« C’est une pièce créée pour toucher l’âme des êtres humains« : avec Voice of desert, Saburo Teshigawara a présenté au festival Montpellier Danse une pièce pour cinq danseurs empreinte de contrastes, entre délicatesse et brutalité, dans l’écrin d’un théâtre à ciel ouvert.
Lorsque le chorégraphe japonais entre en scène samedi soir, son corps ne s’impose pas. Il se glisse dans une atmosphère. Ses membres ondulent jusqu’au bout des doigts, fluides puis épris de sursauts finement maîtrisés. Avec sa partenaire, Rihoko Sato, ils respirent le fragile.
« C’est une pièce créée pour toucher l’âme des êtres humains. Voice of Desert dessinée, par le corps, nos voix intérieures, celles de notre corps, de notre esprit. Ces voix s’expriment à l’intérieur avant de s’exprimer à l’extérieur« , at-il expliqué avant cette première dans laquelle il danse et réalise la chorégraphie, mais aussi la lumière, la scénographie et les costumes .
Né en 1953 à Tokyo, le chorégraphe étudie d’abord les arts plastiques et la danse classique. Jeune, il s’est interdit de réaliser sa première pièce avant l’âge minimum de 30 ans, convaincu de devoir étudier sans relâche pour oser créer ensuite.
« J’ai décidé que je devais même étudier la musique, l’écriture, les matériaux, les éléments et m’étudier moi-même. Puis j’ai eu besoin de créer ma propre méthode », dévoile-t-il. En 1985, à 32 ans, il fonde sa compagnie, Karas, avec l’artiste Kei Miyata. Et il reçoit un Lion d’Or en 2022 à la Biennale de Venise, pour l’ensemble de sa carrière.
Les oppositions intriguent le chorégraphe qui s’interroge au quotidien sur les contradictions dans nos vies, dans l’environnement, dans ce qu’il perçoit, à 70 ans, de son propre point de vue : « Mon corps est petit, mes yeux sont petits, ma vision du monde est petite, et le monde est vraiment trop grand pour moi« .
« Les luttes créent l’équilibre »
« Mais ce sont les contradictions qui nous permettent d’être au milieu. Les luttes créent l’équilibre« , ajoute-t-il. Dans Voice of desert, à nouveau joué lundi soir à Montpellier, les contraires sont régulièrement provoqués. Ainsi, la quiétude des corps de Saburo Teshigawara, Rihoko Sato et Kei Miata est dérangée par deux trublions, perruque noire sur la tête, déboulant sur le plateau en chutant sans cesse. Le contraste est criant.
Sa méthode, nourrie de ces antonymies, est bâtie sur le mouvement de la respiration, sur la relation avec le sol, enrichie du corps des autres danseurs et danseuses.
Pour ses créations, le chorégraphe nippon n’impose pas ses mouvements. « C’est au danseur lui-même de les découvrir, par le langage« .
Mais il ne délivre pas de mots ni de consignes non plus. Saburo déclame des poèmes, des textes inspirants, que Rihoko Sato, sa partenaire de scène depuis plus de 25 ans, « écoute et ressen(t) de différentes façons. Certains textes reviennent beaucoup, c’est ce qui fait naître les mouvements dans mon corps« , témoigne-t-elle.
Prolifique, Saburo Teshigawara crée une dizaine de pièces par an dans son théâtre au Japon. Mais, pour « Voice of desert », il a été largement inspiré par le lieu, la scène montpelliéraine de l’Agora, en extérieur, qui s’insère dans un ancien couvent en demi-lune avec, pour fond, une arche de pierres calcaires.
« Nous sommes habitués aux espaces clos et noirs qui nous plongent dans une imagination illimitée. A l’Agora, nous sommes sous les lumières du ciel, au milieu des pierres, soumis au vent« , observe Saburo Teshigawara.
La scénographie est épurée. La lumière saupoudre les corps filiformes des danseurs, révélant doucement leurs ombres sur les vieilles pierres. Le souffle du vent revient, en toile de fond sonore, comme un refrain. Puis des mélodies de violons, de pianos, sont fréquemment balayées par le fracas du tonnerre. Saburo Teshigawara fait briller les oppositions, dans un clair-obscur.
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