Le futur directeur de La Tempête, Clément Poirée, monte en ces lieux une longue pièce d’Hanokh Levin, « Vie et mort de H ». Un drame acide à l’humour grinçant porté par une équipe de comédiens survoltés.
H serait-il une sorte de Cendrillon ? Il apprend le mariage de Fogra, la fille du couple chez qui il vit et dont il est amoureux, seulement quelques jours avant la date fatidique. Pour se venger de lui avoir appris la nouvelle si tard, H coupe une mèche de cheveux à la mère de Fogra. La cruauté du couple à l’égard du « parasite » ne fera que redoubler : Boubel, le mari, va plonger H dans les pires souvenirs de sa vie en les rejouant devant lui.
En observant les personnages, on pense à une autre pièce de Levin, « Kroum l’Ectoplasme ». Adash Bardash, seul ami de H, est un hypocondriaque proche d’un Tougati. Et Hannah, ne nous fait-elle pas penser à la Doupa de l’autre pièce ? Comme elle, elle est laide et pas suffisamment désespérée pour se mettre avec un mourant. L’environnement du « souffre-douleur » est donc familier des amateurs du dramaturge israélien. Son écriture reste si particulière, très directe – certains trouveront que parfois cela manque de mise en contexte. Par les dialogues, les personnages s’envoient des jets d’acide à la figure. Cette puissance sombre, Poirée la met en valeur dans la psychologie physique des personnages, qui se révèlent particulièrement quand ils ne parlent pas.
L’environnement ajoute à la folie colorée de la pièce. Toute de blanc et bleu-nuit, la scénographie déconstruite crée l’apparence biscornue d’une bande dessinée psychédélique. Les images dans ce décor sont réussies. Clément Poirée parvient à manipuler avec beauté les effets de transparence et perspective, le dynamisme et la clarté de la mise en scène sont ainsi soulignés.
Dans la troupe réunie, H, incarné par Bruno Blairet, est peut-être celui qui exagère un peu trop – bien que l’exagération soit le propre des personnages chez Levin ! Fogra, jouée par une Camille Bernon déjantée et éclatante porte les comédiens dans la dernière partie de la pièce à une sorte d’hystérie collective, grâce à son espièglerie contagieuse jusque dans les rangs du public. Pendant que chacun tente de suivre cet ange déchaîné, H informe à qui veut l’entendre qu’il se suicidera le jour du mariage. Personne ne lui accordera davantage d’importance pour autant. Pas même Fogra qui s’amuse à ne pas lui dire ce qu’il voudrait entendre.
Le thème de l’horrible famille, récurrent chez Lévin, est ici montré à son paroxysme. Pour ne pas laisser de répits, Émilien Diard-Detœuf joue les esprits frappeurs qui plonge les vivants de la salle dans une sorte de confusion face à eux même entre deux scènes. Et finalement, à quoi se raccroche t-on ? On regarde cette vie de H comme un fait divers : soulagés et contents que ce ne soit pas la nôtre. Ne serait-ce pas cela que toute cette pièce dénonce ?
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
« VIE ET MORT DE H pique-assiette et souffre-douleur » de Hanokh Levin
mise en scène Clément Poirée
texte français Laurence Sendrowicz in Théâtre Choisi VI, Pièces mortelles. Editions Théâtrales, éditeur et agent de l’auteur.
avec Moustafa Benaïbout, Camille Bernon, Bruno Blairet, Eddie Chignara, Louise Coldefy, Emilien Diard-Detoeuf, Laurent Menoret et Luce Mouchel
décor : Erwan Creff
lumières : Kévin Briard
costumes : Hanna Sjödin
musique : Stéphanie Gibert
maquillage et coiffure : Pauline Bry
régie générale : Farid Laroussi
collaboration artistique : Sacha Todorov
administration et production : Lola Lucas
production Compagnie Hypermobile ; avec la participation artistique du Jeune Théâtre national.
durée : 2h15au Théâtre de la Tempête – salle Serreau
10 JANVIER // 5 FÉVRIER 2017
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
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