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Vanish. Disparaître en mer pour mieux se retrouver ?

Les critiques, Moyen, Paris, Théâtre

© Alban Van Wassenhove

Créé en 2020, Lucie Berelowitsch, la directrice du CDN Le Préau à Vire, présente en tournée Vanish d’après Océanisé.e.s de Marie Dilasser. Encore fragile, inégal, mais porté malgré tout par d’émouvants élans, le spectacle gagnera assurément en corps et cohérence en se rôdant.

Au plateau, le décor ne joue pas la carte du réalisme. C’est un espace en chantier qui accueille notre regard en entrant dans la salle. Un échafaudage occupe le centre de la scène. Cordes et cordages sont noués ici et là, un bac transparent rempli d’eau attend son heure en avant-scène à jardin. Côté cour, consoles, machines et instruments de musique annoncent la place centrale du son et de la composition musicale dans l’imaginaire maritime déployé. Lucie Berelowitsch, à la mise en scène, a construit un spectacle collectif où chaque composante – texte, jeu, musique, scénographie, existe à part égale sans faire de l’ombre aux autres. Sur une envie partagée avec le comédien Rodolphe Poulain de transformer leur attraction commune pour la mer et ses mystères en une plongée scénique inspirée, elle embarque dans l’aventure l’autrice Marie Dilasser avec laquelle elle adapte “Océanisé.e.s” (publié aux Solitaires intempestifs) ou le récit d’un homme qui prend le large, abandonne tout, femme, enfant, famille et amis, pour se confronter à la solitude, l’horizon, l’océan infini. C’est un tour du monde et un tour de soi. Un voyage sans retour. Une quête d’absolu que nimbe la partition musicale envoûtante signée Guillaume Bachelé. Entre nappes mélancoliques et grondements souterrains, elle accompagne la trajectoire irréversible de cet homme aux prises avec les éléments qui noie le confort et la solidité de sa vie à terre dans l’inconnu de l’océan.

Le texte de Marie Dilasser, s’il souffre de quelques passages un peu anecdotiques, comporte des fulgurances scintillantes, des envolées lyriques et métaphysiques qui nous transportent au cœur des enjeux existentiels fondamentaux de ce choix radical. Si Rodolphe Poulain, en dépit du fait qu’il soit à l’initiative du projet, peine parfois à trouver la tonalité adéquate à cette écriture ondoyante, à surfer sur l’endroit délicat de l’incarnation sensorielle et poétique qu’implique ses différents registres, il tient la barre, garde son cap et défend avec un engagement sincère et concerné ce personnage happé par la mer et ses abîmes. Gageons qu’avec un peu plus de représentations dans les jambes, il sera comme un poisson dans l’eau sur ce plateau que ravage une tempête de la plus belle espèce, de celles dont on ne revient pas et qui ouvre, tels des mirages d’oasis en plein désert, des visions oniriques impossibles. Assis sur le matelas gonflable qui lui tient lieu d’embarcation scénique, perdu au milieu de nulle part, seul face à lui-même, il converse une dernière fois avec sa femme, restée au port. Fantasme ou hallucination, le couple séparé par le voyage abolit la distance géographique dans le lien qui les unit. Interprétée avec grâce par Najda Bourgeois, émouvante en épouse inquiète, l’unique rôle féminin offre le pendant terrestre à cette échappée maritime, le point fixe de cette fuite en avant. A cette éternelle figure de la femme de marin qui attend sagement le retour de l’être aimé, Najda Bourgeois apporte une dignité et une retenue bienvenue.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Vanish
d’après “Océanisé.e.s” de Marie Dilasser
adaptation Lucie Berelowitsch, Marie Dilasser
mise en scène Lucie Berelowitsch
avec Guillaume Bachelé, Najda Bourgeois, Rodolphe Poulain
collaboration artistique Sylvain Jacques
assistanat à la mise en scène Élise Douyère
musique Guillaume Bachelé
scénographie Hervé Cherblanc
lumières Christian Dubet
sonorisation Mikaël Kandelman
costumes Suzanne Veiga Gomes assistée de Cécile Box
décor Les Ateliers du Préau
régie générale Océane Farnoux
régie plateau Hervé Cherblanc et en alternance Cyrille Florchinger et Arthur Michel habilleuse Nadia Ménenger

PRODUCTION
Le Préau CDN de Normandie – Vire

COPRODUCTION
Archipel Granville -Scène conventionnée d’intérêt national « Art en territoire »-, le Théâtre de Lorient CDN et la Communauté d’agglomération Mont Saint-Michel – Normandie

AVEC LE SOUTIEN DE
la Ville de Saint-Lô – Théâtre de la Ville de Saint-Lô

Durée 1h30

Paris | Théâtre de la Tempête | Du 23 septembre au 23 octobre 2022
Colmar | CDN Grand Est Alsace | Les 1er et 2 décembre 2022
Caen | Théâtre des Cordes, CDN de Normandie | Les 13 et 14 décembre 2022
Granville | L’Archipel | Le 28 février 2023
Saint-Lô | Théâtre de la Ville | Le 2 mars 2023
Dieppe | DSN – Dieppe Scène Nationale | Le 7 mars 2023

26 septembre 2022/par Marie Plantin
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