Au TNP à Villeurbanne, Baptiste Guiton met en scène Dunsinane, pièce contemporaine de David Greig offrant une suite sans éclat à Macbeth de Shakespeare.
Dans Dunsinane, pièce écrite par David Greig en 2010 – auteur dramatique écossais dont le jeune metteur en scène Baptiste Guiton a déjà monté Lune jaune en 2014 –, l’histoire reprend là où Shakespeare l’a laissée. Lorsque la tragédie shakespearienne se termine, Macbeth, devenu roi d’Écosse après avoir assassiné le roi Duncan – sur les conseils de son épouse Lady Macbeth – meurt retranché dans le château de Dunsinane. Sa femme Lady Macbeth s’est quant à elle suicidée et Malcolm, fils aîné de Duncan, s’apprête à être sacré roi.
Dunsinane débute ainsi avec la bataille faisant tomber le tyran Macbeth. Sauf que contrairement à la pièce de Shakespeare, Lady Macbeth n’est pas morte. Ayant repris son nom, Gruach, la reine entend bien faire monter sur le trône son fils Lulach, dont l’on apprend dès les premiers dialogues l’existence. La pièce déroule ainsi les luttes intestines au plus haut sommet de l’État et leurs conséquences pour le peuple écossais, Gruach refusant que Malcolm – plus lâche et débauché que moral – prenne le pouvoir ; ainsi que les tentatives de conciliation du général des forces anglaises Siward. Mais Dunsinane, tout comme la pièce dont elle prend la suite, est bien une tragédie et Siward, loin de rétablir la paix, participera lui-même à la perpétuation de massacres.
Baptiste Guiton revendiquant avec sa compagnie L’Exalté une mise en scène apte à nous parler de notre monde contemporain, le spectacle se déplie sans faire référence dans ses artifices à une époque historique précise. Ainsi, c’est dans une architecture de métal dont les formes évoquent autant une forteresse médiévale par ses voûtes romanes qu’une colline escarpée, que les personnages évoluent. Ce dispositif signalant de manière stylisée Dunsinane et ses alentours ne cesse d’évoluer, ce mouvement perpétuel renvoyant à la période troublée comme aux passages d’un lieu à l’autre. L’atmosphère plombée par les morts et les multiples sursauts politiques se retrouve, elle, dans la création lumières – dominée par l’obscurité – comme dans les costumes aux tonalités sombres – à l’exception des manteaux clairs de Malcolm. La musique, quant à elle, illustre benoîtement par sa partition contemporaine les tempéraments et les actions de chaque scène.
Force est de reconnaître le sérieux du travail mené par Baptiste Guiton (artiste associé au TNP) et son équipe, comme la bonne volonté des treize comédiens – interprétant à eux tous quarante personnages. Néanmoins face à ce Dunsinane il est difficile de ne pas éprouver une certaine pesanteur. Celle-ci est liée pour partie au texte de David Greig : appuyée dans sa morale, sa façon de vouloir dénoncer la tyrannie, les troubles politique (renvoyant possiblement aux guerres d’Irak et d’Afghanistan), de rappeler que les soldats ne sont souvent que des enfants, la pièce insiste lourdement également sur l’itinéraire de Siward – ce général dont tout le monde loue la bonté, et qui cède lui-même à la violence autoritaire. Mais la pesanteur provient, aussi, de la mise en scène elle-même. À trop vouloir suivre le chemin dessiné par Greig, Baptiste Guiton offre un spectacle univoque aux personnages sans complexité ni profondeur – parfois à la limite de la caricature par leur jeu empreint d’emphase. Du classicisme rigoureux l’on bascule dans l’académisme, faisant de Dunsinane un objet un brin trop désuet, dans son propos comme dans ses artifices.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Dunsinane
d’après Macbeth / de David Greig / traduction Pascale Drouet / mise en scène Baptiste Guiton
avec Logan De Carvalho, Gabriel Dufay, Luca Fiorello, Pierre Germain, Tommy Luminet, Vincent Portal, Clara Simpsonscénographie Quentin Lugnier
lumières Sébastien Marc
création sonore Sébastien Quencez
costumes Aude Desigauxproduction L’Exalté – Cie Baptiste Guiton
coproduction Théâtre National Populaire, La Machinerie – Théâtre de Vénissieux
soutien Arts en Scène, Centre lyonnais des arts vivantsBaptiste Guiton est membre du Cercle de formation et de transmission du TNP
L’auteur est représenté par MCR, Marie‑Cécile Renauld, 11 rue le Regrattier, 75004 Paris, en accord avec Casarotto UK.
Le texte est édité aux PUM (Presses Universitaires du Midi).
Durée : 2h15 — Résidence de création
TNP Villeurbanne
Petit théâtre, salle Jean-Bouise
23 janvier – 8 février 2020
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