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Au Studio-Théâtre, un vénéneux Music-hall

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Glysleïn Lefever monte Music-hall de Lagarce au Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Glysleïn Lefever monte Music-hall de Lagarce au Studio-Théâtre de la Comédie-Française

Photo Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

Avec intelligence et doigté, la chorégraphe et metteuse en scène Glysleïn Lefever donne à cette pièce de Jean-Luc Lagarce, aussi troublante que sublime, toute l’épaisseur qui lui revient.

Dans le petit monde de Music-hall, La Fille a des airs de Sisyphe. Tel le fondateur de Corinthe poussant éternellement son rocher, elle remet, chaque soir, son art sur le métier, de lieu en lieu, de ville en ville. On devine bien vite que la revue qu’elle mène n’a plus son lustre d’antan – mais l’a-t-elle déjà eu ? –, que les spectateurs sont de moins en moins nombreux, que les salles sont de plus en plus miteuses, à l’image de celle de Montargis, « le trou du cul du cul de la fin du monde », écrit Lagarce. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer les efforts d’adaptation de mise en scène qu’elle est obligée, en compagnie de ses deux « boys », de déployer, histoire de pallier ici l’étroitesse de la scène, là l’absence de magnétophone, ou encore, et de façon plus dramatique, le manque d’un simple et pauvre tabouret. Pourtant, « dans le halo du projecteur […] j’oubliais tout et c’était parti », résume-t-elle. Une sorte de « show must go on » à l’ancienne.

Et elle est là toute la beauté de cette pièce de Jean-Luc Lagarce, dans cette façon de croquer ceux qui doivent continuer à jouer pour ne pas risquer d’en mourir, ceux qui montent encore, et encore, et toujours sur scène pour assouvir leur désir de créer, malgré les « goguenards » et « le trou noir où il n’y a personne ». La lecture de l’oeuvre pourrait d’ailleurs s’arrêter là, dans ce portrait un brin nostalgique d’une diva sur le déclin, comme en témoignent les paroles de De temps en temps de Joséphine Baker – « Ne me dis pas que tu m’adores / Embrasse-moi de temps en temps » – qui reviennent telle une ritournelle entêtante. Sauf que, dans la version qu’elle en livre au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Glysleïn Lefever va plus loin. Consciente que, comme souvent chez Lagarce, les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent, elle donne, avec intelligence, à ce Music-hall toute l’épaisseur qui lui revient.

D’entrée de jeu, la scénographie de Chloé Bellemère pose un cadre pour le moins ambigu. Lieu d’un cabaret sans paillettes, le plateau, cintré d’un immense voile blanc, pourrait tout aussi bien ressembler à une chambre d’hôpital où une patiente en pleine démence divague, sous le regard mi-amusé, mi-désespéré de deux aide-soignants, blouses sombres et baskets blanches. Façon pour la metteuse en scène de jeter un trouble sur la réalité des souvenirs évoqués et sur l’état mental de La Fille qui n’est peut-être, après tout, que l’ectoplasme artistique d’une femme qui rejoue sa vie quand en arrive le soir. Ainsi transformée, la pièce en vient à flirter avec la mort, avec cette danse au bord du précipice si chère à son auteur, qui avait écrit Music-hall presque d’un souffle – une prouesse pour lui – alors qu’il venait d’apprendre sa séropositivité et que sa carrière de dramaturge – on peine à le croire aujourd’hui – tardait à décoller.

Chorégraphe autant que metteuse en scène, Glysleïn Lefever s’appuie aussi, au-delà des musiques originales composées par Sylvain Jacques, sur la musicalité de la langue de Lagarce pour construire plusieurs morceaux d’un envoûtant ballet où La Fille et ses « boys » deviennent les pantins de puissances, intrinsèques et extrinsèques, qui semblent, parfois, s’arroger les pleins pouvoirs. A ce badinage vénéneux avec une étrangeté certaine, François Gillard, Gaël Kamilindi et Yoann Gasiorowski donnent la force et la malice nécessaires. Dans ce triangle amoureux, et artistique, à sens ô combien multiples, la comédienne s’impose en maîtresse-femme, à la fois dévorante et dévorée, dominatrice et soumise, attachante et haïssable, quand le tandem masculin fait office, pour elle, d’indispensable tuteur et d’essentiel passeur, capable d’entrer dans son jeu et dans la danse pour lui faire accepter l’inéluctable issue. Car il faut bien un jour ou l’autre, et malgré tout, se résoudre, un soir, à tirer définitivement sa révérence.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Music-hall
de Jean-Luc Lagarce
Mise en scène Glysleïn Lefever
Avec Françoise Gillard, Gaël Kamilindi, Yoann Gasiorowski et la voix d’Hervé Pierre
Scénographie Chloé Bellemère de l’académie de la Comédie-Française

Costumes Laurent Mercier
Lumières Pascal Laajili
Musiques originales et son Sylvain Jacques
Collaboration artistique Anne Poirier-Busson
Assistanat à la mise en scène Leah Lapiower de l’académie de la Comédie-Française
Assistanat à la chorégraphie Rafael Linares Torres

Durée : 1h10

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Paris
du 17 décembre au 9 janvier 2022

8 juin 2021/par Vincent Bouquet
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