Galin Stoev, le directeur du ThéâtredelaCité à Toulouse, met en scène un Ivanov à l’heure du Covid. Trop conceptuelle et artificielle, cette pièce signée par le dramaturge norvégien Fredrik Brattberg laisse de marbre.
Le constat s’impose : Ivanov n’aurait pas réussi son confinement. L’expérience était proposée par l’auteur Fredrik Brattberg et le metteur en scène Galin Stoev. Les deux artistes ont décidé de plonger le personnage tchékhovien – grand représentant de la sinistrose slave et porte-parole de tous les dépressifs du monde entier – dans notre sombre actualité covidée. Une épreuve, à la fois prévisible et inintéressante. Pour Ivanov et pour nous. Au fil de ces presque deux heures de théâtre, l’ennui – voire le malaise – pointe à tous les étages. Et en dépit de quelques propositions créatives à la mise en scène, cet IvanOff est un ratage dans les règles de l’art : une vraie fausse bonne idée.
Sur le papier, pourtant, le concept scénographique tient la route. Galin Stoev a choisi de représenter l’espace mental d’Ivanov, avec des cloisons blanches, un plancher immaculé et une lumière crue. Le spectateur est ainsi immergé dans la pathologie du protagoniste qui, comme dans la pièce de Tchekhov, est englué dans l’immobilisme. Le voilà incapable de s’occuper de sa femme malade, impuissant à la tête de son entreprise en faillite et inaudible devant ses ouvriers qui réclament leur paie. Au bout du rouleau, Ivanov « ne veut même plus vouloir » : il étouffe psychiquement. En fond de scène, deux portes laissent apercevoir un décor réaliste, le monde extérieur dans lequel il ne se rend jamais ; là où circule le virus…
Un virus que sa femme, Anna, a contracté. Il est question de l’isoler au premier étage, mais Ivanov ne fait rien. L’heure est au confinement. Lébédev, à qui Ivanov doit de l’argent, Sacha la fille de ce dernier, amoureuse de notre triste protagoniste, Lvov, le médecin de famille au chevet d’Anna, et « A », le gérant de la propriété, regrettent le monde d’avant, communiquent par messages pneumatisés, se réunissent parfois de façon clandestine pour fêter un anniversaire et tuent le temps devant leurs écrans, en jouant à un programme peuplé par leurs avatars numériques (très bien faits), manifestations de leur désir inconscient, qui forniquent maladroitement et mécaniquement, pour le plus grand plaisir des scolaires dans la salle.
Pour complexifier un peu plus l’affaire, l’auteur norvégien a choisi d’épouser complètement le point de vue d’Ivanov. Les scènes se répètent, comme un disque rayé (on a l’impression d’être chez David Lynch). La parole se tarit. Et c’est là, justement, que le concept se mord la queue. La déprime d’Ivanov, véritable trou noir psychique, fait tout disparaître à son contact, à commencer par les émotions. Trop abstrait, artificialisé par ce virus qui n’apporte rien et desservi par une écriture d’une grande pauvreté littéraire, ce spectacle laisse de marbre. On sauvera tout de même une belle séquence, quand Lvov danse un tango avec le corps inanimé d’Anna. Les abstractions lynchiennes, ici inopérantes, cèdent la place à la poésie de Tim Burton. Brève respiration salvatrice.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
IvanOff
Un projet de
Galin Stoev
De
Fredrik Brattberg
d’après Ivanov d’Anton Tchekhov
Traduction
Finn Wilhelm Mathiesen
Spectacle produit par le
ThéâtredelaCité
Avec
Yoann Blanc
Idir Chender
Sébastien Eveno – comédien permanent associé au projet de direction de la Comédie – CDN de Reims
Nicolas Gonzales,
Julie Julien,
Millaray Lobos García
Mise en scène
Galin Stoev
Scénographie
Alban Ho Van
Vidéo
Arié van Egmond
Lumières
Elsa Revol
Son et musique
Joan Cambon
Costumes
Nathalie Trouvé
Assistanat à la mise en scène
Virginie Ferrere
Réalisation du décor dans les
Ateliers de construction du ThéâtredelaCité
sous la direction de Michaël Labat
Réalisation des costumes dans les
Ateliers du ThéâtredelaCité
Production
ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; Fredrik Brattberg est représenté par L’Arche, agence théâtrale.Coproduction
La Comédie, centre dramatique national de Reims ; Théâtre de Liège ; DC&J CréationAvec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et de Inver Tax Shelter
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Durée : 1h40
9 novembre – 27 novembre 2021
ThéâtredelaCité, CDN de Toulouse9 décembre — 10 décembre 2021
Le Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées2 mars — 5 mars 2022
La Comédie, CDN de Reims15 mars — 17 mars 2022
La MC2, Scène nationale Grenoble
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