Le TNP fête en ce début de saison ses 101 ans. Un anniversaire décalé en raison de la pandémie de la Covid-19. Le Théâtre National Populaire est dirigé depuis le 1er janvier 2020 par Jean Bellorini. Il est arrivé pour fermer le théâtre en mars, le public de Villeurbanne n’a même pas pu encore voir Le jeu des ombres, créé à la Semaine d’Art à Avignon l’année dernière. Jeunesse, transmission, répertoire, troupe, sont les mots clefs de son projet au TNP pour les prochaines années.
Dans le cadre des festivités des 101 ans du TNP, vous allez présenter votre troupe éphémère au public du TNP, comment est-elle composée ?
C’est un groupe de jeunes gens âgés entre 12 et 20 ans qui représentent le théâtre de la joie, de la vie. J’aime que l’on confonde celui qui aime le théâtre et celui qui en fait son métier. J’aime que les amateurs soient traités et soient en responsabilité au même titre que des professionnels. Ce spectacle là s’appelle Et d’autres que moi continueront peut être mes songes qui est une citation de Firmin Gémier. On a eu la chance immense de pouvoir emprunter, grâce à la maison Jean-Vilar, une centaine de costumes. Ce sont les vrais costumes des comédiens de Jean Vilar avec leur nom gravé à l’intérieur de Jeanne Moreau, Georges Wilson, en passant par Gérard Philipe, Maria Casarès, Silvia Monfort et tant d’autres. Il ne s’agit pas de se prendre pour un acteur de Jean Vilar, mais c’est très émouvant de voir une jeune personne enfiler une manche, redonner de l’âme à ces costumes et dialoguer avec tous ces fantômes qui ont fait le Théâtre National Populaire depuis cent ans.
Le TNP est né en 1920, dans le 16e arrondissement, dans l’ancien Palais de Chaillot, mais très vite, Firmin Gémier décide de sortir le TNP des beaux quartiers pour jouer en banlieue. Souhaitez-vous aussi que votre TNP aille au devant du public ?
C’est exactement ça que l’on entend dans le spectacle avec cette parole portée par des jeunes gens qui disent ces mots là de Firmin Gémier. On a l’impression d’entendre des directeurs de théâtres actuels qui essayent d’imaginer quelles expériences ils pourraient avoir dans tel ou tel quartier où l’on ne va pas. Cette décentralisation de l’art et de la culture a été fondée à ce moment là. Elle était portée clairement encore plus fortement au moment part Jean Vilar à partir de 1951, grâce à Jeanne Laurent. Et c’est toujours finalement le fil rouge qui existe entre tous les directeurs du Théâtre National Populaire, mais au fond de n’importe quel directeur de théâtre public. La question du public est essentielle. Comment va-t-on chercher les gens qui, a priori, ne viennent pas sans nos salles ? L’endroit où je veux que le TNP soit dans les prochaines années, c’est l’endroit de l’adolescence, l’endroit où on se sent en construction. Je disais presque sous forme d’une provocation que le TNP d’aujourd’hui, il était déjà présent à Saint-Denis, au Théâtre Gérard Philipe. Je continue le même travail avec la même sincérité avec ces jeunes gens qui, a priori, ne savaient même pas que le théâtre existait. Et de là pourra renaître toute une chaîne et une construction d’un nouveau public qui ne sera pas artificiel. On va jouer partout, en maison d’arrêt, dans les lycées, dans les quartiers. Que le public soit réellement mélangé, c’est la seule définition convenable d’un théâtre populaire. Et pour avoir cette diversité, je crois que la troupe éphémère permet de mélanger les publics.
Le TNP, c’est aussi un répertoire. Quel répertoire imaginez-vous pour le TNP des prochaines années ?
J’aime les textes, j’aime les auteurs. Ce n’est pas pour rien que le premier spectacle que j’ai créé avec ma casquette de directeur du TNP est une commande d’écriture à Valère Novarina. Le TNP est le lieu des poètes, ceux d’hier et ceux de demain. Le répertoire, ça a toujours une connotation classique et vieillotte, mais le répertoire, c’est avant tout un répertoire de troupe. Un des objectifs et un des projets pour le théâtre, c’est de réenchanter le TNP avec une troupe pour ne plus faire de différenciation entre l’invitation à des grands artistes qui viendraient jouer le soir leurs grands spectacles et l’animation sur le territoire avec des sous-artistes qui viendraient tenter de partager la culture. Ce sont les mêmes artistes qui doivent être aux deux endroits. Quand on est dans une classe, le lendemain matin avec un acteur qu’on a vu la veille sur scène, on n’est pas touché de la même manière
Mais une troupe permanente cela coûte cher ?
C’est tout l’enjeu. Il faut se poser la question de la réinvention d’un modèle du Centre Dramatique National. Évidemment composer une troupe ne se limite pas à rassembler trois acteurs permanents. Il s’agit de réunir une vingtaine d’acteurs qui puissent, à l’égal de la Comédie-Française, avoir leur répertoire. C’est mon rêve. Je rêve d’une saison où l’automne soit axé vers la transmission et que l’on puisse jouer le répertoire. Puis au premier trimestre suivant faire de la création avec la troupe, puis le dernier trimestre partir en tournée avec la troupe et proposer les plateaux à Villeurbanne à d’autres artistes.
A quelle échéance souhaitez-vous mettre cette troupe en place ?
Cela va évidemment dépendre des financements et des engagements politiques. Mais c’est ce que j’ai dans la tête pour les trois, quatre années à venir, ce sera pour le mandat suivant !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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