte Miet Warlop avec le conseil artistique de Jeroen Olyslaegers
Dramaturgie Giacomo Bisordi
Assistante à la dramaturgie Kaatje De Geest
Lumière Dennis Diels Son Bart Van Hoydonck
Costumes Carol PironProduction NTGent & Miet Warlop, Irene Wool vzw
Coproduction Festival d’Avignon, DE SINGEL (Anvers), Tandem Scène nationale (Arras Douai), Théâtre Dijon Bourgogne Centre dramatique national, HAU Hebbel am Ufer (Berlin), La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme – Ardèche, Teatre Lliure Barcelona
Avec le soutien du Gouvernement Flamand, La Ville de Gand, Tax Shelter du gouvernement fédéral de Belgique
Avec l’aide de Frans Brood productionsDurée : 1 heure
Théâtre du Rond-Point
du 12 septembre au 1 octobre 2023
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