Plein les yeux. L’univers visuel du Munstrum Théâtre est véritablement extraordinaire et fait la force d’un spectacle dystopique centré sur le rapport à l’autre et à notre multitude intérieure. Entre fable, anticipation, B.D et cinéma, Zypher Z est une proposition impressionnante et parfois décousue.
La Fontaine, Star Wars, Alien, Orwell et sa ferme des animaux, mais aussi Cabrel, Duras ou Elton John, c’est fou ce que défilent de références sur le plateau de Zypher Z. Le mérite en revient à un univers foisonnant qui ne se la joue pas snob, à une compagnie qui affirme haut et fort vouloir mélanger le bon et le mauvais goût. Après le grand succès de 40° sous zéro, inspiré par Copi, Louis Arène et Lionel Lingelser, fondateurs du Munstrum Théâtre ont notamment fait appel à Kevin Keiss, côté texte, et Carole Allemand – ex collaboratrice des Guignols de l’info – côté masques et costumes, pour enrichir leur travail.
Pas de texte préexistant cette fois, mais une narration qui s’est développée en aller-retour avec le plateau où s’élaboraient de nouvelles opportunités visuelles. Cela se sent pour le meilleur et le moins bon. Le meilleur : une liberté folle, une créativité foisonnante, des tours de force scéniques comme l’excroissance d’un alien sous la peau d’un personnage ou un tableau final – entre Rambert et Castellucci – dans lequel la vermine humaine grouille dans son informe mélasse originelle, ou finale… Le moins bon : quelques longueurs et une narration décousue, un spectacle où la volonté de donner à voir l’emporte parfois sur la nécessité dramaturgique.
La planète des singes pour commencer : nous voilà projetés dans un monde où l’humain a perdu son rang d’animal dominant. Zypher est employé dans un institut de sondages présidée par Eglantine, éléphante aux défécations volumineuses qui aime bien qu’on lui touche la trompe. Humain maltraité comme tous ses congénères relégués tout en bas de l’échelle sociale, juste au-dessus des robots qui d’ailleurs disparaissent en nombre, il lui pousse dans le dos un double, un jumeau – « ni ton frère, ni ton fils mais ton pareil » – qui va, lui, réussir à se faire sa place au sommet de l’entreprise (et l’on pense à Gogol).
Toute la première partie du spectacle raconte ce renversement de situation, l’ascension de Z jusqu’à éliminer celle qui l’a intronisé et qu’il a transformée en candidate favorite de l’élection présidentielle. Avant que l’on ne bascule dans un monde souterrain avec les robots disparus que l’on retrouve dans une sorte de boîte de nuit où s’exprime drôlement le besoin d’art de ces machines immortelles. Puis qu’on ne remonte à la surface pour un épilogue où Zypher et Z doivent régler leurs comptes sur fond de tableaux métaphysiques. L’occasion de revenir sur cette multitude essentielle qui nous constitue et que l’on a tendance à réduire à l’un pour se forger une identité.
Entre tableaux métaphoriques, satire de la politique, échos du racisme contemporain et scènes de comédie animale avec un dégoûtant employé phacochère ou un chien détective qui ne résiste pas à jouer à la baballe, on peut être parfois désorienté et le spectacle peine à installer un rythme et un ton. Mais sa note dominante, on le comprend petit à petit, est certainement celle de la liberté. La liberté de verser dans la blague facile et de s’aventurer la scène d’après dans un propos plus abstrait. La liberté d’alterner saynète en mode sitcom avec tour de force visuel ou scène chantée à la beauté stupéfiante. « Accueille le multiple en toi » énonce la voix off de Judith Chemla. Cela vaut pour le personnage de Zypher comme pour le spectacle, et surtout pour une troupe de six comédien.ne.s dont les multiples changements d’aspect confinent à l’extraordinaire. Un vrai tourbillon de transformations, comme un appel à la plasticité des êtres.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Zypher Z.
Une création originale du Munstrum Théâtremise en scène Louis Arene
conception/scénario Louis Arene, Kevin Keiss et Lionel Lingelser
texte/dramaturgie Kevin Keiss
avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, Erwan Tarlet
scénographie Mathieu Lorry-Dupuy
création lumières Jérémie Papin en collaboration avec Victor Aranciocréation plastique, marionnettes Carole Allemand, Louise Digard, Sébastien Puech
création masques Louis Arene, Louise Digard & Carole Allemand
création sonore Jean Thévenin assisté de Ludovic Enderlen
création costumes Colombe Lauriot Prévost & Eloïse Pons
chorégraphe Yotam Peled
assistante à la mise en scène Maëliss le Briconstagiaire marionnettes Ninon Larroque
régie générale & plateau Valentin Paul
accessoiriste / régie son Ludovic Enderlen
régie lumière Victor Aranciohabilleuse Audrey Walbott
administration, production Clémence Huckel
diffusion Florence Bourgeon
presse Murielle Richard
remerciements Mo Dumond
– production –
Munstrum Théâtre
– coproduction –
La Filature, Scène Nationale de Mulhouse
Le Quai, CDN d’Angers, Pays de la Loire
Les Célestins, Théâtre de Lyon
Châteauvallon-Liberté, scène nationale
Le Trident, Scène Nationale de Cherbourg-en-Cotentin
Théâtre de Châtillon
CPPC Théâtre de L’Aire Libre, Rennes
– résidences –
CDN de Normandie-Rouen
La Ferme du Buisson, Scène Nationale de Marne-la-Vallée
Le Monfort, Paris
Le pad / invitation par la cie Natalie Béasse
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
avec le soutien de Sidas Podiatech
avec le soutien de la Collectivité Européenne d’Alsace
Le Munstrum Théâtre est associé à la Filature, scène nationale de Mulhouse
ainsi qu’au projet du CDN d’Angers.
La compagnie est conventionnée par la DRAC Grand-Est – Ministère de la Culture, aidée à la structuration par la Région Grand Est. Elle est soutenue par la la Ville de Mulhouse.Durée: 2h
24 au 28 janvier 2023, Théâtre Dijon Bourgogne CDN, Dijon
16 février 2023, L’Avant-Seine, Théâtre de Colombes
21 février 2023, Le Moulin du Roc scène nationale, Niort
29 au 31 mars 2023, TU-Nantes
4 au 12 avril 2023, Théâtre Public de Montreuil – Centre dramatique national
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