De ses débuts dans les années 70 avec Patrice Chéreau dans Richard II, Hugues Quester n’a jamais quitté les planches. Depuis plusieurs saisons, il fait partie de la troupe du Théâtre de la Ville dirigée par Emmanuel Demarcy-Mota. Cette semaine, il est sur scène dans Fantômes de Philippe Minyana avec Laurent Charpentier. L’occasion de se plonger avec cet immense comédien, dans ses soirs de premières, et dans ses souvenirs de théâtre où l’on croise Yves Saint-Laurent, Marie Casarès et bien sur Patrice Chéreau.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui j’ai le trac particulièrement les soirs de 1ère, mais je descends sur le plateau 5 minutes avant le début du spectacle, j’essaie de rester impénétrable pour mes partenaires, car je ressens leur trac et la nervosité générale,si j’ai les mains froides c’est bon signe, si elles sont moites, j’utilise un mouchoir, et j’essaie de ralentir les battements de mon cœur .
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Autrefois les metteurs en scènes laissaient libre les comédiens au moins l’après-midi de la 1ère, cela permettait de reprendre son souffle et de prendre le temps de se préparer, se maquiller calmement, sur une peau en sueur le maquillage à tendance à couler, à moins adhérer à la peau . Avec Emmanuel Demarcy-Mota les répétitions peuvent durer jusqu’à presque l’entrée en scène. C’est une méthode. personnellement je lui ai toujours demandé d’être libre au moins 2h avant le début de la représentation. C’est une très belle rencontre, nous nous comprenons.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Si j’ai des chaussures à lacets j’ai tendance à desserrer et resserrer sans cesse les boucles. mon pied ne doit pas être trop serré car il est comprimé ni trop lâche dans la chaussure car la démarche est moins sûre.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
C’était au fur et à mesure de mon évolution dans le cours d’art dramatique, cela devenait irrépressible obsessionnel et puis le professeur Guy Kayat croyait en moi il me confortait après un enfance chaotique.
Premier bide ?
Le 1er Bide ce fût à la réouverture du Théâtre de L’Athénée par Pierre Bergé dans des décors et des costumes de Yves St Laurent pour « L’Aigle à Deux têtes » Jean Cocteau. Une incursion dans le privé catastrophique. Ingrid Caven ma partenaire est partie et m’a conseillé de le faire à cause de l’incapacité du metteur en Scène, sous l’influence de Pierre Bergé. (Il s’agissait de Jean-Pierre Dusseaux – ndlr). Je suis resté pour mon malheur, Yves St Laurent était charmant mais sans conseils du metteur en scène, que faire !!! Geneviève Page a courageusement repris le rôle d’Ingrid dix jours avant la première mais nous allions à la catastrophe. Quelques heures avant le lever de rideau je suis passé par la cour du Théâtre Edouard VII, j’ai vu les limousines avec chauffeur, les robes du soir, les smokings. Dès le début du spectacle ce fut la curée.
Première ovation ?
C’était à Avignon dans la Cour d’Honneur pour « Early-Morning » d’Edward Bond en 1970. J’avais passé une dizaine de jours d’audition à Chaillot, Georges Wilson me disait « peut-être » car tous les jeunes loups affamés de Paris passaient par là. Un jour j’ai entendu un cri, une coulée de lave ! C’était Maria Casares clamer : « Ça suffit de torturer ce môme !!! ». Gérard Lorain m’a fait savoir dans la nuit que j’avais le rôle. Beaucoup de metteurs en scènes étaient présent à Avignon, Claude Régy m’a engagé aussitôt.
Premier fou rire ?
Le fou rire je l’attends encore il parait que c’est nerveusement incontrôlable.
Premières larmes en tant que spectateur ?
« Quand passent les cigognes » de Mikael Kalotozof. C’était à la télé, j’avais 14 ou 15 ans et des voisins invitaient le jeudi après midi les enfants de l’immeuble et le soir j’avais eu le droit de rester pour ce film en regagnant mon logement par les caves. Je suis resté bouleversé, incapable de rentrer.
Premier coup de coeur ?
Maria Casares toujours et sans cesse dans mon cœur.
Première interview ?
Une interview ratée, celle avec José Artur qui m’avait invité au « Pop Club » après « L’Aigle à Deux têtes », j’avais si honte que je ne m’y suis pas rendu !!!
Première fois sur scène avec une idole ?
Roger Blin m’avait remarqué au cours à Malakoff, il m’avait dit « Tu viendras me voir à Paris ». Plus tard, j’ai vu son nom sur une colonne Morris « Fin de Partie » de Samuel Beckett. J’ai toqué à la porte de sa loge, il m’a reconnu et salué. Il y avait Arthur Adamov et Pierre Prévert. Nous avons descendu la rue Blanche, il parlait peu et reprenait son souffle. Avenue de l’Opéra il m’a offert une bière. Quelque temps après il a fait le lien avec Patrice Chéreau.
Merci à Stéphane Capron pour la précision de ses questions . Hugues Quester
Merci Hugues pour la qualité de vos réponses.
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