Trois ans après Kanata, la troupe du Théâtre du Soleil retrouve les planches avec L’Île d’Or, une création collective en harmonie avec Hélène Cixous et dirigée par Ariane Mnouchkine. Repoussée à cause de la Covid-19, la pièce est l’un des évènements de cette rentrée automnale. Rencontre avec la metteuse en scène.
Cette Île d’or est une création très attendue, parce qu’elle aurait dû voir le jour l’année dernière. Et la pandémie a tout bousculé dans votre organisation.
Ça a bousculé tout le monde, pas seulement nous. Quand le confinement a été décrété le 17 mars 2020, nous allions commencer à répéter. Cela a été compliqué mais pas vraiment une catastrophe. Car maintenant, on joue.
Le spectacle est-il différent de ce qu’il aurait être en 2020 ?
Oui, tout le Monde s’est invité dans le spectacle. Quand on a commencé à imaginer ce spectacle de voyage autour du Japon, on ne savait pas du tout qu’un monstre allait déferler sur la Terre et éclairer beaucoup de choses d’une lumière différente des choses qui existaient déjà. La pandémie n’a rien inventé, elle a juste éclairé des choses qui étaient tapies dans l’ombre et que nous laissions dans l’ombre parce qu’elles sont peut être trop terribles à considérer. La pandémie a été comme une espèce de fusée éclairante. Le spectacle a été ébranlé et secoué par ce qui se passait, pas seulement par la pandémie, d’ailleurs. Peut-être par d’autres monstres ?
Le public attend ce spectacle avec une grande impatience. Vous sentez cette impatience ?
C’était ma grande inquiétude. Je me demandais si après deux ans, le public allait trouver les forces de cesser ses habitudes casanières. Il semblerait que oui. Les gens téléphonent. Ils ont la gentillesse de nous dire au téléphone qu’ils nous attendaient. Ces retrouvailles sont encourageantes, revigorantes et émouvantes.
La pandémie n’a pas coupé votre appétit pour le théâtre !
Non, il ne faut pas se croire invulnérable. Nous avons été atteints par cette pandémie mais il faut prendre sur soi pour en sortir et ne pas céder à cette crainte qu’on nous a inculquée et qui parfois était légitime. J’admire les gens qui, au lieu de rester devant leur télé, recommencent à sortir pour reprendre contact avec l’art, la musique, le théâtre, le cinéma. C’est à ce prix que la vie reprendra.
Où ce trouve cette Île d’Or ? Où allez-vous emmener les spectateurs ?
C’est une île, elle existe et elle est aussi imaginaire. Elle se situe quelque part dans les mers japonaises. Où est ce que l’on va emmener les spectateurs ? On va les emmener là où nous nous sommes transportés nous-mêmes : dans un cauchemar, une insomnie, un rêve. Quelque chose qui est de l’ordre à la fois du désir et de l’effroi et qui nous permet de réaliser des voyages nécessaires et impossibles, si impossibles dans la réalité. Il n’y a que le théâtre qui permet ces voyages profonds.
S’agit-il aussi d’un spectacle d’espoir ?
Oui, on n’est pas là pour briser l’espoir. Il y a des illusions qui sont nécessaires au théâtre. Stendhal disait : « Il faut quand même un peu d’illusion ». Mais l’espoir n’est pas une illusion. C’est une force. Il y a beaucoup d’espoir dans ce spectacle. Je crois à la force thérapeutique du théâtre. Je pense que ça doit faire du bien. Le théâtre, ça doit donner des forces, même au prix d’une lucidité parfois cruelle. Je pense que la catharsis, ça existe et que le public doit sortir du théâtre en se sentant mieux que lorsqu’il y entre. Il doit se sentir plus fort, plus confiant, bouleversé, ému. Quand on a cette chance d’aimer son métier comme nous l’aimons, le désespoir serait coupable. On n’est pas payé pour désespérer !
Cette Île d’Or est-elle aussi un hommage au théâtre ?
Cette Île d’Or est un hommage à tout. A tous les âges de la vie, à tous les gens qui nous ont enseigné quelque chose. C’est un hommage à tous nos maîtres japonais, indiens, ou occidentaux. Parfois, je regarde le spectacle, je me dis que c’est comme un rêve. Toutes les fées se sont penchées sur nos berceaux, toutes les fées, toutes les muses. On a beaucoup appelé nos muses.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Bravo le théâtre du Soleil !!!!
Hâte de venir me recharger comme à chaque fois …