La tournée de _jeanne_ dark_ s’est arrêtée, mais Marion Siefert propose une version numérique de son spectacle les 18, 19 et 20 novembre à 20h30 sur Instagram. Pour cela il vous suffit de vous connecter ou de créer votre compte et de vous abonner au compte @_jeanne_dark_. Cette performance en solo interprétée par Helena de Laurens sera, pour bien des raisons, un spectacle essentiel de cette saison.
Décidément, Marion Siefert donne un sacré coup de jeune au théâtre. Après Le Grand Sommeil qui l’a révélée à la profession, et Du sale, duo pour une rappeuse et une danseuse qui s’est produit à Aubervilliers, c’est encore sur la scène de la Commune, où elle est artiste associée que son _jeanne_ dark_ ouvre grand les portes du spectacle vivant, y fait entrer une sacrée bouffée d’air frais en même temps qu’une tonne de talent.
Récit d’inspiration largement autobiographique, ce _jeanne_ dark_ n’a pourtant rien de très original à première vue. Marion Siefert y a transposé son vécu d’ado dans celui d’une jeune fille d’aujourd’hui, avec qui se rejouent les problèmes de toujours de cette période de transition. Manque de confiance en soi, difficultés de socialisation et premiers assauts de libido dont on ne sait quoi faire minent son personnage, tellement bien interprété – on y reviendra – par Helena de Laurens. Plus précisément, Jeanne souffre donc d’avoir ‘une mère paniquarde qui ne la laisse pas respirer, un père absent qui fait toujours celui qui gère et une petite sœur qui, un bel été, passe de boloss à Belle Gosse et vit dans la foulée sa première expérience sexuelle. Le tout dans un milieu catholique orléanais, entre soirées de l’aumônerie et confessions avec un prêtre cauchemardesque qui ne font rien pour l’aider à s’accepter dans cette période perturbée.
« Je suis trop tebê », « je suis en train de rater ma vie », « j’ai le profil d’un perroquet ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette Jeanne ne s’épargne pas, ne s’aime pas, et ne cherche pas à le cacher. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une session live sur Instagram – une vidéo en direct qu’elle diffuse sur le réseau social depuis sa chambre – qu’elle déballe son sac. Et c’est ainsi qu’entre en scène le personnage principal du spectacle, le portable de Jeanne.
Dans la mise en scène de Marion Siefert, c’est en effet comme si le spectateur de théâtre n’existait pas. La pièce est retransmise en direct sur Instagram, et deux grands panneaux qui encadrent la scène retransmettent ce live en direct – commentaires des followers inclus – et happent rapidement le regard. Longs cheveux filasses, « plats » dit-elle, et lunettes de polar, Helena de Laurens, qui interprète donc Jeanne, garde tout du long le téléphone en main, ou fixé à un pied, ou à une perche à selfie, et joue avec les gros plans pour composer un personnage qu’elle enlaidit avec un plaisir certain, à coup de grimaces, de gros plans et autres contre-plongées peu flatteuses qui lui remontent dans les narines. Commencé en mode confession réaliste, le spectacle se ménage par ailleurs des échappées musicales mémorables, se termine en un chorégraphie d’une grande beauté, et passe par une hilarante métamorphose en guerrière bimbo à coup de filtresInsta et de gant de fer.
On ne dira pas tout tant il y aurait à dire. Le langage d’aujourd’hui, les réseaux sociaux, le narcissisme contemporain et l’intimité exhibée, le porno, et le théâtre dans tout ça, l’adolescence, le catholicisme, le burlesque, les commentaires en direct, la scéno, les smileys, la beauté, la violence et cette colère finale du personnage qui pourrait dissuader bien des parents de ne plus jamais rien dire à leurs enfants… La performance est longue et l’on a envie qu’elle ne s’arrête jamais, celle d’Helena de Laurens n’en est que plus remarquable. Sans cesse l’esprit saute d’une réflexion à l’autre tant cette forme par son audace et son originalité ouvre de portes. Si son modèle moyenâgeux entendait des voix, le spectacle de Marion Siefert lui en ouvre de multiples. L’avenir est là, sans nul doute. Passez le voir du côté d’Aubervilliers et ensuite en tournée en France tout au long de la saison.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
_jeanne_dark_
Marion Siéfert
Conception, écriture et mise en scène
Marion Siéfert
Collaboration artistique,
chorégraphie et performance
Helena de Laurens
Collaboration artistique
Matthieu BareyreDurée: 1h30
17 & 18.09.2020 La rose des vents, SNLM Villeneuve d’Ascq – Avant-Première
02 > 18.10.2020 La Commune CDN Aubervilliers
12.11.2020 l’Empreinte Scène nationale Brive-Tulle
18 & 19.11.2020 TNG – Lyon
24 & 25.11.2020 Théâtre d’Arles
16 & 17.12.2020 Espaces Pluriels – Pau
05 > 07.01.2021 Théâtre Sorano – Toulouse
14 & 15.01.2021 TANDEM Douai-Arras
11 & 12.02.2021 CNDC – Angers
13.03.2021 Le POC, Alfortville
18 > 26.03.2021 TNB – Rennes
30.03 & 01.04.2021 Le Maillon – Strasbourg
08 > 12.04.2021 T2G – Gennevilliers
18 > 21.05.2021 Théâtre Olympia – Tours
26 > 28.05.2021 CDN d’Orléans
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