Pour Vive le sujet ! – Série 1, deux performances investissent le Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph : l’une, plaisante, signée Ludmilla Dabo, l’autre, inventive, imaginée par Mellina Boubetra.
Il est onze heures du matin, et déjà le soleil cogne dans le Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph. Ce samedi 9 juillet, deux artistes sont venues présenter leur travail dans le cadre de Vive le sujet ! (série 1) : Ludmilla Dabo et Mellina Boubetra. L’une et l’autre ont répondu à la proposition de la SACD (la société des auteurs dramatiques), qui, comme chaque année, commande des formes courtes et expérimentales à de jeunes créateurs qui n’ont jamais collaboré ensemble. Le rendez-vous donne parfois lieu à de belles surprises et sert souvent d’impulsion à de jolis spectacles, développés par la suite. Les travaux de Ludmilla Dabo et de Mellina Boubetra ont des points communs. Au travers de leurs pièces, l’une et l’autre mélangent la danse, le texte et l’acrobatie, et laissent entendre un désir d’utopie, une envie de faire corps et un besoin de se singulariser, envers et contre tous. Une question de génération, peut-être… Une question de nécessité, sûrement…
C’est Ludmilla Dabo qui, la première, entre en scène. Elle est accompagnée par Blade AliMBaye et Ashtar Muallem. La pièce s’intitule Ce n’est qu’une histoire de balances. Et pendant 25 minutes, les trois artistes traiteront la question du déséquilibre, sous toutes ses formes : déséquilibre corporel (il et elles se portent l’un.e l’autre, oscillant de gauche à droite), déséquilibre mental (Ludmilla Dabo évoque un rapport au monde toujours plus compliqué ; politiquement, socialement, éthiquement), déséquilibre culturel (Ashtar Muallem disserte sur sa multiculturalité et son désir ambivalent de solitude). On entendra du beat-box, maîtrisé. On verra des acrobaties sur du tissu aérien, impressionnant. On écoutera de belles envolées musicales, à mi-chemin entre le gospel et la soul. L’alchimie entre les trois est indéniable. Les prises de positions politiques nous touchent, mais le propos esthétique est un peu fouillis. C’est dommage, mais ce n’est pas grave non plus. La spontanéité domine et finit tout de même par nous séduire.
Nyst de Mellina Boubetra est autrement plus radical et singulier. Et cette pièce continuera à nous travailler longtemps après la représentation. L’artiste investit le plateau au côté de Julie Compans. Au fil d’une belle demi-heure, Mellina Boubetra danse étrangement, oscillant entre une forte nervosité et des mouvements très gracieux, mélangeant une forme de colère et une grande sensualité. À droite, Julie Compans décrit tout ce qu’elle voit, précisément, délicatement, poétiquement ; c’est juste, c’est surtout très beau, c’est en quelques sorte la traduction textuelle de la chorégraphie. On ferme les yeux pour voir ce que ça donne justement… Et l’on ose imaginer qu’un spectateur aveugle ou malvoyant pourrait éprouver les émotions suscitées par la danseuse ; les artistes pourraient même aller plus loin dans la description des états intérieurs. Mellina Boubetra, qui est formée à la danse hip-hop, et Julie Compans, qui a étudié l’anthropologie du corps et la philosophie de l’art à l’université de Nice, ont inventé quelque chose de précieux ; quelque chose qui, on l’espère, sera repris, retravaillé et approfondi.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
Vive le sujet ! Série 1
Ce n’est qu’une histoire de balances
Texte et mise en scène Ludmilla Dabo
Avec Blade AliMBaye, Ludmilla Dabo, Ashtar Muallem
Musique Blade AliMBaye, Ludmilla Dabo
Tissu Ashtar Muallem
Production Cie Volcano Song, Bureau des Filles
Coproduction SACD, Festival d’Avignon, Comédie de Caen
En partenariat avec France Médias Monde
Nyst
Mise en scène et chorégraphie Mellina Boubetra
Avec Mellina Boubetra, Julie Compans, Patrick de Oliveira
Texte Julie Compans
Musique Patrick de Oliveira
Production Cie ETRA
Production déléguée Cie Art-Track
Coproduction SACD, Festival d’Avignon
Avec le soutien du Théâtre Louis Aragon (Tremblay-en-France), Théâtre de la Ville (Paris), La Villette Paris, CN D Centre national de la danse (Pantin)
Durée : 1 h 20
Festival d’Avignon 2022
Jardin du Lycée Saint-Joseph
du 8 au 14 juillet
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