Une action féministe lors de la présentation de saison au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Lundi soir lors de la présentation de saison 19/20 du Théâtre des Quartiers d’Ivry, quatre femmes sont montées sur scène en brandissant ce slogan: « Quand c’est non c’est non ! ». Cette action fait suite au malaise qui entoure le théâtre depuis la prise de fonction de Jean-Pierre Baro, le 1er janvier.
- Cet été, les salariés avaient alerté dans une communiqué les tutelles après la révélation d’un plainte pour viol à l’encontre de leur directeur classée sans suite par le parquet de Paris. Plusieurs artistes avaient décidé de renoncer à la participation pour la saison qui débute. Plusieurs réunions se sont déroulées fin juillet entre les tutelles pour évoquer la situation du théâtre, mais aucun interlocuteur contacté n’a souhaité dévoiler le contenu de ces réunions. Le collectif qui est intervenu lundi soir demande dans un communiqué que nous reproduisons ci-dessous aux tutelles « de se prononcer au plus vite en soutien des victimes, par le retrait du directeur du théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre dramatique National. » L’action est anonyme et a été revendiquée par « un collectif de féministes ». Présent lundi soir dans la salle, une consœur du Parisien explique que le maire communiste Philippe Bouyssou « a (…) refusé de trancher entre « un soutien sans réserve à la présomption d’innocence et le respect de la parole des femmes que l’on ne peut mettre en cause » : « La souffrance de tout le monde doit être entendue ». Philippe Bouyssou nous a par ailleurs transmis son discours que nous reproduisons sous forme de tribune. Interrogé également par Le Parisien, Jean-Pierre Baro s’est dit « atteint personnellement ».
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Communiqué de presse
QUAND C’EST NON, C’EST NON !
Jean-Pierre Baro est mis en cause par trois femmes pour viol ou agression sexuelle. L’une de ces femmes a porté plainte contre lui, cette plainte a été classée sans suite.
Statistiquement seules 13% des femmes se déclarant victimes de viol portent plaintes. 76% de ces plaintes seront classées sans suite, c’est-à-dire qu’elles resteront au stade de l’enquête préliminaire de police sans qu’aucune information judiciaire ne soit ouverte : elles ne seront pas jugées. Cela signifie donc que 97% des femmes qui se déclarent victimes de viol ne verront pas la justice traiter le crime qu’elles ont subi. Soit qu’elles ne portent pas plainte, soit qu’aucune suite judiciaire n’est donnée à la plainte qu’elles déposent auprès de la police.
Ainsi, dans l’immense majorité des cas en matière de violence sexuelle, la justice ne rend pas justice.
Ces crimes restent non seulement impunis mais surtout hors du champ judiciaire. Non régulés par les instances de la société. Voués à se renouveler indéfiniment. Rappelons qu’en France, 94000 femmes majeures se déclarent victimes de viols et/ou de tentatives de viol chaque année. 94000.
Aujourd’hui, qui peut se satisfaire d’une justice incapable de protéger les femmes ? En attendant une réforme urgente du système judiciaire sur les questions des violences sexuelles, comment écarter la responsabilité de chacun dans la société ?
Chronique non-exhaustive des affaires de violences sexuelles et sexistes classées sans suite ou déboutées par la justice parues par voie de presse au cours de la dernière saison dans le spectacle vivant : Jan Fabre (Les Inrocks, 14 septembre 2018), Charles Dutoit à l’Orchestre National de France (Le Figaro, 1er février 2019), Centre de danse contemporaine d’Angers (Mediapart, 26 mars 2019), Michel Didym (L’Est Républicain, 2 février 2019)… Le silence qui entoure et protège ces faits, témoigne d’une culture du viol et d’un écosystème sexiste où la culture ne fait pas « exception ».
Entre les bienfaits de la libération de la parole et l’injonction de ne pas tomber dans les travers de la délation, le milieu du spectacle se mure dans le silence et le déni. Le monde du spectacle vivant doit avoir le courage d’abandonner sa complaisance et de soutenir les personnes, plaignantes et non-plaignantes, qui se déclarent victimes de Jean-Pierre Baro.
Au théâtre des Quartiers d’Ivry, depuis le printemps, des artistes associé.e.s se sont désengagés, deux équipes artistiques se sont retirées de la programmation, une autre a annulé une résidence, des partenaires territoriaux et culturels se sont retirés, 15 000 plaquettes sont parties au pilon, des retards ont été pris sur la communication et les salarié.e.s ont exprimé leur malaise dans un communiqué.
Les salarié.e.s ont alerté leurs tutelles, et notamment la Mairie, sur les graves et nombreux dysfonctionnements qu’entraîne cette “affaire” dans la bonne marche de la maison. Ce n’est pas un conflit social mais un cas de conscience.
Nous demandons l’application d’un principe de précaution et notamment le retrait du directeur en cas de mise en cause nuisant au bon fonctionnement d’un établissement public – et pour ce faire, l’intégration dans les conventions d’objectifs des lieux labellisés par le Ministère de la Culture d’une clause dans ce sens.
Il ne s’agit pas de se substituer à la justice ni de jeter l’opprobre sur un homme, mais de permettre le maintien d’un équipement public en bon ordre de marche.
Nous demandons à Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture, Monsieur Philippe Bouysson, Maire d’Ivry et Monsieur Christian Favier, Président du Conseil départemental du Val-de-Marne, de mettre en acte la Grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes lancée par notre Président de la République en 2017 et de se prononcer au plus vite en soutien des victimes, par le retrait du directeur du théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre dramatique National.
Communiqué du collectif de féministes .
Et pourquoi vos actions ne se concentrent elles pas en province ??? Les victimes présumées dans l’est de la France ne méritent elles pas aussi votre attention ???
Bonjour Égalité,
Nous ne savons pas de quelles histoire dans l’Est vous parlez exactement. Nous sommes sur plusieurs affaires mais avons besoin de toutes et tous pour les mettre à jour. Ce serait formidable si vous pouviez nous écrire en privé à cette adresse : quandcestnoncestnon@gmail.com
Des amies
Que d’histoires douloureuses…
Je ne comprends pas vraiment cette action à laquelle j’étais présente et qui a été huée. Il me semble que Claire (pour reprendre le nom utilisé par Jean Pierre Thibaudat) a fait une mise au point sur sa page Facebook, il est écrit (je reprends ses écrits) : « Je tiens donc ici à rétablir ma pensée, qui une fois coupée et montée hors du contexte de cette longue conversation dit, ou sous-entend, tout autre chose que ce que je souhaitais ».
Pour moi qui suis une dame de 68 ans, je trouve que l’utilisation faite par le « collectif de féministes » (au fait comment s’appellent-elles ?) des souffrances de certaines femmes est pour le moins nauséabonde. Cela a pour moi des relents que j’ai du mal à qualifier mais qui ne me sont pas agréables ; qui veut se débarrasser de son chien dit qu’il a la rage.
Je vous invite fortement à aller lire la lettre de « Claire » sur la page Claire Metoo Théâtre Français.
Agnieszka