Au Théâtre du Petit Saint-Martin, Charly Fournier signe une comédie dramatique à sketches qui, à force de rester au milieu du gué, en devient fade.
Hub City, Texas. Dans la chambre 237 d’un motel pour le moins miteux, un homme a décidé de mettre fin à ses jours. Pour y parvenir, il n’a pas lésiné sur les moyens. Alors qu’à la radio le Président des Etats-Unis fraîchement élu prononce son discours de victoire, il se passe une corde autour du cou et empoigne non pas un, mais deux pistolets qu’il retourne contre lui d’une main tremblante. Soudain, Nancy, la femme de chambre, surgit, surprend le désespéré qui trébuche et se pend, à son corps défendant. Le ton de la comédie dramatique, ou du drame comique, orchestrée par Charly Fournier est alors donné.
En tout, pas moins de seize personnages vont se succéder dans cette modeste bicoque qui va leur servir de refuge, mais aussi de tombeau. Des policiers pieds nickelés et/ou serial killers aux ravisseurs de la PDG des abattoirs du coin, du couple de désespérés qui veut rejoindre le Canada à la victime d’un feu d’artifice, tous vont perdre la vie ou, sans toujours le vouloir, l’ôter et transformer la chambre 237 en drôle de charnier. Sortis, pour la plupart, de nulle part, ils sont simplement unis par ce lieu pousse-au-crime, mais aussi par ce manque cruel d’intelligence qui fait d’eux une belle bande de ratés.
Plutôt que de lier leurs destins par une histoire en bonne et due forme, Charly Fournier a fait le pari de la pièce à sketches. Menée avec un sens du rythme certain et un goût affirmé pour la parodie – de séries ou de films américains –, elle se révèle rapidement très inégale. A force de rester au milieu du gué, de ne pas pousser les feux de la satire, voire de l’absurde, de ne pas chercher à sculpter des personnages un brin trop superficiels, le spectacle s’enlise dans un tiède entre-deux, ni franchement hilarant, ni totalement tragique. Sans profondeur sociale ou politique, l’ensemble manque d’une direction et d’intentions claires, capables d’en montrer l’intérêt au-delà du pur exercice de style.
Aux commandes de ce substrat textuel en dents de scie, les quatre jeunes comédiens s’en sortent toutefois avec les honneurs. Malgré une direction d’acteurs au registre univoque, qui se contente d’un jeu parodique tout sauf novateur, ils parviennent à donner du relief à la kyrielle de personnages qu’ils incarnent. Tantôt patronne diabolique et femme de chambre plus sotte que la moyenne, Mathilde Charbonneaux – qui avait déjà fait des étincelles dans le récent Huis clos de Jean-Louis Benoit – tire notamment son épingle du jeu, tout comme Manika Auxire. Las, il en faudra davantage pour offrir ce à ce Motel le lustre tragi-comique qu’il prétend détenir.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Motel, a drama-comedy series
Texte et mise en scène Charly Fournier
Avec Manika Auxire, Mathilde Charbonneaux, Bastien Chevrot et Stanislas Perrin
Assistant à la mise en scène Ludovic Lacroix
Scénographie Suzanne Barbaud
Costumes Léa Emonet
Lumière Vivien Niderkorn
Son Jonathan Martin
Vidéo Yoann DespréDurée : 1 heure
Théâtre du Petit Saint-Martin, Paris
du 10 février au 15 mars 2020
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